Revue électronique de sociologie
Esprit critique
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Vol. 02 no. 06 - Juin 2000
Editorial
Le sociologue et la société de l'information
par Jean-François Marcotte
 

      On dit que la société de l'information amène une révolution historique. Avoir un accès instantané à des millions de documents en un "clic", à des milliers de chaînes télévisuelles spécialisées en un "zap" et à la terre entière grâce aux rabais sur les appels interurbains! Il est vrai que cette médiatisation effrénée risque de changer la façon dont les êtres humains se perçoivent et perçoivent les autres, la société, l'information, le travail, les loisirs, etc. Mais, les temps passent et les choses ne changent pas autant que l'on pourrait le croire. La société de l'information pose de nombreux problèmes et son déploiement se base le plus souvent sur des formes sociales classiques.

      On veut nous mentir! Les entreprises, les gouvernements et mêmes les organisations internationales veulent orienter notre pensée. La classique propagande est toujours à la mode, mais se déploie plus subtilement. À chaque guerre (Koweit, Kosovo, etc.) il est impressionnant d'observer le savoir-faire des professionnels militaires de la propagande. On nous ment en toute connaissance de cause et de l'autre côté on tient le discours de la transparence bidon! Cette technique est vieille comme le monde et elle fonctionne toujours! Tout est question de légitimité de l'acte et de médiatisation.

      C'est par la désinformation, l'absence de sens critique et l'utilisation aveugle des capsules fournies par les agences de presse, que ces propagandes se glissent un peu partout. Les empires de la giga-information en sont complices par leur insouciance face au contenu présenté. L'important pour les médias est de fournir suffisamment de sensationnalisme, pour attirer suffisamment d'auditeurs, pour faire suffisamment de profit. Mais pendant ce temps, les messages circulent et les individus fondent leurs opinions sur ce qui leur est présenté. Il est facile d'être en accord avec la manipulation génétique quand on ne nous présente pas les dangers ou de détester un politicien quand on fait fi de rappeler ses interventions bienfaisantes!




 

      Avec la censure, l'oublie désintéressé et la disparition des analystes sérieux, où peut-on trouver une information exacte, ou du moins honnête? Je ne peux m'empêcher de dire "sur Internet"! Oh, attention! Il est vrai que l'on retrouve sur Internet la plus grande banque de renseignements bidons sur Terre. Mais, il est aussi vrai que de nombreux internautes activistes ont créé des réseaux qui diffusent des informations confirmées sur place... et croyez-moi, cette information circule très rapidement! Comment s'assurer que cette information est exacte? Cette information n'est pas exacte; il s'agit d'une information teintée et c'est bien ce qui la rend intéressante! En effet, l'objectivité du journaliste s'est transformée en devoir de transmission des nouvelles sans les modifier... presqu'un concours de celui qui transmet le plus de nouvelles à la minute! Ainsi, cette information subjective ne se trouve pas sur les sites Internet des grosses boîtes d'information mais plutôt dans les échanges courants. Il semble que l'on ait oublié qu'il y a des personnes qui échangent sur Internet et pas seulement des grosses boîtes qui offrent des services. Les enjeux du commerce électronique sont rendu si important que des compagnies d'assurance viennent de lancer des assurances contre le "Cracking" et les "crash" de systèmes. Mais, il ne faut pas oublier que ce phénomène, quoique en expansion, est très jeune. Bien avant, l'avènement des échanges commerciaux sur Internet, il s'est construit les bases d'un réseau indépendant axé sur la libre expression. Lorsque l'on quitte les instruments "grand public" du Net, on voit que ce réseau indépendant est toujours vivant. Et même, ce réseau a considérablement grossi. Il est là même s'il passe inaperçu dans l'océan de la propagande commerciale.
[suite]


      Mais où est le sociologue dans tout ça? Voilà des phénomènes dangereux qui nécessiteraient l'intervention du sociologue. Voilà aussi des lieux où le sociologue pourrait intervenir. L'information passe à toute vitesse devant ses yeux et les phénomènes sociaux changent rapidement. Le sociologue doit prendre le recul nécessaire pour analyser les phénomènes sociaux avec justesse et poser le meilleur jugement possible. Les phénomènes s'influencent, se transforment et se fusionnent trop rapidement, de sorte que le recul que prend le sociologue l'éloigne parfois de toute compréhension possible de ce qui se passe vraiment. À force de reculer on risque de ne pas arriver en même temps que tout le monde!!!

      La distance critique est valeureuse mais si on laisse tout passer, c'est qu'on admet que la sociologie est une science de laboratoire, où l'on observe sans intervenir afin d'éliminer tous facteurs d'erreur. En laissant passer des phénomènes destructeurs pour l'humanité, on devient complice de leurs déploiements. Ainsi, il faut être attentif aux changements et pas seulement se réfugier dans les théories les plus ontologiques. Bien sûr, il faut préparer du savoir sociologique pour les générations futures, mais il est aussi de notre responsabilité de leurs laisser une société!

 

      Bien entendu, il faut aussi s'appuyer sur le savoir de nos prédécesseurs pour expliquer les phénomènes nouveaux. Les transformations rapides nous donnent à repenser nos modèles sociologiques mais les bases théoriques doivent nous servir à démasquer les formes sociales traditionnelles qui se glissent sous de nouveaux visages dans nos sociétés. Si les médias devaient surveiller les abus des forces sociales en place, le sociologue doit devenir, non seulement l'observateur des médias, mais aussi l'acteur qui signale les abus des médias. Voilà une belle mission pour les sociologues de la société de l'information: observer, analyser et intervenir en médiatisant la portée de sa parole!

 
Jean-François Marcotte
 
Marcotte, Jean-François. "Le sociologue et la société de l'information", Esprit critique, vol.02, no.06, juin 2000, consulté sur Internet: http://espritcritique.ctw.net
 
 
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