Esprit critique - Revue ‚lectronique de sociologie
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Vol.04 No.10 - Octobre 2002
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Numéro thématique - Automne 2002
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La sociologie à l'épreuve de la mondialisation: vers un renouveau épistémologique et méthodologique
Sous la direction de Rabah Kechad
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Articles
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Le "citoyen productif": une catégorie problématique. Le cas du Brésil
Par Dominique Revel

Résumé:
Le processus de restructuration productive, qui se traduit en terme d'augmentation du chômage et de la précarité professionnelle, questionne les fondements d'une société appuyée sur l'idéologie du travail salarié comme condition de promotion de la citoyenneté. L'analyse des contradictions qui sous-tendent la mise en place des politiques publiques de qualification professionnelle de la main-d'oeuvre au Brésil met en évidence les enjeux qui traversent la société brésilienne. Dans un contexte marqué par l'augmentation croissante du travail informel, la promotion du "citoyen productif" se heurte, en outre, à la persistance de pratiques professionnelles "inciviles" qui pourraient menacer la construction formelle de la citoyenneté.


Introduction

     Les questions du chômage et de la précarité[1] professionnelle sont devenues omniprésentes dans les sociétés postindustrielles occidentales de ce nouveau millénaire. Le système socio-économique capitaliste qui s'est développé de par le monde, au cours des deux derniers siècles, est entré dans une nouvelle vague de crises qui se succèdent depuis plus de trente ans.

     A partir des années 60, le système de production industrielle de masse est entré dans une phase de récession qui a donné origine à la dénommée "troisième révolution industrielle", caractérisée par un nouveau paradigme productif et organisationnel. Le système de production de masse a été substitué par un système de production flexible, se répercutant sur le processus organisationnel: les organisations centralisées devinrent décentralisées, donnant naissance à un processus de sous-traitance généralisé actuellement diffusé dans le monde entier.

     Le chômage et la précarité professionnelle sont les fruits amers de ce nouveau paradigme productif et organisationnel qui a rompu, principalement en Europe et aux Etats-Unis, avec trente années (les "trente glorieuses") de stabilité du système de production et du marché du travail. De fait, à partir de la seconde guerre mondiale, le modèle dominant du travail va se construire autour de la figure de l'employé salarié, stable, en contrat à durée indéterminée et à temps plein. Le travail salarié comme expérience centrale dans la vie de l'individu et comme modèle idéaltypique du travail de la société capitaliste contemporaine, est aujourd'hui questionné en raison des convulsions de la société postindustrielle.

     Inapte à garantir à l'ensemble de la population économiquement active les moyens de sa subsistance, le travail[2] salarié - l'emploi - est questionné en tant que modèle capable d'assurer la cohésion sociale (Castel, 1995). Ce qui est en jeu est la pertinence d'un modèle de société fondé sur l'idéologie du travail salarié comme vecteur de justice sociale. Car le système capitaliste, arc-bouté sur le principe de la redistribution des richesses comme contrepartie de l'engagement salarial, ne peut désormais garantir les valeurs de la citoyenneté dans un contexte marqué par la désintégration de la société salariale. L'analyse du discours qui sous-tend la mise en place des politiques publiques de qualification professionnelle de la main-d'oeuvre au Brésil offre une illustration pertinente des contradictions qui traversent la société postindustrielle.

Salariat et citoyenneté

     La crise du modèle tayloriste-fordiste, alliée aux changements technologiques donnèrent naissance à un ensemble de réflexions théoriques qui avancèrent la thèse de la "fin du travail" (Offe, 1989; Gorz, 1982). Pour les tenants de cette thèse, le travail en tant que relation sociale spécifique de la société capitaliste industrielle, c'est-à-dire le travail salarié - l'"emploi", ne peut plus constituer une catégorie sociologique centrale pour comprendre la construction de la société. La diversification croissante de la classe ouvrière a rendu improbables de possibles mobilisations collectives appuyées sur le travail salarié (Offe, 1989), empêchant en conséquence de penser le travail comme espace de luttes politiques. Plus encore, le chômage structurel et la précarisation croissante de la main-d'oeuvre moins qualifiée ont abouti à la naissance d'une "non-classe de non-travailleurs" (Gorz, 1982) qui non seulement ne peut pas constituer une force collective de lutte mais qui, en outre, pourrait devenir une force potentielle d'abolition du travail abstrait, caractéristique de la société capitaliste. Le travail comme catégorie analytique centrale de la sociologie depuis Marx, Durkheim et Weber, ne constituerait plus un paradigme de compréhension de la société post-moderne, puisque le processus de restructuration productive - technique et organisationnel - aurait déstructuré la société du travail dans le sens d'un éclatement de la classe ouvrière et d'une atomisation croissante des travailleurs (Offe, 1989).

     Le travail - entendu comme travail abstrait, relation sociale caractéristique du capitalisme, lien social structurant des sociétés industrielles - serait questionné dans sa pertinence analytique à rendre compte du "faire société". Le "monde de la vie" - en tant qu'espace intersubjectif de compréhension du monde - pourrait substituer le "système" - espace objectivé des relations politico-économiques (Habermas, 1999), comme catégorie analytique du "vivre ensemble". Car l'enjeu qui sous-tend les thèses qui mettent en question la centralité du travail porte avant tout sur la possibilité de penser la citoyenneté dans un contexte social marqué par la pérennité du mythe de l'emploi comme seul vecteur d'accès à la citoyenneté.

     L'idée de citoyenneté (re)naît il y a plus de deux siècles, sous-tendue par la proposition universalisante de rendre égaux les citoyens de la nouvelle société industrielle émergente afin de promouvoir l'idéal de justice nécessaire à l'éthique capitaliste de la bourgeoisie. La société capitaliste avait besoin d'une main-d'oeuvre libre et convertie à l'idéologie du travail comme vecteur de mobilité, d'égalité et de justice sociale.

     Au début du XXIème siècle, la société hiérarchisée et inégale contre laquelle s'instaura l'édifice de la citoyenneté perdure. Pire, elle tend à se renforcer au rythme des convulsions répétées du système capitaliste qui ne cesse de se restructurer au détriment des classes laborieuses.

     C'est parce qu'ils crurent à l'idéologie de la mobilité sociale et du progrès comme vecteur d'égalité que les hommes acceptèrent de travailler sous les nouvelles conditions[3] imposées par les rigueurs du capitalisme (Sombart, 1932; Weber, 1967). Le travail, tel que nous le connaissons à travers la forme dominante de l'emploi salarié, industriel ou non, est une forme récente - deux siècles environ - de concevoir la relation à l'activité laborieuse. L'utilisation rationnelle de la force de travail qui s'est imposée à partir du XVIIIème siècle entraîna de fortes répressions de la part des capitalistes contre les classes laborieuses peu disposées à s'engager spontanément dans un système de travail autant coercitif (Topalov, 1995). Les travailleurs qui vendaient leur force de travail de façon temporaire et non régulière - ce qui constituait une pratique typique des classes populaires - seront pourchassés jusqu'à accepter le nouveau modèle dominant du travail, celui du travail salarié régulier dans la grande entreprise.

Le travail informel comme défi théorique à la citoyenneté

     Au Brésil, la forme dominante du travail salarié qui s'est imposée en Europe n'a jamais atteint 80% de la population économiquement active. Le travail informel a toujours été et demeure une forme de travail très expressive, pour ne pas dire quantitativement dominante, même si le travail formel est symboliquement prévalent. Ainsi survivent des formes d'activité qui rompent avec la culture capitaliste hégémonique de l'emploi salarié dans la grande entreprise.

     L'augmentation simultanée du chômage et du travail informel (Rio Fuentes, 1997) nous informe sur la fragilisation du marché formel du travail face aux mouvements de restructuration de l'économie globalisée. Or, cette évolution du marché du travail dans le sens de la flexibilisation[4] des relations de travail constitue un véritable défi à la construction théorique de la citoyenneté.

     La citoyenneté sociale, appuyée sur le principe de la solidarité entre les travailleurs, est compromise dans son rôle de redistribution, puisque les contribuables deviennent minoritaires[5]. Au lieu d'être redistributifs, les droits sociaux se révèlent être des contrats de services que le contribuable établit avec l'État. Pensés comme moyen pour parvenir à davantage de justice sociale, les droits sociaux finissent par renforcer la dualisation de la société brésilienne, abandonnant le destin des pauvres à l'assistance sociale, espace de non-citoyenneté, de non-droit, puisqu'il faut prouver son exclusion pour obtenir une aide, aucun droit n'étant garantit.

     La citoyenneté sociale se heurte au piège universalisant qui la présuppose, nous obligeant à repenser le paradigme qui fonde la construction théorique de la citoyenneté.

     Le prisme du genre peut nous aider à mettre en évidence les ambiguïtés qui jusqu'alors ont empêché le passage de la construction théorique de la citoyenneté à sa mise en application empirique. Avec pertinence, Câmara et Cappellin (1998) montrent que "la symbolique du genre représente une des métaphores par laquelle nous pouvons percevoir les contradictions internes du concept dans la trajectoire historique de la citoyenneté: entre individualisme et solidarité, entre le principe de l'égalité et la réalité profondément marquée par les inégalités, entre la valeur de l'indépendance et les expériences de la dépendance".[6]

     Tout d'abord, l'individualisme qui sous-tend le concept de citoyenneté fut pensé en articulation à la possibilité donnée à l'individu de s'autosustenter grâce à son travail. Ce présupposé est devenu équivoque dans le contexte actuel marqué par l'augmentation du chômage. Comment penser la citoyenneté quand l'emploi salarié qui a fondé l'édifice social capitaliste devient plus discret et privilège de quelques-uns? La réponse des élites politiques paraît se concentrer sur la nécessité collective et individuelle de la qualification professionnelle, présentée comme l'unique option pour que les travailleurs puissent échapper à la pauvreté et à l'informalité, causes principales de l'exclusion sociale. Or, les propositions des programmes gouvernementaux de lutte contre le chômage ne s'aventurent même pas à garantir un emploi salarié aux travailleurs qui se compromettent à suivre les actions de qualification professionnelle, et privilégient explicitement les voies du travail "autonome". Comment dès lors résoudre une question qui se trouve jusqu'à aujourd'hui sans réponse, y compris dans les pays européens qu'on ne peut suspecter de total abandon aux diktats du libéralisme? Comment penser la promotion de la citoyenneté, c'est-à-dire la participation des individus à la construction de la société, quand les organismes représentatifs de la pluralité de cette "société des individus" ne peuvent plus se compromettre à assumer leur rôle de redistribution qui est la contrepartie minimale de l'engagement des classes laborieuses au maintien d'un édifice social appuyé sur le travail? Quand le travail n'est plus pensé en terme de contrat avec la société pour devenir un simple instrument de survie, c'est l'édifice social qui est questionné dans sa capacité à promouvoir le "vivre ensemble". Et la croissance du travail informel au détriment du travail salarié, seul à pouvoir garantir la réalisation du contrat établi entre le travailleur et l'Etat dans les termes de la contrepartie, vient mettre en risque le sens même du "faire société" (Castel, 1995). L'individualisme désarticulé du principe de solidarité met en question l'idée même de société, puisqu'il annule le sens des liens sociaux qui fondent l'expérience humaine d'exister en interrelation avec l'autre.

     En second lieu, l'individualisme qui a fondé l'universalité de la citoyenneté, a nié la possibilité de prendre en compte la multiplicité des subjectivités. Né contre l'indifférenciation communautaire, de la volonté de promouvoir les singularités, il s'est enfermé dans le piège totalisant d'un genre humain présupposé universel. L'homme, blanc, bourgeois, chrétien, venait de naître comme prototype de l'humanité, référence universelle contre laquelle tous les particularismes devaient s'effacer sous peine de mettre en risque l'idéal moderne de promotion de la rationalité.

     Femmes, non-blancs, groupes ethniques, pauvres de la planète durent se taire, subissant les diktats de la modernité capitaliste, jusqu'à percevoir que les progrès sous-tendus par la foi dans la rationalité de la modernité n'avaient apporté aucun des bénéfices escomptés, si ce n'est pour les propres promoteurs et défenseurs de l'idéal moderne.

     L'égalité qui a donné son support idéologique le plus convaincant au projet moderne n'a pas résisté aux multiples expériences d'inégalités qui continuent d'affliger le monde.

     Du processus de restructuration productive qui redéfinit le fonctionnement du système de production capitaliste depuis les années 70 ont découlé de significatives conséquences économiques, sociales et politiques; le plus important défi étant la préservation de la cohésion sociale dans un contexte marqué par la désarticulation de l'équation qui sous-tendait l'édifice social capitaliste.

     Le travail n'est plus une contrepartie suffisante, bien que nécessaire, pour garantir au citoyen la protection de l'Etat-Nation contre l'aléatoire de l'existence, et l'idéal égalitaire qui fonde le projet moderne de rationalisation du système productif n'est pas parvenu à transcender le système hiérarchique qui domine les relations sociales dans une permanence structurale affligeante. Ces deux termes de l'équation de la société moderne capitaliste sont fragilisés et questionnés dans leur capacité de convaincre, et en conséquence, de mobiliser des masses de citoyens qui ont fait de la consommation, et non plus de la production, le nouvel espace de la citoyenneté active (Canclini, 1999).

     Les communautés identitaires se sont substituées aux mouvements syndicaux en tant qu'espace de luttes, de revendications et de solidarités. Les mouvements sociaux contemporains expriment des revendications culturelles (genre, origine ethnique, sexualité, écologie, paix, religion, sport, etc.) davantage que sociales, qui nous renseignent sur un déplacement des espaces de solidarités, de l'espace identitaire de classe vers des espaces identitaires culturels (Canclini, 1999). Il est également possible de s'accorder avec Offe pour penser que la "société du travail" ne constitue plus le point focal des références théoriques des sciences sociales contemporaines - à la différence des classiques - pour penser la dynamique des structures sociales. Mais, à la lumière des conséquences du processus de restructuration productive en termes de chômage, flexibilisation et précarisation des relations de travail, il est difficile de continuer à suivre le raisonnement de l'auteur quand il affirme, pour justifier sa thèse, que "la proportion de temps dédiée au travail décline considérablement dans la vie des gens" (1989, p13).

     Car lorsque l'on pense le travail, non seulement en terme d'activité productive dans un espace professionnel, mais en terme plus vaste d'investissement pour le travail, on se doit d'inclure le temps consacré à la formation professionnelle, tout comme également le temps dédié à la recherche d'emploi. Évalué dans ces termes, le travail - formel ou informel, salarié ou indépendant - passe à représenter l'essentiel des activités des citoyens, et cela davantage encore dans une société comme la société brésilienne qui n'offre pas de systèmes de garanties sociales[7] qui protègent durablement les travailleurs des risques du chômage et de la précarité professionnelle, faisant de la recherche d'emploi et de la qualification professionnelle des activités fondamentales pour la survie.

Les politiques publiques d'Education professionnelle

     Ainsi, le travail conçu comme espace de production et espace de conflits ne représenterait plus un espace social légitime de citoyenneté active, c'est-à-dire de luttes pour la définition des règles du jeu de l'édifice social capitaliste.

     Dans ce contexte, le Brésil met en oeuvre des politiques publiques visant la construction de "citoyens productifs" comme solution pour résoudre les conséquences du processus de restructuration productive. Le PLANFOR - Plan national de qualification du travailleur - inauguré en 1995, constitue un exemple de concrétisation d'une volonté politique de "consolidation de la stabilité économique du pays, de reprise du développement et de construction de la démocratie et de l'équité sociale" selon les termes de l'actuel Secrétaire national de la formation et du développement professionnel, Nassim Gabriel Mehedff[8]. L'éducation professionnelle est ainsi promue par les pouvoirs publics comme "droit du citoyen productif, pensé sur des bases continues, permanentes, de façon complémentaire - et jamais substitutive - à l'éducation de base, qui est un droit de tout citoyen et devoir de l'Etat"[9].

     En présentant l'éducation professionnelle comme un outil indispensable au processus de construction de la citoyenneté, tout comme au processus d'adaptation du travailleur au nouveau contexte économique, le discours politique participe à la redéfinition de l'espace symbolique qui vise la construction d'un nouveau concept de travailleur, celui de "citoyen productif".

La construction sociale du citoyen productif

     L'analyse discursive du rapport officiel[10] chargé de promouvoir cette politique gouvernementale met en évidence une volonté d'associer les nouvelles exigences gérées par le processus de restructuration productive du point de vue organisationnel (travailleur responsable/discipliné, flexibilité/stabilité) avec ses conséquences en termes contractuels (travail formel/informel). Ainsi, le discours établit une relation de causalité qui participe de la construction d'un référentiel symbolique du travail, ou plutôt de la façon de penser et repenser le travail dans les termes reconstruits de la restructuration productive.

     La rhétorique discursive suggère ainsi que le travailleur, dans les termes renouvelés de la restructuration productive, ne peut plus être appréhendé dans les termes restrictifs et dépassés de l'ancien modèle fordiste, comme employé salarié stable, mais doit être conçu comme "citoyen productif", c'est-à-dire comme "travailleur ou producteur informel". Le discours politique construit la réalité du nouvel idéaltype de travailleur, celui de travailleur flexible, autonome et responsable, créateur de son propre travail, capable à la fois de participer à la croissance économique du pays, et de produire les revenus nécessaires à la reproduction de l'unité domestique. Un individu compétent et conscient, puisque non seulement travailleur mais aussi citoyen.

     Le processus de restructuration productive initié à partir des années 70, dans l'objectif de récupérer le cycle de reproduction du capital, implique de fait la formation et la qualification du travailleur dans des termes renouvelés. Moins spécialisé et davantage polyvalent, moins discipliné et plus créatif. Mais les experts se font chaque jour plus nombreux pour mettre en doute que la qualification professionnelle exigée et pointée comme indispensable tant à la compétitivité des entreprises comme à la possibilité des travailleurs d'accéder au marché du travail, soit de fait une solution pertinente pour affronter le problème social du chômage et de la précarité professionnelle (Gentili et Frigotto, 2000).

     En guise d'amélioration du niveau de qualification professionnelle de la main-d'oeuvre, nous assisterions à un processus de dualisation du marché du travail (Dubar, 1991) caractérisé par l'opposition croissante entre travailleurs hautement qualifiés et insérés dans le marché formel du travail, et travailleurs, peu ou pas qualifiés, précarisés au sein des marchés formel et informel du travail. Car, c'est exactement de la possibilité de trouver une main-d'oeuvre peu qualifiée et non organisée que les entreprises purent réaliser avec succès les transformations imposées par le processus de restructuration productive marquées par la flexibilisation des relations de travail.

De la citoyenneté à la civilité

     Les parcours du nouveau travailleur viennent croiser les chemins du citoyen dans une perspective conjointe de reconstruction des valeurs et références de la modernité. L'universalisation des modèles, la bureaucratisation des relations contractuelles, le principe organisateur unique, laissent place à la pluralité, à l'informalité, à la flexibilité des relations entre, aussi bien, l'individu et l'employeur, qu'entre le citoyen et l'Etat. être travailleur, être citoyen n'est pas une carte d'identité assurée par la Constitution en termes de devoirs et droits universellement et intemporellement garantis.

     L'Etat Providence a créé la possibilité de penser l'emploi et la citoyenneté comme droits garantis dans un contexte européen et nord-américain marqué par la stabilité du système fordiste de production post-guerre. La crise financière de l'Etat Providence, conséquence de l'augmentation du chômage et de la croissance de l'économie informelle, qui impliquent la réduction des recettes fiscales et l'augmentation des dépenses publiques, vient questionner la légitimité de l'efficacité d'un Etat redistributif incapable de garantir l'insertion des citoyens à l'édifice social de la société postindustrielle, que ce soit en terme de garantie de l'emploi ou en terme de protection des exclus.

Civilité et participation

     Il s'agit dès lors de repenser le rôle de l'Etat et de recontextualiser la citoyenneté pour pouvoir penser de nouvelles modalités du "vivre ensemble", basées dans les termes de la sociabilité, de la réciprocité et de la communication dans l'espace public. Dans la lignée des réflexions de Rosanvallon et de Ricoeur, il est suggéré la substitution d'une conception juridique - c'est-à-dire universaliste - de l'égalité et des droits, pour une pratique des débats publics capables de défendre les particularismes et singularités. L'idée proposée est la substitution d'un citoyen actif, apte à défendre ses nécessités spécifiques au citoyen comme sujet passif, simple récepteur des politiques de redistribution. Il s'agit en d'autres termes du rapprochement entre le social et le politique, ou mieux encore, de la repolitisation des liens sociaux, démantelés par le pouvoir institutionnalisé d'un Etat Providence qui s'est substitué aux communautés locales dans le rôle fondamental de constitution et maintien des réseaux de solidarités.

     Le concept de civilité[11] discuté par Patrick Pharo (1985) constitue un des ponts nécessaires pour penser la citoyenneté active dans les termes de la repolitisation des liens sociaux. En tant que règles informelles ou quasi-formelles de sociabilité, les droits ordinaires qui constituent la civilité ouvrent le chemin pour pouvoir penser les espaces civils comme espaces de définition et redéfinition des règles du jeu, appuyés sur la réflexivité des relations intersubjectives, et non plus seulement sur les règles formalisées à travers les droits et lois institués. C'est de la possibilité d'être reconnu comme interlocuteur légitime que l'individu peut devenir un citoyen actif, représentant d'intérêts considérés valides par la communauté, et non un pauvre mendiant des aumônes publiques ou philanthropiques que sont les politiques sociales pensées pour les "exclus".

     Le PLANFOR, dans la volonté de renouveler les concepts de l'Education professionnelle brésilienne, met en oeuvre dans cette perspective des processus opérationnels qui rendent possible la reconnaissance de l'individu en tant que citoyen actif, ouvrant des espaces pour la négociation des nécessités spécifiques des travailleurs, employeurs et communautés, avec pour objectif l'élaboration de l'offre de cours de qualification professionnelle. Les Commissions départementales du travail, en réunissant des représentants du gouvernement, des chefs d'entreprise, et des travailleurs ouvrent l'espace pour la réalisation d'une civilité négociée.

     Mais, en laissant de côté les représentants potentiels du secteur informel, des chômeurs et autres désaffiliés (Castel, 1995), ce mécanisme représentatif court le risque de reproduire les inégalités d'accès à la qualification professionnelle contre lesquelles il prétend lutter. Pire encore, il court le risque de ratifier, sous le masque de la rénovation, l'incivilité qui traverse la société brésilienne dans les termes usurpés de la "cordialité"[12].

     En effet, les commissions départementales du travail, en réunissant les entités représentatives des travailleurs du marché formel, rendent invisible le fait social le plus significatif de ces dernières années, c'est-à-dire l'augmentation du travail informel dans l'économie brésilienne[13]. Ratifiant l'exclusion des représentants potentiels de l'économie informelle, ce mécanisme de participation de la société civile à la construction de l'agenda local de la politique d'Education professionnelle, dans le cadre du PLANFOR, renforce la symbolique d'un processus excluant qui simplement n'identifie pas, ne nomme pas, rend invisible.

     Dès lors, comment connaître les nécessités de qualification professionnelle des travailleurs qui luttent dans l'informalité? Les nécessités de ces travailleurs se déclinent-elles en terme de qualification professionnelle?

     Il est ici fondamental, pour échapper à une vision souvent équivoque, de souligner que les travailleurs du marché informel ne sont pas, dans leur grande majorité, enfermés derrière les grilles du secteur informel, mais circulent du formel à l'informel, et vice versa, dans une logique aléatoire que ni le sexe, ni le niveau de qualification, ni la structure locale du marché du travail ne peuvent totalement justifier. Ce va et vient entre le formel et l'informel (Malaguti, 2001) - entre emploi déclaré garantissant des droits à la protection sociale, et emploi non déclaré ne protégeant le travailleur contre aucun des aléas de l'existence - caractérise l'immense majorité des travailleurs brésiliens qui s'emploient sur les divers marchés du travail, toujours de façon temporaire, au gré des opportunités. Cette précision est fondamentale pour notre discussion, car c'est de la possibilité de penser les travailleurs dans l'alternance permanente entre activité formelle et activité informelle que l'on peut comprendre la nécessité de questionner les mécanismes politiques de participation citoyenne, dans un contexte marqué par la fluidité des situations et statuts des travailleurs brésiliens. La question qui se pose dès lors est comment penser des mécanismes de représentation des intérêts des travailleurs dans la mesure où la majorité d'entre eux travaillent dans les secteurs formels ou informels, mais rarement sont des travailleurs formels ou informels?

Du harcèlement moral à l'incivilité

     De surcroît, il est possible de poser pour hypothèse que la qualification professionnelle ne constitue pas la préoccupation principale de cette main-d'oeuvre, impossible à appréhender dans les catégories binaires traditionnelles, dans la mesure où les principales plaintes se révèlent de façon prédominante dans les termes du "mépris" et du "manque de respect". La recherche[14] sur laquelle s'appuie cette réflexion critique met en évidence que lorsque le regard scientifique se donne la possibilité d'être attentif aux petites souffrances des pratiques professionnelles quotidiennes, il est possible d'identifier des problèmes sociaux bien différents de ceux mis en avant par les rhétoriques politiques dominantes.

     La rhétorique de l'éducation professionnelle comme moyen pour lutter contre les processus d'exclusion et pour promouvoir la citoyenneté des chômeurs, des travailleurs informels ou menacés d'exclusion du marché du travail formel, est exemplaire des pièges que les jeux idéologiques de la société capitaliste continuent de semer.

     Car, pointer l'éducation professionnelle comme solution à l'exclusion socioprofessionnelle des travailleurs brésiliens renforce l'idée que la citoyenneté pleine passerait par l'accès garanti et institutionnalisé à des programmes de formation professionnelle comme moyen de promouvoir l'égalité et la justice dans une société défigurée par les inégalités. Or, depuis Bourdieu et Passeron (1970), c'est presque une évidence sociologique que le système éducatif capitaliste, qu'il soit scolaire ou postscolaire (Dubar, 1991), appréhendé dans une perspective macrosociologique, ne promeut pas l'ascension sociale, mais renforce la structure sociale hiérarchisée préexistante.

     Ce qui génère de la souffrance chez les travailleurs est moins le manque ou l'inexistence de qualification professionnelle - dans la mesure où les employeurs préfèrent des travailleurs non qualifiés pour justifier de bas salaires - que le mépris routinier qui domine le quotidien des relations professionnelles, que ce soit avec les collègues ou avec les supérieurs hiérarchiques. Pour comprendre les mécanismes qui conduisent à l'exclusion sociale, il peut être nécessaire de commencer par l'observation des pratiques excluantes du quotidien professionnel.

     L'analyse de discours élaborée à partir des entretiens réalisés avec les chômeurs de la "Cellule d'appui au travailleur" de l'État de Sergipe (Brésil) suggère que l'augmentation de la compétitivité dans le cadre professionnel stimule des pratiques individualistes exacerbées que conduisent de nombreux travailleurs, du secteur formel ou informel, à souffrir de multiples formes de malversations qui s'étendent des "potins mal intentionnés", aux accusations de vol, en passant par un éventail de petites humiliations qui mettent en question les compétences et savoirs informels. Ces humiliations banalisées dans le quotidien du travail, ont déjà trouvé des espaces de dénonciations, d'études et réflexions[15], afin de questionner un processus de banalisation du "harcèlement moral" (Hirigoyen, 2000; Dejours, 1998) qui atteint un nombre croissant de travailleurs de par le monde.

     Cette banalisation du mal, citant Christophe Dejours se réappropriant du concept Arendtien, n'est pas une spécificité brésilienne, mais elle trouve peut-être sur cette terre de mélange, des racines encore fertiles pour la reproduction d'une éthique du mépris.

     Les souffrances qui composent le répertoire de l'incivilité dans le cadre professionnel nous renseignent sur un processus historique de construction des relations intersubjectives, marquées par l'illégitimité et le mépris pour l'interlocuteur.

     Cette éthique du mépris qui traverse la société brésilienne, infiltrée subtilement dans les interstices de la cordialité, définit les contours d'un contrat social où les règles informelles de la citoyenneté - la civilité comme l'a conceptualisée Patrick Pharo - n'intègrent pas l'autre comme différent légitime et objet de respect, mais comme objet de mépris. La violence symbolique qui transpire ces relations "cordiales", que nous préférons reconceptualiser dans les termes de "l'incivilité", alimente non seulement la peur quotidienne mais aussi le discrédit pour l'engagement citoyen, dans la mesure où le retrait social - dans les termes de l'engagement religieux, des cultes et pratiques ésotériques et des cures psychanalytiques - paraît dominer les réponses des travailleurs à ces souffrances quotidiennes.

Conclusion

     L'espace professionnel constitue un espace révélateur du profond malaise qui domine les relations interindividuelles dans la société postindustrielle. Les réponses publiques à ces souffrances se déclinent en termes objectifs et quantitatifs - la qualification professionnelle des travailleurs[16] - car la gestion de la vie politique continue d'être profondément dominée par la rationalité de la modernité qui n'offre pas d'espace dans les tableaux statistiques des responsables ministériels chargés de la conception, prévision, et évaluation des politiques publiques, pour la subjectivité et l'irrationalité des émotions et des passions.

     Cependant les pratiques de harcèlement moral dans le cadre professionnel représentent un coût social élevé en terme de perte de productivité, d'augmentation des maladies physiques et mentales, et de violences domestiques et urbaines. Il serait dès lors important d'imaginer des mécanismes politiques capables de mesurer les niveaux de civilité dans le cadre des relations professionnelles, afin que le contrat social entre les "citoyens productifs" puisse de fait permettre la rénovation des termes de la citoyenneté dans le contexte de la post-modernité.

     Le travail comme catégorie analytique centrale de la sociologie peut ne plus constituer un paradigme de compréhension de la société actuelle, en tant que "système" - espace objectivé des relations politico-économiques. Cependant, en tant que "monde de la vie" - espace intersubjectif de compréhension du monde - le monde du travail représente plus que jamais une catégorie analytique fondamentale du "vivre ensemble". Ce qui est en question est, au-delà de la "fin" ou non du travail, c'est la construction d'une épistémologie capable d'appréhender le monde en tant qu'espace d'intersubjectivités marqué par la régulation négociée du pouvoir, qu'elle soit formelle ou informelle. En ce sens, il ne sera pas possible de penser le maintien, et moins encore l'extension, de la citoyenneté, comme forme régulée et formalisée de gestion des conflits d'intérêts, sans au préalable, penser les modalités d'exercice de la civilité qui préfigurent la capacité d'une "société d'individus" à contrôler la violence des passions humaines face à l'appropriation du pouvoir.
Dominique Revel

Notes
1.- "La précarité renvoie aujourd'hui à un ensemble de situations particulières qui ont pour commun dénominateur une forte incertitude qui empêche de raisonner dans la durée. Ces situations d'emplois particulières sont particulières du fait même qu'elles ne s'inscrivent pas dans le rapport salarial dominant du contrat à durée indéterminé et à temps plein" in Revel (2001, p78).
2.- Les concepts de "travail" et "emploi" utilisés se réfèrent à la distinction conceptuelle élaborée par Marx, qui distingue le travail concret du travail abstrait: "Tout travail est, d'un côté, dépense de force humaine de travail, dans le sens physiologique, et, en cette qualité de travail humain égal et abstrait, crée la valeur des marchandises. Tout travail, de l'autre côté, est dépense de force humaine de travail, d'une façon particulière, pour une fin déterminée, et en cette qualité de travail utile et concret, produit des valeurs d'usage." (Marx, 1975).
3.- Régularité, persévérance, obéissance, aptitude au calcul et goût pour l'argent.
4.- Le concept de flexibilisation renvoie à l'ensemble des pratiques de gestion des ressources humaines qui visent la réduction des coûts salariaux: sous-traitance, contrats à durée déterminée, travail informel, etc. (Hirata, 1993).
5.- En 1998, 60% de la population économiquement active ne contribuait pas à la Sécurité sociale brésilienne. Sources: Folha de São Paulo, 24 février 2002.
6.- p.346-347.
7.- L'allocation chômage est limitée à 5 mois.
8.- In Educação Profissional: um projeto para o desenvolvimento sustentado. Ministério do Trabalho e Emprego, SEFOR, FAT, Brasilia, março de 1999, p.2.
9.- op.cit. p.28.
10.- "Travail et citoyenneté, compétence et conscience, ne peuvent être appréhendés comme dimensions distinctes, mais nécessitent un développement intégral de l'individu, qui est à la fois, travailleur et citoyen. (...). Les institutions de l'Education professionnelle ou de l'Education en général ne sont pas préparées pour le nouveau paradigme de travail et de qualification exigé par le secteur productif, dans le contexte de démocratisation, crise économique et changement du propre concept d'emploi. Elles se sont habituées à offrir des formations uniques, solides pour un bon emploi stable; non pour le changement, la flexibilité, la polyvalence exigée par le secteur productif. Elles savent discipliner pour l'assiduité, la ponctualité et l'obéissance; non pour l'initiative, l'imprévu, la décision et la responsabilité. Nombre d'entre elles disposent de laboratoires, d'officines et d'équipements des pays développés, adaptés à la "production en flux tendus", mais elles ne sont pas habituées à offrir ces possibilités à la masse croissante de travailleurs et producteurs "informels". Elles produisent encore des "ouvriers-type", des techniciens, des bacheliers, des ingénieurs de production, mais ne conçoivent pas d'alternatives pour former massivement le citoyen productif". op.cit. p.18-19.
11.- "La civilité se rapporte aux règles qui articulent les individus en situation concrète d'interaction. C'est une forme d'exercice et d'attribution réciproque de droits, droits qui ne se confondent pas avec la norme légale, qui existent sous la forme d'un 'civisme ordinaire' et qui traduisent, dans les dimensions pratiques de la vie sociale, les attentes des sujets de trouver en l'autre la reconnaissance de la validité et légitimité de ses actes, opinions et raisons. (...) Ce sont donc des règles de familiarité, codifiées ou non, informelles ou plus ou moins formalisées, construites dans la dimension intersubjective de la vie sociale et qui n'existent que dans la mesure de leur mutuelle reconnaissance" in Telles (2001, p.62)
12.- Le concept de cordialité élaboré par Sergio Buarque de Holanda (Raizes do Brasil, 1983) renvoie à l'ambiguïté des relations en vigueur dans le Brésil colonial entre maîtres et esclaves, qui combinaient sympathie et prépotence, affection et indifférence, bienveillance et intolérance.
13.- Malgré les difficultés méthodologiques, il est possible d'affirmer, selon les estimations de Malaguti (2001), que l'informalité touchait 47,4% de la population économiquement active en 1994, et 50,7% en 1998 (p.76).
14.- Des histoires de vie ont été réalisées avec 20 chômeurs, hommes et femmes entre 20 et 50 ans, entre novembre 2001 et février 2002.
15.- Le site "www.assediomoral.org" réunit des chercheurs intéressés à promouvoir des réflexions autour de la préoccupation croissante relative à la santé physique et mentale des travailleurs.
Le concept d'humiliation est défini dans les termes suivants: "c'est le sentiment d'être offensé, dénigré, rabaissé, infériorisé, soumis, vexé, contraint, outragé par l'autre".
16.- Le PLANFOR a pour objectif annuel la qualification et requalification de 20% de la main-d'oeuvre.

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Notice:
Revel, Dominique. "Le "citoyen productif": une catégorie problématique. Le cas du Brésil", Esprit critique, vol.04 no.10, Octobre 2002, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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