Esprit critique - Revue électronique de sociologie
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Vol.04 No.04 - Avril 2002
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Numéro thématique - Printemps 2002
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L'intervention sociologique
Sous la direction de Orazio Maria Valastro
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Articles
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Le sociologue face à l'organisation.
Par Rabah Kechad

Résumé:
Les études menées en qualité de sociologue et de consultant en management et GRH nous ont permis de développer une réflexion sociologique autour du nouveau métier de sociologue face au changement organisationnel et managérial. Le changement organisationnel et managérial exige aujourd'hui du sociologue des organisations une autre façon d'agir. C'est la raison pour laquelle nous proposons de nouveaux profils (on ne peut pas laisser au singulier dans la mesure où l'auteur décline ensuite 2 types) du sociologue: le sociologue analyste et le sociologue consultant. Le sociologue analyste est celui qui continue à analyser les organisations en usant de sa boîte à outils méthodologiques; le sociologue consultant intervient par l'action en vue de conseiller et d'aider les managers à assurer le changement organisationnel et managérial par le conseil ou la mise en place de systèmes de gestion et d'organisation. Cette vision implique donc une autre manière de concevoir la formation du sociologue, théoricien et praticien en même temps, tout en créant un nouveau profil: celui du sociologue consultant.

1 - La problématique de l'étude.

      Lorsque nous avons décidé de choisir un thème pour notre thèse de doctorat d'Etat en sociologie, nous étions "coincés" entre deux situations: celle du sociologue de formation et de métier et celle du consultant en management et GRH.

      C'est pourquoi nous avons décidé de combiner entre les deux domaines afin de tenter de trouver les passerelles méthodologiques et conceptuelles nécessaires permettant d'enrichir la sociologie des organisations en outils adaptés pour l'analyse des organisations et chercher aussi à introduire la sociologie dans le management.

La problématique fut ainsi élaborée à partir des questions suivantes:

  • Pourquoi l'organisation est-elle considérée comme un système complexe?
  • Quelle relation peut-on établir entre le management et la sociologie des organisations?
  • Dans quelle mesure la sociologie des organisations peut-elle intervenir dans le processus du changement organisationnel et managérial?
  • Peut-on concevoir un nouveau profil pour le sociologue des organisations?

      Cette étude nous a demandé beaucoup de temps et d'énergie au plan théorique et pratique. Au plan théorique il fallait analyser les principaux ouvrages de référence dans les deux domaines en conservant la maximum d'objectivité, étant nous- même juge et partie.

      En revanche, au plan pratique nous avons choisi une approche adaptée aux objectifs de l'étude qui consiste à trouver les différentes informations au niveau de l'entreprise et aussi chez les spécialistes en sociologie et en management. Le choix de plusieurs entreprises publiques algériennes n'est pas fortuit: la raison fondamentale réside dans la nature de l'organisation de ces entreprises qui ont fonctionné depuis plus de deux décennies sous la coupe du modèle socialiste et qui se trouvent aujourd'hui confrontées à un nouvel environnement leur imposant de s'adapter à un autre modèle qui a toujours été son rival idéologique.

      C'est ainsi que nous avions pu réaliser cette étude qui a tenté de proposer une réflexion sociologique sur un sujet considéré comme une propriété du management à savoir le changement organisationnel et managérial[1].

Cet article reprend une brève synthèse consacrée à notre réflexion sur les nouveaux rôles du sociologue face à l'organisation et ce, à partir des éléments suivants:

  1. l'organisation comme un ensemble complexe.
  2. Le management face à la sociologie.
  3. La sociologie face à l'organisation.
  4. Le sociologue- consultant: nouveau métier.

2 - L'organisation comme un ensemble complexe.

      Nous vivons dans des sociétés composées d'organisations complexes. L'exemple suivant portant sur l'activité d'une journée pour s'en apercevoir:

  • La nuit: l'individu se trouve dans sa famille (organisation sociale);
  • Le matin: il sort pour être pris en charge par l'organisation de la circulation avec toute sa complexité;
  • Il rejoint l'université pour donner ses cours, il accède à une organisation qui fonctionne selon des normes particulières qu'il ne faut pas négliger;
  • Il passe à la banque: il est pris en charge par une autre organisation qui lui impose des normes spécifiques à ne pas transgresser;
  • Il rentre dans un supermarché pour acheter certains produits: il est en face d'une autre organisation qui lui impose ses propres règles.

      C'est ainsi que notre vie est faite d'organisations de différents types car: "sans des organisations qui fonctionnent bien, notre standard de vie, notre niveau de culture et notre vie démocratique ne pourraient être maintenus. Jusqu'à un certain point, la rationalité des organisations et le bonheur humain sont solidaires." (A.Etzioni; in Scheid, 1990)

      Sans reprendre l'abondante littérature dans ce domaine, l'organisation est un ensemble complexe. Cette complexité réside surtout dans l'hétérogénéité des différentes éléments la composant en dehors de la nature de chaque organisation (entreprise, hôpital, école, etc).

Un hôpital, à titre d'exemple, peut contenir les éléments représentés dans le tableau suivant:

Eléments internes

Eléments externes

  1. Les ressources humaines.
  2. La technologie médicale.
  3. Les ressources financières.
  4. Les procédures et la réglementation.
  5. Le matériels (lits, médicaments,etc.).
  6. La culture (symboles, habitudes,etc.) des personnels ou des malades.
  7. L'information (notes, chiffres, information générale, etc).
  8. Les aspects psychologiques (sentiments, émotion, etc).

  1. Les risques de la société.
  2. Les attentes de la population.
  3. La culture médico-sociologique.
  4. La politique de santé au niveau national.
  5. Le hiérarchie administrative.


      L'analyse séparée de chaque élément démontre, sans équivoque, que les facteurs sociologiques et psychosociologiques sont dominants; c'est pourquoi l'analyse de ces organisations demeure incomplète lorsqu'on exclue ces facteurs pour tenter de comprendre leur fonctionnement et proposer des solutions adéquates.

      La complexité de toute organisation, quelle que soit sa nature, impose une réflexion méthodologique globale et intégrée: "Aussi n'est- il pas étonnant que le contexte organisationnel apparaisse à la fois comme un champ de réflexion théorique et comme un lieu d'observation empirique." (C. Ballé; 1990.)

3 - Le management face à la sociologie.

      Notre intention ne consiste nullement à mettre les deux domaines sur un ring pour un combat fratricide mais de rétablir une réalité épistémologique et méthodologique permettant, peut-être, de provoquer un dialogue entre deux domaines qui partagent le même objet.

L'analyse d'un échantillon de publications dans les deux domaines (sociologie des organisations et du management) nous a permis de relever observations:

  • La sociologie s'est confinée dans un rôle de pourvoyeur de concepts et de résultats sous prétexte que son statut ne doit pas dépasser les limites de l'explication des faits sociaux. A ce niveau, le sociologue est prisonnier de sa propre conception.
  • Le management se veut comme une science de l'action dont le rôle consiste à fournir aux managers les outils et les "recettes" pour rendre les organisations plus efficaces. En raison de la faiblesse de son cadre conceptuel et méthodologique[2] le management puise dans les autres sciences qui gravitent autour de l'organisation lui permettant d'alimenter sa "boite à outils" pour la réparation de toute "panne organisationnelle".
  • Le management pousse sa vision tentaculaire dans les différents sens. Notre étude approfondie de la façon dont le management traite la problématique du changement organisationnel nous a permis de déduire que cette partie de l'étude des organisations relève du domaine de la sociologie; certains sociologues avaient même proposé d'utiliser l'appellation de sociologie du changement au lieu de sociologie?
  • Le management a construit sa notoriété mondiale à partir des différentes études et réflexions des sciences humaines et sociales. L'analyse des différents compartiments du management confirme ce résultat.

      A partir de ces remarques il semble important de poser un certain nombre de questions plus particulièrement sur la sociologie des organisations: Quelles sont les raisons qui ne permettent pas à la sociologie des organisations de faire ainsi? Pourquoi la sociologie des organisations se laisse-t-elle dépouiller de son patrimoine méthodologique et épistémologique pour continuer à remplir seulement une mission intellectuelle qui consiste à étudier les faits sociaux pour les comprendre?

4 - la sociologie face à l'organisation.

      Les premiers sociologues ont joué un rôle important dans la soumission de l'organisation à l'approche sociologique. Bien-que la théorie des organisations accorde une place privilégiée à F.W.Taylor et H.Fayol dans le développement de la pensée organisationnelle et managériale (Voir: J.C Scheid 1990; B.Lussato 1992; W.J Duncan 1996), nous pensons de notre part que M.Weber, T.Parsons, Saint Simon, K.Merton, A.Gouldner, J.Woodward; P.Blau; CB Perrow; A.Touraine; M. Crozier; etc, ont contribué d'une manière remarquable à l'élaboration de la pensée organisationnelle actuelle.

      En dehors de toute pensée normative M. Weber a tracé le chemin menant vers la rationalisation des organisations soulignant que: "le type le plus pur de domination légale est la domination par le moyen de la direction administrative bureaucratique." (M.Weber; 1971; p226). La bureaucratie administrative impulsée par Weber constitue aujourd'hui le fondement même du management public. L'Américain T.Parsons a jeté, lui aussi, les fondements de l'approche systémique sur laquelle repose tout le management d'aujourd'hui et la recherche de l'équilibre des organisations demeure l'une des principales préoccupations des spécialistes du management moderne. Outre ces fondateurs supposés de la sociologie des organisations, qui ont analysé et expliqué l'organisation, le sociologue français M. Crozier a donné une forte impulsion à la sociologie des organisations en innovant dans l'explication sociologique du phénomène bureaucratique, la genèse du changement des organisations, le renouvellement de l'approche permettant l'étude des organisations et surtout la rénovation de l'ensemble conceptuel de la sociologie des organisations (voir M. Crozier; 1963; 1970; 1977; 1995)

      Depuis la dernière décennie du siècle dernier, certains sociologues tentent de récupérer une parcelle considérée comme confisquée par le management en proposant de transformer la sociologie des organisations en sociologie de l'entreprise (R.Sainsaulieu; P.Bernoux; Segrestion; Enriquez, etc). L'extrait suivant suffit largement pour saisir les prétentions des précurseurs de ce nouveau paradigme sociologique: "Si la sociologie des organisations est un préliminaire, au moins au niveau pédagogique, à la sociologie de l'entreprise, que lui apporte-t-elle de plus? Pourquoi la sociologie des entreprises après la sociologie des organisations? L'essentiel de l'apport se résume dans le regard porté sur l'entreprise. Elle n'est pas seulement un lieu où se crée un lien social particulier, où existent des identités, des accords, un bien commun." (P.Bernoux; 1992, p 13).

      Pour notre part, nous pensons que la sociologie des organisations se trouve dans l'obligation de renouveler son langage, sa méthode et surtout son objet (voir schéma ci-dessous).



      La sociologie des organisations à buts non lucratifs s'intéresse particulièrement aux organisations de service sans aucun but économique (associations, l'école, l'administration, etc). Par contre, la sociologie des organisations à buts lucratifs touche principalement tout entité qui fonctionne pour réaliser un profit (entreprise, banque, etc).

      Nous visons essentiellement la réorientation épistémologique et méthodologique de la sociologie des organisations. Aujourd'hui et à la lumière des nouvelles données économiques, sociologiques, culturelles et politiques, la sociologie doit procéder à un auto- changement profond en essayant de s'inspirer de son passé sans négliger les exigences du présent. En d'autres termes elle est appelée à épouser le présent sans divorcer de son passé.

      Ceci dit, cette sociologie rénovée et revue est appelée à s'orienter plus vers l'action sans négliger l'analyse et l'explication sociologiques des organisations. C'est ainsi que notre réflexion ait débouché sur deux voies à emprunter par la sociologie: la sociologie de l'analyse des organisations et la sociologie de l'action organisationnelle.

      La sociologie de l'analyse des organisations doit enrichir davantage son stock méthodologique en usant plus des techniques du sondage, du Focus Group Discussion, de l'entretien, de l'observation et surtout de la biographie organisationnelle. Cette dernière consiste à faire parler l'organisation sur son passé par le biais des anciens employés ou de l'analyse des différents documents qui constituent sa mémoire afin de saisir l'importance des faits induits par la dynamique organisationnelle. De ce fait le sociologue- analyste doit élargir sa vision pour assimiler les autres domaines du savoir afin de mieux les intégrer dans ses analyses (Marketing, Management, Psychologie des organisations, GRH et Communication).

      Par contre la sociologie de l'action organisationnelle concerne surtout le diagnostic sociologique des organisations et le conseil dans un domaine bien précis: celui du changement organisationnel et managérial. Bien que "le management du changement" se positionne comme une science capable d'étudier ce type de changement, certains auteurs déclarent sans hésitation qu'"il n'existe évidemment aucune "science" du changement, qui permettrait de réussir à tous coups." (Y.F Livian; 1996). Cette conception partagée par de nombreux techniciens des organisations démontre la négligence flagrante de l'importance de la sociologie dans l'étude des différents phénomènes induits par le changement organisationnel.

      L'intervention du sociologue par le conseil et l'assistance dans cette partie dynamique de l'organisation s'impose donc en raison du lien historique entre sa filière et le changement. C'est ainsi que le profil du sociologue-consultant s'impose de lui-même.

5 -Le sociologue- consultant: nouveau métier.

Les raisons à l'origine de cette proposition sont diverses dont:

  • la richesse de l'héritage théorique de la sociologie générale et de la sociologie des organisations en particulier ce qui lui confère une double mission: l'analyse des organisations et l'intervention dans la dynamique organisationnelle;
  • la primauté de la sociologie des organisations sur le management quant à l'étude et le diagnostic portant principalement sur le changement organisationnel et managérial. Le développement en cours du management dit du changement n'est en fin de compte que la confiscation d'un terrain qui, historiquement, relève du champ d'intérêt de la sociologie. N'a -t- on pas assimilé la sociologie au changement social!?;
  • La nécessité d'un renouveau de la sociologie des organisations en raison des développements constatés ces dernières décennies et notamment l'engagement de la majorité des pays du monde dans une transition accélérée pour regagner le camp des capitalistes. Pr A. Bouzida sociologue algérien, nous a déclaré dans un entretien tenu en mai 2001 que la fin de la sociologie est proche car les raisons à l'origine de sa création ne sont plus présentes;
  • Les nouveaux contextes induits par l'effondrement de l'ex-URSS et l'engagement des différentes organisations (familles, entreprises, administrations, etc) des pays ex-socialistes dans un processus d'adaptation difficile et délicat a mis toutes ces organisations dans une situation de crise. Notre longue observation de ce processus nous a permis de déduire que ces organisations sont en train de vivre une situation d'ambivalence très profonde: vouloir se transformer sans pouvoir se détacher de l'ancienne culture;
  • La situation particulière de ces organisations- sans que ceci signifie que les organisations composant les pays capitalistes se sont débarrassées définitivement de l'emprise du phénomène bureaucratique (voir M. Crozier; 1963,1977,1995) - fait plus appel au conseil du sociologue, seul capable de comprendre d'abord la problématique de leur changement, ce qui lui confère la priorité de les assister dans la mise en place des nouvelles formes d'organisation et de management;
  • Les limites constatées dans les cursus de formation en management qui tentent d'outiller les diplômés en techniques et recettes pour intervenir auprès des différentes organisations afin de les dépanner ou de les rendre plus performantes. Or comme le souligne le Pr O.Aktouf: "Si l'on jette un regard sur l'évolution des contenus des programmes et des cours des écoles de gestion, comme je l'ai fait (1984) pour les années allant de 1930 à 1980, on constate un fulgurant et profond glissement vers un systématique "technicisation" et "mathématisation" de la pensée et de l'analyse. Plus de 95% des cours offerts dans les années 1980 sont de caractère purement technique ou économique, alors que ces enseignements représentaient moins de 60% du programme de 1933! De fait, depuis 1980, environ 3% des cours proposés seulement relèvent de "sciences" humaines et sociales, il s'agit de cours hautement "statisés", du type "comportement organisationnel" ou "comportement du consommateur"... alors que, dans les années 1930, on pouvait rencontrer dans les programmes des cours de philosophie, d'histoire, et même d'ethnologie!" (O.Aktouf; 1997).

      Notre analyse théorique et pratique de cette problématique nous a permis de proposer un nouveau profil: le sociologue-consultant en changement organisationnel et managérial.

      Les expériences de consulting sociologique menées par M. Crozier auprès de la SNCF a permis de renouer le dialogue et de dénouer un conflit explosif et désastreux (voir: M. Crozier,1995). Ainsi, notre qualité de consultant auprès de certaines entreprises publique ex-socialistes nous a permis de déduire que le sociologue-consultant doit être intégré dans une nouvelle vision de renouvellement de la sociologie en général et de la sociologie des organisations en particulier.

Le sociologue-consultant peut intervenir au niveau des différentes organisations et ce dans deux domaines importants:

  • le conseil et l'assistance dans le pilotage du changement organisationnel et notamment dans son volet humain;
  • l'accompagnement des managers dans leurs efforts d'adaptation des techniques managériales aux nouvelles données induites par l'environnement socio-culturel.

      L'intervention du sociologue-consultant diffère de celle du technicien qui fait appel à des outils spécifique dans l'espoir de changer l'humain. Le sociologue-consultant aide surtout à mettre en place toute nouvelle forme d'organisation et de management tout en localisant les foyers de résistance au changement pour les contourner ou les atténuer. C'est ainsi que le sociologue-consultant se transforme en un véritable médecin de l'organisation sollicité pour l'action la plus délicate, celle de comprendre et d'assister les autres acteurs dans la conduite du changement organisationnel et managérial.

      Cette proposition n'élimine en aucun cas la formation du sociologue orientée plus vers l'analyse et l'explication. Néanmoins la question qui mérite d'être posée est la suivante: Comment peut-on former à un tel profil?

      Le programme de formation à dispenser au sociologue des organisations comporte les différents compartiments composant l'ensemble organisationnel. Ce programme de formation destiné à ce profil doit inculquer aux concernés une vision large et intégrée des différents éléments intervenant dans l'organisation (ressources humaines, finances, formation/communication, etc).

Pour cela nous jugeons que ce programme peut comporter deux volets présentés dans le schéma ci-dessous:



  • Sociologie générale.
  • Economie générale et de l'entreprise.
  • Anthropologie.
  • Statistiques.
  • Management et management des RH.
  • Information et communication.
  • Techniques de diagnostic.
  • Techniques d'audit.
  • Le changement organisationnel.
  • La culture organisationnelle.
  • Conseil et assistance sociologique.


      La spécialisation du sociologue doit déboucher sur une assimilation satisfaisante des différentes contributions théoriques du changement organisationnel et de la culture organisationnelle. A la différence du spécialiste du management qui ne s'intéresse qu'à l'organisation dans sa partie technique, le sociologue doit s'orienter davantage vers le changement et la culture organisationnelle car ces deux éléments sont intimement liés.

      La formation d'un sociologue capable d'intervenir au niveau d'une organisation pour diagnostiquer, assister et proposer des solutions pratiques doit subir une formation pratique sous forme de stages au sein des organisations afin de lui permettre d'être plus proche de la réalité complexe de l'entreprise.

6 - En guise de conclusion: Le débat est-il clos?

      Notre présent article constitue l'une des problématiques centrales qui nous préoccupent actuellement. La sociologie face à l'organisation n'est qu'une autre façon de mettre le sociologue en face de lui-même afin de pouvoir faire sortir cette importante discipline de l'impasse dans laquelle elle se trouve actuellement.

      Ceci nous incite à proposer la problématique suivante: la sociologie est-elle actuellement dans une impasse réelle? est-il nécessaire de l'aider pour lui redonner un autre souffle méthodologique nécessaire à son développement?

      Pour notre part, nous avons focalisé notre attention sur une partie de la sociologie, celle des organisations, afin de pouvoir lui fournir notre propre expérience qui nous a permis de porter deux casquettes: celle du sociologue et celle d'un consultant en management. Cette double expérience nous a permis de conclure que la dimension humaine demeure la variable la moins maîtrisée dans la conduite du changement organisationnel et managérial, du pilotage des organisations et surtout dans la recherche de la performance.

      Cette réalité confrontée en permanence par les managers ne peut être comprise et maîtrisée à coup de "solutions magiques" ou de "recettes toutes faites" concoctées par un management qui ne devrait être que la face technique de l'animation d'une organisation pour compléter le sociologue praticien afin de donner une dimension technique à une problématique humaine.

      De notre point de vue, cette façon de traiter cette problématique est certes provocatrice dans le sens où elle incite le spécialiste en management à réagir en face d'un sociologue dont toute sa discipline est d'essence critique. C'est ainsi que le débat pourrait déboucher sur un consensus dont la sociologie et le management seraient les plus grands bénéficiaires.

      Le débat n'est jamais clos.

Rabah Kechad

Notes:
1.- Kechad, R; organisation moderne et société; réflexion sociologique sur le changement organisationnel et managérial à partir de l'étude de l'Entreprise Publique Algérienne; thèse de doctorat d'Etat en sociologie des organisations; université d'Alger; 3tomes, 1000pages; en instance de soutenance.
2.- Car le management a été inventé par des ingénieurs pour être enrichi après par des psychologues et des sociologues des organisations. Le point de départ du processus de constitution du management était d'ordre technique ce qui ne lui a pas permis de concevoir une méthodologie appropriée.
Références bibliographiques:

Aktouf O. - Introduction aux contextes de l'économie et du management pour le XXI siècle.Alger.Document non publié - séminaire organisé par Work School, 22 et 23 avril 2000.

Balle C. - Sociologie des organisations. Paris, PUF, 1990.

Bernoux P. - La sociologie des entreprises. Paris, Seuil, 1992.

Crozier M. - Le phénomène bureaucratique. Paris, 1963.

Crozier M. - La société bloquée. Paris, Seuil, 1970.

Crozier M. - L'acteur et le système. Paris, Seuil, 1977.

Crozier M. - La crise de l'intelligence - Essai sur l'impuissance des élites à se réformer. Paris, InterEditions, 1995.

Crozier M. - "Le pouvoir confisqué - Jeux et dynamique du changement", in Revue Sciences humaines, hors série n.9, mai-juin 1995.

Duncan W.J.- les grandes idées du management, des classiques aux modernes. Paris, Mare Nostrum, 1996.

Livian YF. - Introduction à l'analyse des organisations. Paris, Economica, 1996.

Lussato B. - Introduction critique aux théories d'organisation. Paris, Dunod, 1992.

Sainsaulieu R. - l'entreprise une affaire de société. Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences, 1992.

Scheid J.C.- Les grands auteurs en organisation. Paris, Dunod, 1990.

Weber M. - Economie et société. Paris, Plon, 1971.

Notice:
Kechad, Rabah. "Le sociologue face à l'organisation.", Esprit critique, vol.04 no.04, Avril 2002, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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