Revue électronique de sociologie
Esprit critique
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Vol. 03 no. 01 - Janvier 2001
Editorial
 

Déclin... de la démocratie en Amérique

par Jean-François Marcotte
 

      Ah la démocratie... cette belle vertu qui fait la fierté de nombreuse nations occidentales. Il s'agit d'une des valeurs politiques les plus discutées de la modernité. Mais qu'est-ce que la démocratie? Certains disent qu'il s'agit du "pouvoir du peuple par le peuple"! Selon Tocqueville, la démocratie constitue un état de droit axé sur l'égalité, la mobilité sociale et la disparition des classes sociales. La démocratie a constitué en quelque sorte l'acte fondateur des États-unis d'Amérique. Toutefois, la dernière élection présidentielle a permis de mettre en évidence un certain effritement de la démocratie aux États-unis.

      Rappelons les faits, à l'automne 2000, les États-unis se lançaient dans la 43e élection présidentielle de son histoire. Dans une campagne électorale morose, les électeurs ont fourni une réponse plutôt ambigu au scrutin, laissant le Parti Démocrate et le Parti Républicain avec quelques votes d'écart. Après 36 jours de balbutiement juridique, le 43e Président des États-unis à être élu est George. W. Bush. Mais quelles sont les lacunes qui ont pu être observées?

      D'abord et comme il en devient une habitude, l'image médiatique des candidats a mis à l'écart le contenu politique. Il s'agissait d'une autre campagne électorale où les émissions de télévision étaient à l'honneur pour vendre des produits politiques. Bref, une autre campagne axée sur une médiatisation vide de sens et une absence de débats politiques.

      Ensuite, on remarque un faible intérêt de la population pour la campagne électorale. D'une part, lorsqu'un citoyens est trop occupé à tenter de survivre et de nourrir ses enfants, il est difficile de s'intéresser aux débats politiques. D'ailleurs, cela met en évidence à chaque élection que la classe moyenne et élevé décident d'un candidat qui servira leurs intérêts égoïstes, c'est-à-dire l'élimination des services collectifs pour l'équité sociale. D'autre part, lorsque l'on demande à une population de choisir entre un candidat de droite ou de droite modérée, ont sait déjà quel sera le résultat en bout d'élection, un candidat de droite au pouvoir! Et cela, entraînant évidemment un faible taux de participation.

      De plus, il est devenu clair que la porte de la politique n'est pas ouverte à tous les citoyens. À chaque nouvelle élection, les partis politiques investissent toujours davantage pour remporter la victoire. On dit qu'il s'agit de la campagne la "plus chère" de l'histoire, et c'est la même chose à chaque élection. Ainsi, quiconque n'est pas au moins millionnaire ne peut même pas s'imaginer mettre ses idées politiques de l'avant. Durant la campagne électorale, chacun des deux principaux candidats ont investi au-delà de 10 millions de dollars américains.

      On dit que la démocratie est le "pouvoir du peuple", mais y a-t-il démocratie lorsque les électeurs votent pour des raisons qui ne sont pas politiques? Je ne peux m'empêcher de faire une illustration typiquement américaine qui provient de la célèbre émission de télévision "Survivors". Si l'on se souvient bien, à la fin de la série d'émissions, chacun des derniers participants devaient se prononcer pour élire le vainqueur du jeu et gagnant d'un million de dollars. Cette dernière émission s'était terminée dans un cafouillage de tensions personnelles. Chacun avait exprimé à la caméra son intention de vote et les raisons derrières ce choix. On se souviendra quelques-unes des raisons qui motivaient le vote de chacun: un vote parce qu'on déteste l'autre candidat, un vote appuyé sur une croyance en la numérologie, un vote qui avait été promis au candidat préalablement, ... Bref, seulement une ou deux personnes avaient voté pour le mérite du joueur et des raisons liées aux qualités du jeu des candidats. Si les électeurs américains agissent de cette façon à l'élection présidentielle, on se retrouve avec vote dépourvu d'intention politique. Si un dixième de la population vote avec une intention politique sur un taux de participation de 60%, seuls 6% des américains remplissent leur rôle de citoyen de la démocratie. Par conséquent, 94% vont subir le plan politique du parti au pouvoir jusqu'aux prochaines élections!

      Aussi, le processus d'élection indirect du Président a été remis en question par certains analystes. En effet, l'élection du Président des États-unis ne se fait pas selon un vote populaire, mais plutôt par l'élection d'un candidat dans chacun des États américains. Le Président est choisi par les candidats élus dans chaque État. Ce puissant homme d'État est donc nommé par le Collège électoral et non élu par la population. Sur le site Internet du National Archives and Records Administration (http://www.nara.gov), on peut lire: "It is possible that an elector could ignore the results of the popular vote, but that occurs very rarely.", ce qui signifie en français "Il est possible qu'un électeur [Membre du Collège électoral] puisse ignorer les résultats du vote populaire, mais cela arrive très rarement." Nous voilà très rassuré!

      Encore, le contexte laisse toujours de plus en plus de place à la manipulation indirecte du vote. Les plus grandes puissances économiques arrivent à orienter le vote populaire par le financement des partis politiques, et le vote du Collège électoral par le Lobbying pour orienter la décision.

      Enfin, le puissant monde juridique américain s'est mis de la partie afin de trancher sur le choix du Président des États-unis. Bref, un système de droit où juges et avocats prennent part à la discussion sur la légitimité des candidats...

      Les États-unis se sont construits sur un rêve de démocratie et se meurt aujourd'hui sous un régime politique devenu insensé. La démocratie existe-t-elle encore au États-unis? De quelle forme politique s'agit-il? S'agirait-il d'un régime qui n'est ni choisi par le peuple ni choisi pour le peuple? La démocratie en Amérique serait-elle devenue l'état du droit à subir un pouvoir illégitime?

 
 
Marcotte, Jean-François. "Déclin... de la démocratie en Amérique", Esprit critique, vol.03, no.01, Janvier 2001, consulté sur Internet: http://critique.ovh.org
 
 
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Editorial

Déclin... de la démocratie en Amérique
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