Revue électronique de sociologie
Esprit critique
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vol.03 no.11 - Novembre 2001
Editorial
 

Le sociologue et la guerre

Par Jean-François Marcotte
 

      Le sociologue est avant tout un être humain et nul ne peut ressentir un grand désarroi en voyant des personnes se détester au point de vouloir se tuer. Nul ne peut ressentir un peu de dégoût devant les morts occasionnées par les combats. Toutefois, le sociologue doit faire preuve d'empathie et de relativisme pour observer les phénomènes qui se présentent à ses yeux.

      Le sociologue est un observateur averti. Pour bien analyser les phénomènes sociaux qui se déploient en temps de guerre, le sociologue doit faire preuve de réserve et se pencher attentivement sur ce qui se passe. Il ne doit pas faire croire qu'il comprend tout ce qui se passe pendant que tout est à chaud. Le sociologue a besoin d'une distance critique pour évaluer tous les éléments faisant partie des faits en ébullition. Avant de poser un diagnostique, il doit s'assurer d'avoir tout en main. Il doit observer et s'abstenir de fournir des explications prématurées face aux activités qui ont cours.

      Le sociologue a toutefois un rôle d'intervention. Il doit poursuivre sa mission qui consiste à pointer les abus, expliquer avec froideur les logiques politiques et sociales derrières de tels agissements. Une guerre n'est jamais aussi simple que ce que l'on peut le croire en écoutant les médias. Une guerre implique des processus politiques complexes en progression qui ne peuvent se limiter à des événements précis. Une guerre implique une propagande militaire, des modifications législatives, des critères économiques et des objectifs sociopolitiques à atteindre. Les citoyens deviennent rapidement aveuglés par la propagande qui fait semblant d'expliquer simplement les événements, alors qu'elle consiste plutôt à obtenir la légitimité nécessaire pour poser certains gestes. C'est pourquoi il est important que le sociologue s'expose pour expliquer les logiques de la guerre aux citoyens. Il est important de faire comprendre qu'une guerre ne se limite pas à de la haine entre deux chefs.

      Le sociologue n'a pas de patrie en temps de guerre. L'implication du sociologue est très délicate car la guerre fait vibrer des cordes très sensibles chez les citoyens. Il important d'avoir une approche bien dosée parce qu'il est difficile de s'adresser à des citoyens qui sont sous l'emprise d'une ferveur patriotique générée par les propagandes militaires. Le moindre mot peu faire l'objet de représailles de la part d'un peuple en entier, même s'il s'agit d'une mauvaise interprétation de ce mot! Le sociologue doit être une référence neutre sur laquelle les citoyens de toute origine peuvent avoir confiance.

      Le sociologue est sociologue! Il doit conserver son esprit critique et s'appliquer à analyser tous les faits sociaux qui sont en cours. Plusieurs faits sociaux font émerger les guerres et celles-ci génèrent de nouveaux phénomènes qu'il faut savoir identifier. Les logiques sociales, politiques, économiques et culturelles se transforment et il est important de se concerter et de s'entraider pour comprendre globalement les transformations en cours. Chaque sociologue a sa spécialité et chaque sociologue a besoin des autres pour faire émerger un corpus cohérent pour l'ensemble de la sociologie. Chacun a besoin de comprendre ce que les autres comprennent, et c'est par une meilleure communication entre nous que nous pourrons parvenir a une activité sociologique cohérente.

 
 
Marcotte, Jean-François. 'Le sociologue et la guerre', Esprit critique, vol.03 no.11, Novembre 2001, consulté sur Internet: http://critique.ovh.org
 
 
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Editorial

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