Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Automne 2003 - Vol.05, No.04
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Dossier thématique
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Editorial
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Tribus et réseaux: nouveaux modes de communication et de relation
Par Sandrine Basilico

          Au carrefour de nouveaux supports de communication - réseaux informatiques notamment, les technologies de l'information et de la communication (TIC), témoignent de l'intérêt croissant accordé à la notion d'information. Elles favorisent de nouveaux usages, élargissent notre appartenance au monde et en augmentent notre capacité d'appréhension et de maîtrise.

          Pour les optimistes, les changements profonds qui affectent notre société par le biais des TIC, nous permettraient d'accéder à une société plus égalitaire, plus prospère et plus démocratique. Témoin, le sommet Mondial de la Société de l'Information (SMSI) organisé par les Nations Unies, qui regroupera les acteurs de la société civile, les entreprises et les ONG se déroulera entre 2003 et 2005 et aura pour but de réfléchir sur les défis et les possibilités liées aux TIC. Il mettra, entre autres, l'accent sur la disparité des moyens de communication, en particulier des TIC.

          Le sommet révèle l'intérêt de réfléchir aux enjeux géopolitiques de la communication, et de passer d'une idéologie des systèmes d'information à une problématique de la communication, d'admettre que le problème principal, dans ce secteur, n'est pas la production et la diffusion d'un nombre croissant d'informations de toutes natures, mais plutôt de reconnaître enfin que ces industries gèrent (et génèrent) des visions du monde[1].

          Il s'agira aussi de définir, espérons-nous, la société de l'information et les communautés virtuelles - termes fourre-tout - dont l'absence de définition témoigne de l'absence de distance.

          Face à l'importance socioéconomique et géopolitique que revêtent désormais les TIC, face aux enjeux qu'elles représentent dans la construction de la société de demain, le sociologue est en devoir de se poser la question de la consistance sociologique et de l'ampleur du rôle que peuvent jouer les diverses communautés qui composent désormais la "communication-monde"[2].

          Les réseaux numériques ont en effet un rôle politiquement vital car ils peuvent jouer dans la dynamique de développement des forces sociales du changement. La mise à disposition auprès des acteurs sociaux de moyens techniques permettant l'invention de modes nouveaux de résistance culturelle, l'expression de formes possibles de solidarité citoyenne pouvant émerger précisément à partir d'une utilisation judicieuse de ces réseaux d'échange planétaire d'information.

          Du "chat" au vote électronique, en passant par le néo-militantisme, les TIC induisent une nouvelle proxémie, pourrait-on dire, ou proximité électronique dans laquelle les données spatio-temporelles changent de forme. Elles favorisent l'appartenance à de multiples et nouveaux réseaux, ce que Michel Maffesoli a rapproché de la tribu, soulignant la dimension communautaire et la saturation de l'individuation et de l'identité. Elles constituent un véritable cerveau mondial, aux enjeux politiques et épistémologiques indéniables. Une évolution qui n'est pas sans poser en termes nouveaux la question de la citoyenneté.

          Vraies communautés ou simulacres de communautés? Ce qui est certain, c'est que, conforté par le développement technologique, le sentiment d'appartenance tribal se double d'une interactivité croissante, s'acheminant vers un nouveau "village global", selon une expression bien connue empruntée à M. McLuhan[3]. Une multitude de villages s'entrecroisent donc, s'opposent, s'entraident, tout en restant eux-mêmes.

          Dans cette perspective, ce numéro d'Esprit critique pose un regard à la fois pragmatique et théorique sur certaines de ces nouvelles tribus.

          Il présente aussi pour la première fois, un entretien opératoire avec un chercheur de renom.

Sandrine Basilico

Notes:
1.- Pour plus d'information sur le SMSI, consulter le site www.wsisgeneva2003.org.
2.- Terme forgé par A.Mattelrat dans La communication-monde. Histoire des idées et des stratégies, Paris, La Découverte, 1991 en référence à McLuhan qui prophétisait l'avènement d'un village global face au développement de nouveaux médias. Selon A.Mattelart, c'est d'avantage à la naissance d'une communication-monde à laquelle on assiste avec ses réseaux, ses centres et ses périphéries.
3.- M. McLuhan, Pour comprendre les médias, Paris, Seuil, 1972.

Notice:
Basilico, Sandrine. "Tribus et réseaux: nouveaux modes de communication et de relation", Esprit critique, Automne 2003, Vol.05, No.04, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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