Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Printemps 2004 - Vol.06, No.02
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Les naufragés contemporains de l'émigration internationale: attrait du miroir occidental, illusions, désillusions et désespoir


Pierre Bamony

Doctorat d'Anthropologie Sociale et d'Ethnologie ("Structure apparente, structure invisible. L'ambivalence des pouvoirs chez les Lyéla du Burkina Faso" -thèse de doctorat Régime unique- Université Blaise Pascal - Clermont II - 2001), Doctorat de 3e cycle de Philosophie (Paris IV Sorbonne), DEA d'Anthropologie (EHESS, Paris). Actuellement professeur de Philosophie et de Sociologie dans un Lycée. - L'auteur a fait de la recherche Socio-anthropologique et philosophique qui a donné lieu à un certain nombre de publications: "To Eskhaton. Le triangle de la mort" (Grenoble 2000); "La Solitude du mutant. Éloge de la bi-culture" (Grenoble 2001); des articles dans la revue Anthropos, notamment. [email protected].


Résumé

Le phénomène du flux migratoire sur la planète est un fait historique permanent. Il a connu des visages différents selon les périodes de l'histoire, les pays, les modes d'accès à ces derniers et selon leurs besoins spécifiques. Mais aujourd'hui, il prend une figure particulière. Autant les citoyens des pays du Nord peuvent aller et venir sur toute la planète sans difficulté, autant ceux des Tiers-Mondes sont empêchés partout d'accès aux zones riches de la terre, en particulier, les pays du Nord. Si cette migration contemporaine, clandestine ou non, suscite tant de débats et génère d'aussi grands drames, elle s'explique par des raisons économiques et psychologiques, certes, mais aussi par d'autres causes dont on parle peu dans les études sociologiques relatives à ce fait humain. Notre analyse présente vise à en rendre compte explicitement, suivant la division économique de notre planète en deux zones distinctes, Nord et Sud, en comprenant le phénomène de l'immigration contemporaine dans sa globalité et dans sa singularité.

Mots-clés: immigration, Sud, Nord, Tiers-Mondes, économie complémentaire, clandestin, expulsions, pauvreté, richesse, frontières, dettes, remboursements, politisation de l'immigration, pacte colonial.


Abstract

Contemporary casualties of the international emigration: attraction of the Western mirror, illusions, disillusions and despair

The phenomenon of migratory flow on planet is a permanent historical fact. It knew different faces according to the historical periods, the countries, the modes of access to the latter and according to their specific needs. But today, it takes a particular shape. The citizens of countries of the North can go and come on all planet without difficulty, as much as those of the Third Worlds are prevented everywhere access to the rich zones of the earth, in particular, the countries of the North. If this contemporary migration, clandestine or not, causes so many debates and generates such great dramas, it is explained by economic and psychological reasons, certainly, but also by other causes one speaks not much in the sociological studies about to this human fact. Our present analysis aims at giving an explicit account of it, according to the economic division of our planet in two distinct zones, North and South, by understanding the phenomenon of contemporary immigration as a whole and in its singularity.

Key words: immigration, South, North, Thirds Worlds, complementary economy, illegal worker, deportation, poverty, wealth, borders, debts, repayment, politicization of immigration, colonial pact.


Tout le monde pourrait en convenir: l'émigration est un phénomène non seulement aussi ancien que l'histoire de l'Humanité elle-même, mais toujours d'actualité. Nul ne doute que c'est même grâce à cette dynamique des populations humaines que la physionomie de notre planète a été totalement bouleversée, qu'on souscrive ou non à ce phénomène[1].

Ce fait de l'histoire prend de plus en plus une tournure différente. Sans pouvoir y mettre un frein réellement, une volonté se dessine dans les pays dits du Nord pour empêcher les habitants du Sud d'entreprendre une telle aventure comme si l'on avait atteint une organisation définitive de l'homme dans l'espace. N'est-ce pas une prétention vaine? Quel est le prix à payer pour tous ceux qui, malgré des barrières quasi infranchissables entre les deux zones du monde (Nord/Sud) osent braver le franchissement de tous les remparts? Quelles sont les raisons fondamentales qui jettent tant d'individus, citoyens des pays du Sud ou de l'Est sur les routes de l'émigration?

Telles sont les quelques perspectives que nous voudrions examiner dans cette analyse du phénomène de l'immigration internationale. Il s'agira, d'abord, de proposer un bref examen de ce fait humain; ensuite, de montrer des causes qui motivent ces déplacements d'hommes à travers notre planète, puis, en aval, de faire voir comment les lieux d'attraction (pays du Nord) s'organisent pour limiter le flux migratoire; enfin, de s'interroger sur la portée de perspectives ou d'organisation économique nouvelles susceptibles d'apporter un mieux-être matériel de nature à éviter des aventures migratoires tragiques.

I- De l'immigration en général et de ses conséquences aujourd'hui

1-1 Immigrés, une catégorie d'hommes? Brève histoire

Dans son ouvrage Vers la paix perpétuelle, le penseur de philosophie politique qui a posé, dès le XVIIIe siècle, les fondements de la communauté européenne contemporaine, Emmanuel Kant, avait déjà abordé la question de l'immigration. Il part du principe que la terre étant ronde et donc limitée, les hommes sont condamnés géographiquement à se rencontrer. Dès lors "Le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d'une hospitalité universelle" (2001, p.31). Il ne s'agit pas d'une "philanthropie" mais d'un "droit et, en ce sens, hospitalité signifie le droit qu'a tout étranger de ne pas être traité en ennemi dans le pays où il arrive" (Kant, 2001, p.31) dans la mesure où celui-ci s'engage à respecter, au même titre que les premiers citoyens, les lois et us de ce pays. Il s'agit donc, selon Kant, "du droit de visite ou du droit de s'offrir à faire partie de la société, lequel appartient à tous les hommes, en vertu de celui de la possession commune de la surface de la terre. Car, à cause de la forme sphérique de cette surface, ils ne peuvent s'y disperser à l'infini, et ils sont forcés à la fin de se souffrir les uns à côté des autres; mais originairement, personne n'a plus de droit qu'un autre à un lieu de la terre". (Kant, 2001 p.31).

Nous l'avons dit, l'immigration n'est pas un phénomène nouveau, mais un mouvement de populations aussi ancien que la constitution des peuples. En effet, le désir d'expansion des hommes a connu plusieurs formes: voyages, aventures, conquêtes, échanges commerciaux, influence des peuples les uns sur les autres, etc. Cependant, de nos jours, sa forme la plus courante est bien souvent celle du travailleur. Mais, quel est le sens précis de ce terme? Selon Le Robert, Immigrer vient du latin immigrare, "venir dans, s'introduire dans"; composé de in "dans" et de migrare "se déplacer", changer de résidence. En d'autres termes, immigrer, c'est entrer dans un pays étranger, pour s'y établir durablement ou définitivement. Dès lors, toute personne qui immigre dans un pays émigre par là même de son pays d'origine.

De nos jours, comme le montrent à la fois Bernard Philippe (1993) et Dominique Schnapper (1992) l'immigration de travailleurs peu qualifiés vers les pays riches ou industrialisés s'inscrit dans un phénomène plus vaste d'interdépendance inégale entre les différentes régions du monde. Ainsi, aux Etats-Unis vers lesquels se dirige une main-d'oeuvre qui provient essentiellement d'Amérique latine, on compte plus de 20 millions d'immigrés. L'Europe occidentale, quant à elle, qui emploie surtout des travailleurs originaires du Bassin éditerranéen, totalise en 1982 14,5 millions de migrants étrangers. Les pays arabes de l'OPEP absorbent plus de 3,5 millions de travailleurs venus en majorité des autres pays arabes et du sous-continent indien, un chiffre analogue à celui du Canada, de l'Argentine et de l'Australie.

Si l'on s'en tient aux migrations internationales de travailleurs entre l'Europe de l'Ouest et le pourtour de la Méditerranée, il apparaît que, depuis 1974, année de l'arrêt de l'immigration dans la plupart des pays d'accueil et, plus encore, depuis 1977, où ont été mises en place des politiques de retour et de réinsertion, un tournant a été pris dans le domaine des migrations. L'immigration est désormais bloquée dans tous les pays, à l'exception du regroupement familial jusqu'aux lois Pasqua-Debré, pour citer le cas français.

Au cours de la décennie 1970-1980 (voire davantage dans la décennie précédente 1960-1970), les migrations de travailleurs étaient considérées comme utiles à la fois au pays d'immigration et aux pays d'émigration. Cependant, même si elle est utile à court terme, en raison de sa souplesse, de son consentement ou non à être corvéable, pour l'économie des pays d'accueil, l'on soutient de plus en plus aujourd'hui, telles les thèses politiques extrémistes, en l'occurrence, que l'immigration peut entraîner dans les pays d'accueil ou maintenir à long terme des déséquilibres structuraux. A l'inverse, le retour et la réinsertion créent des difficultés au pays de départ sans parler des problèmes socioculturels provoqués par la "double appartenance" qui caractérise les immigrés. Cependant, le besoin de main-d'oeuvre étrangère persiste, comme en témoigne l'accroissement des migrations temporaires et clandestines.

Mais qui sont les migrants? Ce dernier terme - comme celui d'"étranger" - est souvent défini négativement comme le "non national". A cette donnée statutaire, s'ajoutent, chez les travailleurs immigrés, le caractère volontaire, aux fins d'emploi (à la différence des réfugiés) et, pour une certaine durée (à la différence des saisonniers), leur condition de salariés en milieu essentiellement urbain, de même que la précarité de leur situation, en instance de choix - même illusoire - entre l'insertion définitive dans le pays d'accueil et le retour dans le pays d'origine. En France, par leur condition juridique, ils se distinguent aussi des migrants nationaux (tels les ressortissants des DOM - TOM, les français d'origine nord africaine, les tsiganes) et, par le but de leur migration, des réfugiés.

Pourtant, concernant les Tsiganes, Jean-Pierre Liegeois (1995) a signalé leur présence en Europe occidentale dès 1417. Et, en France, on trouve les premières installations des Tsiganes en 1419, entre autres à Macon. En raison de cette ancienneté, on devrait les considérer comme des Français de "souche" comme on dit; d'autant plus qu'ils sont Français bien avant d'autres "nationaux" issus des immigrations européennes successives et qui se considèrent plus Français qu'eux. La loi, surtout celle du 31 mai 1990 dite "loi Besson", dans sa mise en oeuvre du droit au logement (Journal officiel du 2 juin 1990) tient compte à la fois de ce statut (Français de souche) et de la singularité de leur culture de "gens du voyage" à propos de leur accueil dans les départements. L'article 28 de cette loi, qui encourage la solidarité entre les collectivités, précise qu'"un schéma départemental prévoit les conditions spécifiques des gens du voyage en y incluant les conditions de scolarisation des enfants et celle de l'exercice d'activités économiques" (Journal officiel, 1990). L'esprit de cette loi est clair: ne plus considérer les Tsiganes comme des "étrangers" ou des "immigrés", voire des citoyens de seconde zone, mais des "nationaux" à part entière malgré la particularité de leur culture.

C'est donc la condition qui est faite aux immigrés dans les pays d'accueil qui tend à les confondre dans une catégorie globalisante et abstraite, par-delà les distinctions juridiques, les diversités nationales et culturelles et les stratifications socio-économiques qui coïncident souvent avec l'ancienneté de chaque vague migratoire.

1-2 Vers la fin d'un idéal humaniste?

Dans nos investigations sur les problèmes de l'Humanité contemporaine, dès les années 1985-90, nous écrivions déjà qu'il y a des raisons de refus de la différence physique et culturelle qui enferment le "Sud" dans son piège. Comme le mensonge ou ce qu'on pourrait appeler le refus de la non-transparence des intentions, est l'une des armes efficaces, opérationnelles de la Raison mécaniciste, les extériorités non-européennes s'imaginaient avoir droit au partage des idéaux universalistes qu'elle a toujours prônés. Il en est ainsi du respect de la personne humaine, des droits de l'homme, de la liberté de circulation des personnes dans sa sphère de Réalité. Mais, autant l'orbe occidental aime s'étendre aisément au-delà de ses limites réelles, autant il opère courtoisement, mais efficacement une fermeture à l'Autre. Comme l'a bien vu justement Jaulin: "Cette fermeture est négation d'autrui, mais cette négation use assurément de "moyens" afin de s'exprimer, de jouer; ce qui est nié, autrui-nié, est la non existence de la différence. Bien entendu, cette non existence ramène au privilège de la non-différence; mais cette non-différence n'est que l'homogénéité du vide, ou de la mort, puisqu'elle se fonde sur la négation, c'est-à-dire une relation d'opposition dont le terme, la finalité est une "non-relation"", (Jaulin R., 1977, p121-122).

Après avoir fait croire à l'existence d'une "identité" entre les hommes - mais celle-ci, comme l'affirme Jaulin "ne peut référer qu'au multiple, à un multiple réel, la multiplicité des civilisations"(Jaulin, 1977, p.31) - la Raison mécaniciste opère aujourd'hui en sens inverse. En effet, les extériorités non-européennes qu'elle a elle-même "manufacturées", "dénaturées", selon les mots de Jaulin, sont, certes, aujourd'hui comprises ou embarquées dans son bateau à la dérive. Mais elles sont tenues à la lisière de son champ de réalité intrinsèque. Et elle utilise, à cet effet, des moyens discriminatoires et persuasifs. Ainsi, s'agissant des mesures prises, il y a peu de temps, par la Communauté européenne, Christian de Brie titre un article (1994), "Bâtir la Forteresse Europe - Les immigrés dans l'étau policier". En effet, il écrit que "Tournant le dos à une longue tradition française d'accueil et d'intégration, la politique dite d'"immigration zéro" repose sur deux pratiques érigées en principe: premièrement, "on n'entre pas"; précisément, les pauvres originaires des pays du Sud et de l'Est, sont indésirables. Pour les empêcher de venir, on s'emploie à les arrêter le plus en amont possible, dès le point de départ. C'est la fonction du visa: obligatoire, discrétionnaire, de courte durée, attribué parcimonieusement après un parcours très dissuasif, refusé au moindre soupçon de velléité d'installation en France. "(Bamony P. 2000, p. 314-315). Quelques années plus tard, les faits donnent raison à nos analyses et intuitions, même si ce processus du refus de l'immigration a cours également dans les pays du Sud.

1-3 Des formes du refus dans une zone du Tiers-Monde: l'Afrique sub-saharienne

Le problème de l'instabilité des pays africains sub-sahariens actuels et de celle de leurs populations respectives résultent de deux facteurs majeurs. D'abord, il est généralement reconnu que les frontières juridiques, voire politiques n'obéissent à aucune donnée objective. La partition du continent africain en une poussière de pays est un fait du Prince, comme l'écrit à juste titre Cheik M'Backé Diop (2003): "Du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, à Berlin, une "conférence" sur l'Afrique avait réuni tous les pays européens ainsi que les Etats-Unis. Cette rencontre se termina par la signature de l'Acte de Berlin, qui a conduit au partage de l'Afrique" entre puissances européennes: l'Angleterre, la France, la Belgique, l'Allemagne, le Portugal, l'Espagne.

A la veille de la première guerre mondiale, la quasi totalité de l'Afrique est constituée de colonies gouvernées par les Européens" (M'Backé, 2003, p.13). Aujourd'hui beaucoup de conflits interfrontaliers sont imputés par les dirigeants africains à cette partition arbitraire. A titre d'exemple, le Soudan, la Somalie, sont toujours en guerre civile pour une revendication de territoire qui soit conforme à une réalité humaine. Le Mali et le Burkina Faso se sont affrontés au sujet du tracé de frontières qui les lèse d'une bande de terre. Le Nigeria et le Cameroun ont failli connaître un même sort.

Dans cette partition du continent africain, on a surtout négligé le facteur humain: des peuples ennemis se retrouvent sur un même territoire contraints de partager un même pays par la juridiction internationale sans pour autant avoir renoncé à leur haine historique. Pire, les mêmes peuples sont traversés par une frontière qui les jette d'un côté comme de l'autre de leur territoire ancestral, et appartenant ainsi désormais à deux pays différents, avec des nationalités également distinctes. Dès lors, le problème de l'immigration se pose, de nos jours, dans un contexte inextricable. Ahmadou Kourouma, dans deux de ses oeuvres majeures, Les Soleils des indépendances (1976) et Allah n'est pas obligé (2003), analyse avec son réalisme habituel les guerres civiles (Sierra Léone, Sénégal, Libéria et récemment la Côte d'Ivoire, pour ce qui est de la zone ouest africaine que l'auteur connaît bien) auxquelles donne lieu entre autres, la mauvaise répartition du continent africain sub-saharien. Mais, cet écrivain insiste davantage sur la responsabilité politique des africains eux-mêmes qui n'hésitent pas, pour des questions de stratégies de conquête du pouvoir, à brandir l'étendard du "nationalisme". Si l'on prend le cas de la Côte d'Ivoire, jusqu'à l'histoire récente de ce pays (1990), le problème de l'immigration ne se posait pas du tout. D'une part, ce pays est un territoire de peuplement: d'abord, presque tous les peuples ou groupes ethniques sont des immigrants dont l'origine se situe au Ghana, au Burkina Faso, au Mali, en Guinée, au Liberia; ensuite, certains de ces peuples se répartissent sur deux territoires et se retrouvent ainsi "étrangers" sur leur terre ancestrale. Tel est le cas des ivoiriens du nord qui sont immigrés en Côte d'Ivoire et "nationaux" sur le sol de leurs ancêtres.

D'autre part, et du fait de cette émigration massive, près de soixante-dix populations de langue différente, de culture et d'origine ont coexisté jusqu'ici dans la paix, c'est-à-dire sans heurts gravissimes. Enfin, ce pays a besoin de main-d'oeuvre dans tous les secteurs de son économie, ce qui amène vers lui un flux migratoire perpétuel. Ainsi, la revue Politique Africaine (2000, no78) s'inspirant d'une enquête ivoirienne sur les migrations et l'urbanisation, estime que la population immigrée s'élève à 25% de la population en 1993. Parmi ces populations immigrées, on compte les Burkinabé (environ 3 millions d'individus), mais aussi les Maliens, les Guinéens, les Ghanéens, les Libériens, les Sénégalais, les Nigérians et les Béninois. On dénombre également les Libanais, les Français, et les citoyens des pays du Maghreb. Cette importance d'une population dite étrangère a conduit un homme politique à écrire que: "plusieurs faits, souligne toutefois le professeur J.N. Loucou, ex-directeur de cabinet du président Bédié, peuvent justifier l'inquiétude des Ivoiriens. C'est d'abord l'importance numérique des étrangers en Côte d'Ivoire [...] liée à un fort taux d'immigration et à une forte natalité [...]. Les étrangers [...] occupent une place prépondérante parfois hégémonique dans l'économie ivoirienne. Cette présence étrangère menace donc de rompre l'équilibre socio-économique du pays". (voir Politique Africaine, 2000, p.65). Ce qu'a dénoncé Kourouma dans ses pamphlets-romans tient au fait que le délire verbal conduit parfois à une agression effective des "étrangers"; et, dans le cas de la Côte d'Ivoire, à un refus d'une partie de la population ivoirienne considérée comme des citoyens de seconde zone, ou même des "immigrés" en raison de la proximité du territoire du Mali, de la Guinée et surtout du Burkina Faso.

C'est sur de tels soupçons que se sont fondés les politiques ivoiriennes du Sud, du Centre Ouest et de l'Ouest pour écarter Alassane Dramane Ouattara de la compétition à la présidence de la Côte d'Ivoire. A cet effet, on a inventé la notion d'"ivoirité" qui impose aux prétendants à ce statut d'être ivoirien de père et de mère. La constitution forgée par le régime de Henri Konan Bédié, maintenue par ses successeurs jusqu'à Laurent Gbagbo, interdit la "double nationalité". En ce sens, les politiques ivoiriennes ont toujours avancé l'argument qu'Alassane Dramane Ouattara, même s'il n'est pas Burkinabé d'origine, a du moins été, pendant un certain temps, un citoyen éminent de l'ex-Haute Volta. Cette exacerbation de la notion d'"ivoirité", qui distingue "nationaux" et "non nationaux", Ivoiriens de seconde zone, demi-Ivoirien, etc., a conduit à l'insurrection des Ivoiriens du Nord, excédés d'être traités d'immigrés dans leur propre pays, puis à la guerre civile depuis le mois de septembre 2001, enfin à l'impasse politique dans laquelle se trouve la Côte d'Ivoire actuellement. Divisé entre le Nord et le Sud, le pays est devenu ingouvernable.

En fait, il n'y aurait pas de problème d'immigration dans cette zone du monde si les politiques n'exacerbaient pas les haines entre les groupes humains. On comprend alors que Kourouma s'en prend avec véhémence à ces individus et les considère même comme les causes de tous les maux (économiques, humains), que connaissent les pays sub-sahariens.

II- Des causes de l'immigration contemporaine

2-1 Le miroir et les faits: deux réalités contradictoires du Nord

L'attrait de l'opulence des pays du Nord telle que la télévision s'emploie à la transcrire dans l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler les Tiers-mondes est la raison qui apparaît le plus souvent dans les écrits relatifs à ce problème humain majeur de nos jours, en l'occurrence, les migrations internationales. En fait, à travers ce média fascinant qu'est la télévision, s'agit-il d'une transcription de la réalité ou plutôt d'une falsification, d'une manipulation de celle-ci? Nous avons tout lieu de croire que cette deuxième interrogation est conforme aux faits. En effet, ce média donne des pays riches un miroir qui relève davantage de l'imaginaire, ou à tout le moins, des fantasmes. La réalité reproduite à travers la télévision d'un Nord, qui est signe de richesses (trois ou quatre voitures par famille aujourd'hui), source d'enrichissement[2] n'est valable que pour une minorité d'individus. Pour remettre les pendules à l'heure et arrêter cette perception parfois fallacieuse du Nord, la Norvège vient d'utiliser récemment la féerie et la fascination du même média pour limiter les flux migratoires incessants sur son territoire. En effet, ce pays s'est fondé sur le pouvoir évocateur de la télévision sur les consciences et a trouvé le moyen de décourager les demandeurs d'asile. Selon un article anonyme du Canard enchaîné du 26 novembre 2003, le ministre de l'Intérieur local innove en commandant "un film à des télés russes et ukrainiennes qui brossent un paysage très noir de la vie en Norvège! Selon Le Point (21/11/2022), l'opération a réussi: le flux des immigrés a chuté" (Canard enchaîné du 26 novembre 2003, p.8). En outre, comme Osiris Cecconi (1975) l'a bien montré, la qualité de la vie ne tient pas forcément au développement économique ou industriel. Ce développement est lui-même facteur de problèmes spécifiques d'ordre social ou philosophique. C'est en ce sens qu'il affirme que "le développement de cette puissance [la puissance économique] et ses effets imprévus, en même qu'ils instruisent la science, troublent la conscience, en affectant profondément le genre de vie des hommes d'aujourd'hui et, en particulier, en changeant ses dimensions économiques et culturelles.

Nous "sentons" tous comme une vérité d'évidence que le "bien-être" ne va pas sans "mal-aise", et qu'un "plus grand pouvoir de vivre" ne produit pas spontanément un "meilleur art de vivre"" (Cecconi, 1975, p.5).

Dès lors, on comprend qu'il y ait, au Nord, des réalités sociales, des naufragés de la surenchère du développement économique libéral qu'on ne peut occulter comme les "Tiers-mondes", les "Quarts-mondes", reflets de la pauvreté et de la souffrance sociales existant et persistant dans chacun de ces pays dits riches. Pourtant, à regarder de près les faits sociaux, on s'aperçoit que la vie peut être très difficile pour bon nombre de gens dans un pays du Nord. A titre d'exemple, en France, l'"ATD-Quart Monde" s'emploie, depuis plus de trente ans, à tâcher de lutter, voire de réduire l'extrême pauvreté d'une couche de la population: aide au logement, à la survie quotidienne des familles par une assistance alimentaire, etc. Dans un article consacré justement à cette association, il en résulte que "les familles" dites de la population en très grande difficulté "n'ont pas seulement connu des problèmes de logement. Beaucoup de couples ont erré d'un foyer à un hôtel social, et n'ont jamais vécu avec leurs enfants. L'objectif est donc de les soutenir pour qu'elles réalisent leur projet familial" (CFDT Magazine no 285, novembre 2002, p.44-45). Cette peinture est renforcée par les observations d'un membre permanent de l'"ATD Quart Monde" qui dit, en effet: "Nous avons rencontré des familles qui n'avaient connu que des squats et qui ont commencé par occuper une seule pièce de leur appartement... Les familles qui arrivent ici ont vécu dans l'urgence" (CFDT Magazine no 285, novembre 2002, p.44-45). Cette réalité que la télévision s'abstient de présenter aux habitants du Sud, candidats à l'émigration, peut s'appliquer à n'importe quel pays riche, avec des nuances spécifiques à la situation économique et sociale de chacun d'eux.

2-2 Pauvreté au Sud: mythes ou réalité?

Ce point de la réalité tronquée des pays du Nord ne saurait faire oublier que les causes les plus profondes sont dans les pays du Tiers-monde eux-mêmes. D'une part, il manque aux citoyens de la plupart de ces pays, qui ont la jouissance de leur liberté, une conscience aiguë de leurs propres réalités et la nécessité de défendre les intérêts de leurs pays et de leurs peuples. Comme les notions de nation et d'intérêt général n'ont pas encore prise dans l'esprit de ceux-ci, il s'est développé, depuis leur (soi-disant) indépendance, une forte tentation d'un enrichissement personnel au détriment des intérêts généraux. C'est ce qui fait dire à Rousselet (1994) que les pays africains, notamment francophones, ont manqué d'une certaine réussite économique, lors et après les indépendances faute de classes riches organisées susceptibles de prendre le relais des colonisateurs. Une telle absence de piliers économiques solides a conduit à l'émergence de "couches sociales pour qui l'Etat est devenu un moyen de s'approprier les richesses par de lourds impôts prélevés sur les paysans, le vol pur et simple, les détournements et la corruption" (Rousselet, 1994, p. 179). Cette classe, qui s'approprie les biens de son pays au mépris du reste de ses habitants, est appelée par Jean Ziegler de "dictature de militaires ou de bourgeois compradores" (Ziegler, 1978, p.10). Une telle qualification, peu laudative, tient au manque de lumière, sur le plan de la vision des réalités du monde contemporain, du sens et de l'intérêt de l'Etat, de l'amplitude de la conscience, qui la caractérisent.

Dès lors, cet état d'esprit, qui confine à l'incurie, a été bien compris par des hommes du Nord qui contribuent grandement au gaspillage des richesses publiques, celles du sous-sol (matières premières) comme celles qui sont produites par l'activité économique. Il suffit de prendre un exemple, dans le cadre général des relations franco-africaines de particuliers à particuliers et d'Etat à Etat, pour comprendre la mainmise de ceux que Jean-François Julliard dans Le Canard enchaîné appelle poétiquement les "Les Afro-profiteurs" qui ne se gênent pas d'aller faire "leur marché noir" dans ces pays francophones d'Afrique reconnus comme pauvres. Concernant l'expropriation des ressources naturelles des pays africains subsahariens, l'auteur de cet article écrit en effet: "Imaginerait-on un trust étranger exploitant le sous-sol français et ne versant en contrepartie qu'un loyer égal au quart, voire au cinquième des recettes récoltées? C'est pourtant le système qu'Elf a imposé au Gabon, au Congo, au Cameroun ou l'Angola. Et c'est selon les mêmes principes que des industriels français prospèrent dans le coton, les forêts, les minerais, la distribution de l'eau ou le commerce portuaire" (Julliard, 6/11/2000, p.3). N'importe quel chef d'Etat ou responsable d'une certaine importance est vite pris par les boniments de ceux qui viennent se présenter à eux comme ayant quelque compétence dès lors que les victimes n'ont pas suffisamment d'esprit critique pour se rendre à l'évidence que la raison est aussi un superbe instrument de mensonge, de duperie, voire d'aliénation. Car les "Afro-profiteurs", selon cet hebdomadaire se sont diversifiés dans tous les domaines. Ils sont en effet, "marchands d'images et d'articles de presse, conseillers en sécurité et en stratégie, généraux représentants de commerce, parasites de l'humanitaire. Et tout ça, ça fait d'excellents Français" (Julliard, 6/11/2000, p.3).

Cet esprit mercantile contribue grandement à ruiner ces pays plutôt qu'à les sortir de leurs difficultés[3] et à appauvrir leurs populations qui aspirent, elles aussi, à des conditions de vie décentes si ce n'est au même titre que les habitants du Nord, du moins conformément à leur propre éthique de vie. Faute de pouvoir trouver ces conditions sur place, ils aspirent à devoir aller les chercher dans les pays du Nord perçus comme un eldorado. Cette idée qui s'est imposée et généralisée, en particulier dans les pays africains, résulte du fait, selon Philippe Engelhard, que "la pauvreté est massive sur le continent - 60% de la population vit dans la pauvreté ou au moins dans la précarité" (1998, p.21). Cet auteur confirme son observation en donnant quelques chiffres concernant la pauvreté dans certains pays sub-sahariens. Ainsi, le Sénégal, grand pourvoyeur d'émigrants en France, compte 30% de pauvres si on prend en considération les critères des calories par tête; la Mauritanie, 60% de pauvres; le Ghana en compte 30%, etc. On comprend dès lors que le flux de l'émigration légale ou clandestine vers les pays du Nord dont la France soit de plus en plus important. Concernant ce dernier pays, Libération du 20 novembre 2002 fournit les chiffres suivants: on dénombre 4% d'immigrés venus de la Turquie, 30% du Maghreb, 9,5% d'Asie et 9,5% de l'Afrique sub-saharienne. En fait, selon ce même journal, les immigrés toutes origines confondues, représentent 7,5% de la population française, un taux qui semble stable depuis 25 ans au moins. Sur le marché du travail, ils représentent 12% de nouveaux venus. Le flux des entrées s'élève à environ 5000 personnes par an hormis l'immigration clandestine qu'on estime à environ 12'000 à 20'000 individus. En 1998, la France a pu régulariser 100'000 personnes; ce taux est inférieur à celui de la Grèce (700'000 personnes) et de l'Italie où plus d'un million de dossiers concernant la régularisation de clandestins ont abouti. Toutefois, selon un dossier de Télérama sur l'immigration, "aujourd'hui, statistiquement, un Africain a dix fois moins de chance d'obtenir l'asile qu'un Asiatique. Pourtant, ceux-ci commettent autant de fraudes au séjour. Mais, l'Asie, c'est loin. Et puis, il existe toujours, vis-à-vis de l'Afrique, cette vieille peur de l'invasion" (Télérama no2459, 26 février 1997).

Malgré les règles strictes qui régissent l'immigration sous sa double forme, légale et clandestine, depuis les lois Debré-Pasqua de 1997, le flux ne s'estompe pas pour autant. Ainsi, en 1995, on estimait à 2200 le nombre d'algériens qui avaient demandé le droit d'asile. Seuls 15 d'entre eux l'ont obtenu. Il en est de même des Zaïrois, par exemple, selon le dossier de Télérama déjà cité.

Ce désir est lui-même nourri par un certain nombre de considérations objectives. D'une part, il y a une fuite importante de la matière grise issue de ces pays, non pas par désintérêt pour leur pays d'origine, mais parce que ceux-ci n'ont rien à leur offrir qui soit susceptible de leur permettre de mettre en valeur leurs compétences dans les divers domaines des activités humaines. Cette dernière forme d'immigration semble plus grave selon un no de J.A.I. qui affirme que "l'accroissement du nombre des migrants a de graves conséquences économiques et sociales. Les pays d'origine sont ainsi confrontés à un dramatique brain-drain (fuite des cerveaux) qui freine leur développement. En Inde, d'ici à 2005, le phénomène touchera plus de 100'000 ingénieurs et techniciens en informatique".(J.A.I no 2194 du 26 janvier au 1er février 2003 p.73). Les pays du Nord qui absorbent le plus d'immigrés qualifiés ou hautement qualifiés dans les divers champs de la science et de la technologie sont notamment la France, l'Allemagne, la Grande Bretagne, le Canada et les Etats-Unis. Ainsi, la France a admis l'entrée de 4000 informaticiens dans les années 2000-2002. L'Allemagne a fait mieux: en 2000 elle a mis en place un green card (permis de travail permanent) qui a rendu possible l'accueil d'environ 800'000 informaticiens et spécialistes des technologies de l'informatique. Ceux-ci viennent de l'Europe de l'est, de Singapour, de Malaisie, de Chine, voire des pays anglophones sub-sahariens comme le Nigeria ou le Ghana. La Grande Bretagne vient d'innover dans ce sens. En effet, un numéro de L'observateur de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) du 15 mars 2002 consacré à la "fuite des cerveaux: mythes anciens et réalités nouvelles" indique que pour attirer au Royaume-Uni des "jeunes chercheurs du monde", on a mis au point un projet de 20 millions de livres sterling. Dans le même temps, "le congrès américain annonçait que le quota annuel de visas de travail temporaire délivrés à des professionnels hautement qualifiés augmenterait de 115'000 à 195'000, et ce jusqu'en 2003" (Observateur de l'OCDE du 15 mars 2002). Certes, ce qu'on a convenu d'appeler, selon la même revue, "la circulation des cerveaux", ne touche pas seulement les pays des Tiers Mondes. Les docteurs en sciences et en technologies des pays européens Est et Ouest, du Canada sont également attirés par les Etats-Unis.

Quant aux pays Africains sub-sahariens, c'est surtout au niveau de l'enseignement supérieur que l'ampleur du phénomène, en l'occurrence, "la fuite des cerveaux" est manifeste. Ainsi en est-il de l'université Cheik Anta Diop de Dakar. Selon le Sud-Quotidien du 12 décembre 2002-Dakar "la fuite des intellectuels" sénégalais tient à des causes objectives: l'argent, c'est-à-dire l'attrait d'une meilleure rémunération équivalant à leur niveau d'études, n'est pas le seul facteur. En effet, les professeurs et chercheurs des universités du Sénégal ne bénéficient pas de bonnes conditions de travail du fait de l'appauvrissement du pays, d'une part, et de la réalité mondiale d'une économie marchande universitaire, d'autre part. Les motifs de départ les plus souvent évoqués sont la charge d'enseignement trop lourde, le nombre d'étudiants trop élevé en cours, le manque de ressources et de financement de la recherche. On estime que plus de 30'000 titulaires africains de doctorat travaillent hors de leur continent, en Europe et en particulier aux Etats-Unis. Ce constat amène le journal à écrire que "tout le monde est unanime à dire que le phénomène de fuite de cerveaux constitue une "grande perte pour les pays d'origine comme le Sénégal". C'est surtout "un élément négatif", dit Kalidou Diallo. "Si l'on prend le cas du Sénégal, il est évident que les Etats-Unis n'investissent aucun franc dans la formation des enseignants qu'ils reçoivent de notre pays" dit-il. Ce qui fait dire à Ibra Diène qu'il y a un problème car: "les pays pauvres fournissent de la main-d'oeuvre de haute qualité aux pays riches. Autrement dit des pays comme le Sénégal financent l'enseignement supérieur dans les pays riches". C'est le même son de cloche dans toutes les facultés de l'université de Dakar". (Sud-Quotidien, 12 décembre 2002).

2-3 Des causes de l'appauvrissement du Sud et de celles de l'immigration: l'exemple des pays africains sub-sahariens

L'attrait des salaires proposés par les pays riches incline donc à se décider sans résistance, même si certains d'entre ces cerveaux en fuite, depuis les pays de l'exil, doivent contribuer à exploiter, spolier même les richesses générées par l'activité économique et celles du sous-sol de leur pays d'origine. Dans un de nos récents ouvrages, nous avons cité Chirac, président de la République française, qui reconnaît la responsabilité des pays du Nord dans l'appauvrissement actuel des pays africains notamment. Dans l'économie de cette analyse, il nous semble important de rappeler cet aveu. En effet, lors du sommet franco-africain du 18 janvier 2001 à Yaoundé au Cameroun, s'adressant à des journalistes qui l'interrogeaient sur les causes des difficultés économiques actuelles des pays africains, il leur répond: "Ecoutez, à propos de l'Afrique, il faut commencer par réfléchir tout en sollicitant notre mémoire. Nous avons commencé par saigner ce continent pendant quatre siècles et demi avec la traite des Noirs. Ensuite, nous avons découvert ses matières premières et nous les avons saisies. Après avoir dépossédé les Africains de leurs richesses, nous leur avons envoyé nos élites, qui ont évacué la totalité de leurs cultures. Aujourd'hui, nous les délestons de leurs cerveaux grâce aux bourses d'études, qui constituent en définitive une autre forme d'exploitation car les étudiants les plus brillants ne rentrent pas chez eux [...] Au bout du compte, nous constatons que l'Afrique n'est pas dans un Etat brillant et, comme nous nous sommes enrichis à ses dépens, nous lui donnons des leçons à titre de prime. Tout cela mérite une réflexion profonde et une forme d'autocritique à laquelle les Eglises elles-mêmes doivent prendre leur part. Alors, il faut encourager les droits de l'homme, sans arrogance, sans vouloir humilier"[4] (Bamony, 2001, p.365-366).

Cet aveu fait penser au fameux "pacte colonial" par lequel les puissances colonisatrices ont convenu de maintenir leurs anciennes colonies sous une dépendance perpétuelle, malgré les indépendances. Les signataires africains du statut d'indépendance de leur pays le savaient-ils? Dans l'affirmative, pourquoi n'ont-ils pas dénoncé ce pacte si inique pour le devenir de leurs pays? Osiris Cecconi voit dans ce "pacte" la cause de la pauvreté économique de ces pays et la raison essentielle qui manifeste leur impuissance à se développer. C'est, du moins, ce qu'il écrit: "Le "pacte colonial" subsiste, et l'indépendance politique formelle ne l'affecte que fort peu. Il signifie que productions et échanges se spécialisent dans l'intérêt du pays dominant, de sorte que l'industrialisation du pays sous-développé - objectivement impossible par la dégradation des termes de l'échange - est de plus découragée, ou déséquilibrée, pôles de développement, économie dite "dualiste". Elle est insuffisante. Elle est inefficace: par la forme même qu'elle prend, l'aide reste inapte à déclencher un effet cumulatif: en ce sens, elle mérite le nom d'"aumône". Et l'on s'explique par là le fait que les pays qui veulent décoller, ne puissent l'accepter" (Cecconi, 1975, p. 612).

Pendant toute la durée de nos investigations (des années 1980 à 2000) sur l'Oekoumène au sens où Max Sorre l'a défini, "en l'occurrence, l'ensemble des milieux propres à la vie permanente des collectivités humaines..."(2000: 378), nous avons démontré, à chaque étape de nos recherches, que la question des migrations internationales ne se poserait pas en des termes si catastrophiques comme elle l'est aujourd'hui si l'on n'avait pas endetté les pays du Sud tel qu'on l'a fait. Dans l'ouvrage auquel ces recherches ont donné lieu au cours des années 2000, nous fondant sur les données générales de l'activité économique mondiale, nous écrivions avec pessimisme sur une situation économique des pays du Sud qui ne cesse de s'empirer: "Le piège dans lequel l'ensemble des pays du Sud se trouve aujourd'hui, par le biais, en particulier, de l'endettement incommensurable, était comme programmé dès le départ, c'est-à-dire dans les années 1973, afin de sortir, par ce biais, les pays du Nord de la crise pétrolière qui a, d'ailleurs, grandement profité à ces mêmes pays par l'investissement dans la recherche de nouvelles énergies. Si l'on se fie aux chiffres fournis par la CNUCED (Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement) en 1997, on s'aperçoit que cette dette, en milliards de dollars, ne cesse d'augmenter. On peut en tirer les enseignements suivants. Si nous prenons comme année de référence ou point de départ la décision d'endetter cette zone du monde (1972-73), de manière à la mettre dans une dépendance définitive, et 1996, par exemple, la croissance de la dette donne: de 108,9 milliards de dollars de dette totale dans les années 70, on passe en 1996 à la somme de 1796,70 milliards de dollars. Le service de la dette augmente de 23,4 en 1975 à 214,4 milliards de dollars dont les intérêts qui grimpent de 21,4 en 1978 à 78,8 milliards de dollars en 1996. Inversement, le service des exportations des pays en voie de développement qui était de 22,5% en 1978, baisse à 12,5% en 1996" (Bamony, 2000, p.301-302). C'est en ce sens que François Chesnais (1994), spécialiste d'économie industrielle internationale et d'économie de l'innovation technologique, de son côté, reconnaît qu'à partir de 1984, il y a, chaque année, un transfert de 25 milliards de dollars des pays débiteurs du Sud vers les banques créancières du Nord. Celles-ci arrivent toujours à leur fin: faire payer même les intérêts par les pays débiteurs grâce à la "dollorisation" de l'économie mondiale et aussi, comme en Argentine, à la mise en vente des secteurs rentables de l'économie.

2-4 Face aux conséquences économiques, sociales et humaines dramatiques au Sud, naissance d'une nouvelle conscience de l'altérité au Nord?

Aujourd'hui, un peu partout dans les pays du Nord, une prise de conscience citoyenne s'impose face à la misère des populations des pays du Sud. Le fait que ces pays se soient imprudemment obérés tend à rendre la survie de leurs habitants très problématique. Et tel est le sens du combat engagé par bon nombre d'associations, d'organisations non gouvernementales. Mais la lutte pour l'Homme s'avère extrêmement difficile en raison de l'"égoïsme" des créanciers du Nord. Un article d'une revue syndicale d'enseignement parle même de "lutte contre la pauvreté" (voir CFDT Magazine, no289, mars 2003.) artificiellement voulue par les Banquiers du Nord et leurs complices des pays du Sud qui ont autant si ce n'est plus de responsabilité que les premiers. En effet, l'auteur de cet article écrit que "quatre ans après la campagne internationale "Annulations de la dette" et un an après la création de la plate-forme française "Dette et développement", les allègements commencent à bénéficier aux populations de certains pays pauvres. Au Mozambique, une campagne de vaccination des enfants a été lancée. En Ouganda, au Malawi et en Tanzanie, les frais de scolarité ont été supprimés dans le primaire. L'Ouganda a triplé ses dépenses de santé. Au Cameroun, l'allègement de la dette permettra de multiplier par trois l'aide publique au développement accordée par la France, soit 15 millions d'euros (100 millions de francs) par an pendant dix ans" (Blain in CFDT Magazine, no289, mars 2003, p.48).

Toutefois, les points positifs de ce problème humain contemporain ne doivent pas en faire oublier les difficultés liées à de multiples raisons dont nous retiendrons ici quelques aspects majeurs. D'une part, le montant de la dette des pays dits PPTE (pays pauvres très endettés) s'élève, à ce jour, à 210 milliards de dollars. Au vu d'une telle somme, les créanciers rechignent à effectuer des baisses; d'autant plus que dans les pays en question, les gouvernements ne donnent pas de signes patents, voire la preuve d'une volonté réelle d'un engagement dans la lutte contre la pauvreté par une réticence à impliquer davantage les sociétés civiles, premières victimes de cet état de fait. Faute de mesures favorisant la transparence dans le suivi des opérations destinées à alléger les souffrances des populations atteintes, voire d'une réelle émergence de la prise de conscience des sociétés civiles responsabilisées, Marc Deluzet, responsable CFDT dans la plate-forme "Dette et développement" remarque à juste titre: "Je crois qu'avant d'augmenter l'allègement de la dette, il faut savoir ce qu'on fait de cet argent. En libérant rapidement de grosses sommes qui ne seraient pas affectées à des projets précis, on augmenterait les chances de voir cet argent disparaître dans les circuits de la corruption" (CFDT-Magazine, no289, mars 2003, p.48). D'autre part, qu'il s'agisse de dette latérale ou multilatérale, les pays pauvres très endettés sont sommés, par leurs créanciers, de rembourser leur dette dans un premier temps afin qu'en deuxième lieu, on puisse la leur restituer sous certaines conditions. Ce peut être la mise en place d'un plan de lutte contre le phénomène de pauvreté qui serait cautionné, voire avalisé par les services de la Banque mondiale. Cette obligation de rembourser la dette résulte d'un type de raisonnement plus pervers, inspiré par la Banque mondiale elle-même. En effet, puisque la dette bilatérale ou multilatérale a été allégée, ces pays pauvres très endettés[5] seraient ainsi en mesure de rembourser le reliquat de la dette. Pire, on note même des contradictions dans les engagements des pays riches concernant l'allègement de la dette. En effet, on parle volontiers de "dettes soutenances", et ce qu'on appelle 'allègement de la dette' se ramène quelquefois à des sommes qui ne pouvaient pas être remboursées, faute de capacités à cet effet. On remarque aussi que ce que les pays riches consentent individuellement aux pays pauvres comme allègement dans le cadre des échanges bilatéraux, ces mêmes pays parviennent à récupérer des sommes équivalentes collectivement par le biais des IFI (Institutions financières internationales - comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale). Où est donc l'allègement réel de la dette des pays très pauvres et très endettés?

Somme toute, puisque les IFI maintiennent le niveau de soutenabilité à 15% du ratio dette sur recettes d'exportation, on voit bien que rien n'est réglé sur le fond quant à l'allègement ou à l'annulation de la dette des pays pauvres ou très pauvres et très endettés. Quoi qu'ils fassent, ils sont désormais enfermés dans une logique implacable de remboursement coûte que coûte, donc d'appauvrissement continu. Toutefois, dans les pays du Nord, on ne semble pas encore conscient de cette situation humaine difficile comme l'écrivent à juste titre René Passet et Jean Liberman dans leur essai sur la Mondialisation financière et terrorisme: "Se rend-on compte que 54% de la population mondiale, soit 2,7 milliards, vivent aujourd'hui avec moins de 2 dollars par jour et 1,3 milliards (22% de la population mondiale) avec moins de 1 dollar (seuil de pauvreté absolue)? Ce dénuement s'est particulièrement développé dans les pays les moins avancés (PMA), augmentant de 4% entre 1993 et 1998, pour toucher 437 millions de personnes. De plus, pour ces pays, la fuite des capitaux s'est accélérée avec la libéralisation financière: c'était le cas pour 40% des capitaux de l'Afrique au début des années 1990" (Passet et Liberman, 2002, p.35).

Dès lors, sans espoir d'améliorer l'état économique de leur pays, des hommes venant du Sud tentent le tout pour le tout pour accéder à un pays riche.

III- Prise d'assaut de la forteresse occidentale, zone de cocagne, et modalités d'accueil des émigrants

3-1 Une forme contemporaine de "mondialisation" de l'immigration

Selon un article de J.A.I. - Jeune Afrique - l'Intelligent - (no2194, 2003), qui fournit quelques données sur ce qu'il appelle "l'exode planétaire", il est certain que ce "phénomène est aussi vieux que le monde, mais ne cesse de s'accentuer. Selon un rapport publié par la revue Population et société (septembre 2002), plus de 150 millions de personnes - soit un habitant de la planète sur quarante - résident aujourd'hui, de manière permanente, hors de leur pays natal. C'est deux fois plus qu'il y a trente cinq ans" (Zemmouri Tariq, J.A.I. no 2194 du 26 janvier au 1er février 2003, p.73). L'article énumère, ensuite, les destinations 'préférées' par les candidats à l'émigration. Ainsi, les Etats-Unis accueillent 28 millions d'immigrants soit 10% de la population, le Canada, 5 millions (17%), l'Australie, 4,4 millions (25%). Concernant l'Europe occidentale[6], les données sont les suivantes: la France, 4,3 millions (7,3%) d'étrangers, l'Allemagne, 7,3 millions (9%); en Suisse, un habitant sur cinq est étranger, ce qui en fait le pays européen le plus accueillant, malgré les clichés courants que l'on porte sur lui.

Dès lors, pour quiconque veut comprendre quelque chose aux mouvements contemporains des populations, il suffit de prendre la carte du monde pour situer les zones des pays riches et des pays pauvres. Il se rendra vite à l'évidence du paradoxe de l'humanité contemporaine. En effet, la zone dite riche est nettement moins grande que celle qu'elle a appauvri et où sévit une misère innommable. On comprend alors que celle-ci soit prise d'assaut de tous les côtés par les candidats à l'émigration de la zone pauvre comme nous tâchons de le montrer dans l'économie de cette analyse.

D'abord, la zone de l'Amérique du Nord: on aurait pu penser que le Canada[7], en raison de sa situation géographique entre les Etats-Unis et les océans, soit totalement à l'abri des mouvements migratoires. Il n'en est rien puisque, par la côte ouest, les candidats à l'émigration originaires de l'Asie, en particulier, de la Chine parviennent à s'installer dans le pays, que ce soit par des moyens légaux ou clandestins. Des audacieux venant de l'Amérique centrale et du Sud, y accèdent également par les Etats-Unis notamment.

Quant à ce dernier pays, du fait de sa situation géographique disposant de frontières communes avec l'Amérique latine, sa richesse ostentatoire face à des pays pauvres et toujours en voie d'appauvrissement, la tentation d'émigration vers ce pays est fort grande. Ainsi, malgré l'ALENA (Accord de libre échange nord Américain), censé constituer une zone de libre échange et de circulation des personnes et en raison de l'assaut des populations du Sud, les Etats-Unis ont mis en place des mesures défensives plutôt guerrières. Notons au passage que les analyses que nous avons faites dans notre ouvrage (Bamony, 2000) dès les années 1980-90 trouvent une confirmation dans l'ensemble des moyens d'information aujourd'hui. Ainsi, un document de Télérama (juin 2002) intitulé "Les naufragés du Rio grande" décrit, avec photos à l'appui, les conditions des Mexicains le long ou de l'autre côté du mur qu'on pourrait qualifier de "honte" séparant les Etats-Unis du Mexique et de tous les pays d'Amérique latine. Pour enrayer le flux de l'immigration clandestine, les Etats-Unis ont entrepris, dès 1994, la construction d'un mur qui sépare les deux territoires, d'Est en Ouest, malgré la signature de l'ALENA, avons-nous fait remarquer, qui permet le libre échange entre ce pays, le Canada et le Mexique.

Cependant, la main-d'oeuvre, priée de rester du bon côté du mur, c'est-à-dire du côté mexicain, intéresse l'économie américaine. Selon cette même source Télérama (juin 2002), "ce sont les nouveaux esclaves de l'Amérique. Le mirage ne se trouve qu'à un jet de pierres, mais eux n'ont pas le droit d'y toucher. Exploités dans les "maquiladoras", des usines d'assemblages, ils font la richesse de quelques multinationales". De l'autre côté du mur donc, ils vivent dans des abris de fortune: des maisons en cartons où ils s'entassent en familles, comme le quartier de la Colonia Fronteriza; d'autres, sous des tentes faites de morceaux de plastique, tels les solitaires, employés clandestinement par des fermes étasuniennes environnantes, mais priés de se rendre invisibles aux autorités administratives américaines. Car les policiers et les vigiles privés sont partout présents, prêts à tirer sur ceux qui osent franchir la frontière illégalement. Malgré leurs souffrances au quotidien, les Mexicains, devant la terreur de leur sort, refusent de baisser les bras. Pourtant, comme l'écrivent les auteurs de ce document: "C'est une nouvelle forme d'horreur économique: l'exploitation des femmes, la violence, tous ces dénis de la condition humaine"... Leur rôle de victimes de ce système, les Mexicains en sont conscients: "on sait qu'à quelques kilomètres de là la vie est meilleure, les salaires plus élevés, mais nous, on n'a pas le choix. On sait qu'on est exploités, que la pollution, les abus, le harcèlement sexuel, ce n'est pas normal!". Ils ajoutent néanmoins qu'ils en ont besoin et voudraient juste des conditions de travail plus équitables" (Télérama, juin 2002, p.15).

Ensuite, l'Europe occidentale apparaît comme l'une des zones d'attraction des ressortissants des pays défavorisés. Parmi les pays qui attirent le plus de monde, on peut citer la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Helvétie, l'Italie, la France. Il y a également la Hollande, le Danemark, les pays scandinaves qui tentent de plus en plus les candidats à l'émigration. Cette zone du monde est prise d'assaut par une immigration clandestine en provenance, par l'Est, des anciens pays du bloc soviétique (Yougoslavie, Roumanie, Bulgarie, Russie même) et au-delà de l'Orient (Kurdes, Irakiens, Iraniens, Afghans, etc.); par le Sud, c'est-à-dire l'Italie, l'Espagne), ce sont surtout des ressortissants du continent africain et au-delà, de l'Asie. Au sujet de cette immigration clandestine, on parle même de "nouvelle ligne maginot" (CFDT magazine, no265, décembre 2000). Mais y a-t-il réellement des frontières qui puissent être absolument étanches par rapport à l'ingéniosité de l'esprit humain?

En France, face à ce flux migratoire, le discours des politiques sur "l'immigration zéro" sonne comme une absurdité puisque malgré toutes les mesures draconiennes en vigueur pour empêcher cette immigration clandestine, depuis les années 1986-92, on a assisté à un mouvement continu de migrants clandestins. Une des mesures envisagées à cette fin, est une ouverture sélective des frontières hexagonales à des étrangers: les trier sur le volet selon leur qualification professionnelle. Il n'en demeure pas moins que celle-ci n'a pas suffi à endiguer le phénomène. Même si la France n'est pas souvent la destination de l'immigration clandestine[8], mais bien plus la Grande-Bretagne, notamment pour les ressortissants de l'Orient, ce pays est forcément une voie de passage. Il a fallu construire dans l'urgence un camp, celui de Sangatte, pour recevoir - ou plutôt parquer - 800 à 1000 migrants sans papier qui attendent l'occasion d'un départ clandestin vers l'Angleterre.

Mais, au regard des conditions de vie déplorables, d'une situation sans solution, en 2002, le nouveau gouvernement a décidé la fermeture de ce centre. Cependant, Libération du 4 et 5 janvier 2003, malgré cette mesure, qui semblait être la moins pire des solutions, montre que "les clandestins affluent toujours à Calais", livrés à eux-mêmes, errant sans destination précise, parfois aidés par les habitants" (p.2). C'est la vue de ces étrangers qui nourrit souvent la peur du 'petit peuple', près à épouser toutes les idées extrémistes sans examen critique de la nature des faits réels.

En effet, se fondant sur la publication d'un"Rapport sur les étrangers et le marché du travail", Charlotte Rotman intitule un article dans Libération: "Les pendules à l'heure de l'immigration" (20 novembre 2002, p.2). La presse française aborde de temps en temps ce thème pour tâcher de calmer les craintes de certaines couches de la population qui s'effraient à la vue d'étrangers... imaginant ainsi le pays pris d'assaut par des immigrés. Or, on constate que la France n'est pas le pays où le taux d'immigration est le plus élevé par rapport à des pays de niveau économique équivalent; du moins, telles sont les observations générales de l'étude du Commissariat général du Plan qui estime d'ailleurs que ce pays a encore besoin de faire venir environ 120'000 étrangers par an: "Depuis vingt-cinq ans, la France a stabilisé le pourcentage d'immigrés dans l'ensemble de la population, à un niveau ""plutôt modéré"", proche de 7,5%, bien inférieur à celui de l'Allemagne (9%), des Etats-Unis (10%) et du Canada (17%). Et selon le Plan, elle a besoin d'immigrés pour alimenter certains secteurs de l'économie[9]" (cité par Rotman, Libération, 20 novembre 2002, p.2).

Cette crainte rédhibitoire des étrangers chez certains Français rend difficile leur intégration harmonieuse de façon générale. Un article de J.A.I. montre, à l'aide des chiffres en cours, à quel point l'objectif de l'intégration, mis en avant par tout gouvernement, de gauche ou de droite, pour respecter les principes philosophiques et humanistes de la République n'a jamais été atteint. En effet, écrit Frédérique Letourneux, auteur de cet article "20% des immigrés sont au chômage, contre 10% pour la moyenne nationale, et deux immigrés actifs sur trois sont ouvriers ou employés. Preuve que les discriminations à l'embauche sont encore très fortes" (J.A./L'Intelligent no2197- du 16 au 22 février 2003).

3-2 L'apport financier des immigrés ouest-africains à l'économie de leur pays d'origine

Si on prend le cas des Maliens (mais on aurait pu tout aussi bien considérer celui des Sénégalais, entre autres), ils sont estimés à environ 38'000 en situation régulière et à environ 60'000[10] leurs compatriotes sans titre légal de séjour qui vivent en France. Selon une enquête que nous avions effectuée au cours de l'année 1990-1991 à Saint-Denis, entre autres banlieues du Nord de Paris, et dont des éléments ont été publiés dans notre dernier ouvrage (Bamony, 2001), la plupart d'entre eux vit dans des conditions difficiles, parfois insalubres et s'adonne à des activités qui ne sont pas du tout valorisantes: des petits commerces d'objets d'artisanat, des travaux de nettoyage, du bâtiment, de la voirie, de l'entretien de l'immobilier public, etc. En somme, des travaux qui n'intéressent guère les gens du pays. En ce sens, il est difficile de prétendre qu'ils occupent le travail des Français puisque ces derniers délaissent en général la nature de l'activité du Malien. Ils consentent à une telle forme de vie afin de pouvoir apporter une assistance financière à leurs familles qu'ils ont dû quitter pour pouvoir subvenir à ses besoins. Aussi, ils sont contraints de diviser leur salaire mensuel en deux parties: une partie pour survivre plutôt que vivre en France, l'autre est envoyée au Mali.

Dès lors, on peut dire que les retombées financières, malgré la modestie de leur emploi et de leur salaire, en général, de ces migrants sur leur pays d'origine sont considérables. Elles contribuent même grandement au développement de leur pays par la création de petites entreprises villageoises ou d'une autre manière. Selon Flore Gubert, auteur d'un article sur ce dossier dans Libération du 19/02/2003, il en résulte que "dans le cas du Mali, le volume annuel des envois de fonds que les migrants adressent à leurs familles restées au pays (estimés à plus de 100 millions d'euros) dépassent même largement celui de l'ensemble de l'aide publique au développement versée par la France (60 millions). Ces retombées financières sont d'autant plus considérables qu'elles sont concentrées sur la région de Kayes, à l'Ouest du pays, d'où sont issus la plupart des Maliens vivant en France... Grâce à la circulation des revenus migratoires au sein de cette région très déshéritée et longtemps délaissée par les autorités publiques maliennes, les émigrés soninké contribuent à stabiliser les quelques centaines de milliers d'individus qui y résident" (Gubert, Libération, 19/02/2003, p.10).

Telle paraît l'une des raisons majeures de l'émigration des individus des pays du Sahel. On imagine mal comment ce flux migratoire pourrait s'arrêter si l'on ne trouve pas une solution locale qui leur permettent de vivre décemment en renonçant ainsi à l'aventure douloureuse vers les pays du Nord où ils deviennent, depuis les années 1980, objets d'enjeu électoral.

3-3 Accueil des immigrés en Europe de l'Ouest et enjeu politique contemporain

Pour beaucoup d'immigrés vivant en Europe, le pays qui servait de référence pour sa tolérance face à l'étranger, était jusqu'ici la Hollande, un modèle d'intégration culturelle. Mais, depuis la dégradation de la situation économique des pays européens, la donne tend à changer de visage. En effet, on estime à 8 millions le nombre d'individus en situation de pauvreté. Et l'Allemagne dont l'économie figurait parmi les plus solides, compte de nos jours "4 millions de chômeurs" (Le Canard enchaîné du 13 décembre 2002). Dès lors, en Hollande, comme partout ailleurs dans les démocraties européennes, l'immigré devient un enjeu politique. Ainsi, ce pays qui avait misé sur le concept de "multiculturalisme" et où, "au nom de la non discrimination des minorités" (Libération du 22 janvier 2003), l'Etat finançait même une quarantaine d'écoles islamistes, permettait le port du foulard dans les écoles, en vient à changer de ton. "Avec son slogan "les Pays-Bas sont pleins" et sa solution simpliste de fermeture des frontières, la liste de Pim Fortuyn - arrivée en deuxième position aux législatives de 2002 - a provoqué un séisme dans la placide et terne politique néerlandaise" (Dubois N., Libération du 22 janvier 2003, p.14) même si la campagne électorale portait davantage sur l'intégration que sur l'immigration.

Aujourd'hui, en France, l'heure est aux modalités d'expulsion de certains étrangers, clandestins ou non du pays. Les méthodes policières de reconduites aux frontières ne sont pas toujours tendres. Les médias ont fait état de morts d'hommes ("en décembre dernier, un Argentin, puis, début 2003, un Ethiopien" (Le canard enchaîné du 5 mars 2003) lors des reconduites aux frontières en l'espace de quelques semaines. Ainsi, Libération parle d'un "deuxième décès en un mois d'un étranger expulsé par avion" (Durand J. et Rotman C., Libération du 22 janvier 2003, p.22); ce qui donne en gros titre de cet article: "Vols avec violence fatales". Dans cet article, une source proche du ministère de l'Intérieur analyse la cause de ces morts violentes de la manière suivante: "Il n'est pas impossible que les techniques d'immobilisation employées par l'escorte aient contribué à l'asphyxie et au décès de cet homme" (Durand J. et Rotman C., Libération du 22 janvier 2003, p.22).

Pire, dans l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, la situation des étrangers en attente d'une réponse à leur demande d'asile politique ou d'être expulsés semble humainement inqualifiable. En effet, ils sont quotidiennement soumis aux humiliations et à la violence physique et morale au point que Le Canard enchaîné, dans un article non signé, parle de "zones d'atteintes en tous genres" (Le Canard enchaîné, 12 mars 2003, p.3). Ces violences permanentes sont attestées par les mentions portées sur les certificats médicaux "agression par la police de l'aéroport Charles-de-Gaulle" précise cet article. Selon l'auteur de l'article en question, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe) recueille souvent des témoignages des agressions dont ces individus sont victimes qui sont causes de blessures de tout genre: "des vertes et des mûres, des bleus, des fractures et des dents cassées... Trois témoignages d'étrangers de novembre 2001 se recoupent sur "cette femme policier qui aime donner des coups de botte dans les parties génitales des hommes mais qui s'est aussi comportée sadiquement avec les femmes" lit-on encore dans le même article. Nouveaux cas relevés en 2002: deux hommes évoquent cette policière "qui prendrait plaisir à frapper, particulièrement le sexe, l'un dit uriner de sang[11]" (Le Canard enchaîné, 12 mars 2003, p.3). Les personnes qui viennent d'Afrique ou d'Asie pour demander l'asile subissent, selon le même article, des traitements 'dissuasifs'. On s'emploie à leur infliger une autre image de la France totalement opposée à celle qu'ils s'en faisaient, en l'occurrence, qu'elle ne saurait être une terre d'accueil pour tout le monde ni un pays de cocagne. Dès lors, la seule façon de le leur faire comprendre, c'est par le moyen de la violence, comme l'écrit l'auteur de l'article en question: "D'abord, donc, les coups de poing, de ranger ou de crosse, qui pleuvent indistinctement sur hommes et femmes, même enceintes, quand ce n'est pas un tabassage en règle "à dix policiers contre un". Mais aussi les injures racistes: "Macaques, cochons". La discrimination religieuse: "Vous êtes musulman ou chrétien?" et les coups de s'arrêter en fonction de la réponse"" (Le Canard enchaîné, 12 mars 2003, p.3).

Il n'en demeure pas moins que ces drames ponctuels, voire quotidiens en Europe, ne mettent pas fin à toutes sortes de tentatives pour parvenir au supposé eldorado. Un fait qui témoigne de la ténacité des candidats à l'immigration clandestine vient de se produire au-dessus de la banlieue de Paris. Par sa dimension insolite, il montre que rien ne semble arrêter ce flux, tant qu'une sérieuse information n'est pas donnée en amont sur le désastre humain de cette forme actuelle de l'émigration. En effet, selon un article non signé du Canard enchaîné du 5 mars 2003, ces hommes ont même l'audace de se cacher "dans le train d'atterrissage... Puis l'avion commence à s'approcher du paradis dont ils ont tant rêvé, Paris, et c'est la fin du voyage. On les retrouve morts de froid ou d'asphyxie. Ou alors ils tombent, comme ce jeune africain, vingt-cinq ans à peine, parti de Bamako ou de Libreville, on ne sait pas, qui est tombé sur Groslay, près de Roissy. C'était le mardi 25 février [2003], tôt le matin, un couple a été réveillé par "un grand bruit" et, raconte le maire, "ils ont vu la pergola du jardin effondrée, et aperçu deux baskets. Ils ont appelé la police"" (Le Canard enchaîné du 5 mars 2003).

Dès lors, les méthodes d'expulsions actuelles de la police[12] empêcheraient-elles absolument les candidats à l'émigration de tenter l'aventure aussi fatale qu'elle pourrait parfois paraître? Il est possible d'en douter, d'autant que, pour ce qui est des immigrés de l'Afrique de l'Ouest, l'installation du membre d'une famille apparaît comme une source de revenu substantiel.

IV- Comment éviter l'émigration vers les pays du Nord?

4-1 Penser autrement l'économie mondiale en termes de complémentarité des ressources et des productions

Dans nos investigations antérieures, notamment dans To Eskhaton, le triangle de la mort, tout autant que dans La Solitude du mutant- Eloge de la bi-culture- (Bamony, 2000 et 2001), nous avions développé le concept d'économie complémentaire qui nous paraît plus positif et réaliste, voire valorisant que l'économie solidaire ou équitable. Il nous semble que les pays dits du Sud n'ont pas forcément besoin de mendicité, ni de solidarité qui confère toujours le beau rôle aux hommes du Nord. Dans ce type d'échange, l'autre, le producteur du Sud est encore dans une position presque passive: il attend que son partenaire veuille acheter ses produits selon des modalités qui relèvent de son bon vouloir. Il attend presque tout de lui. Bien que cette démarche soit généreuse, si différente, par essence, de l'impérialisme inhumain du système d'échange capitaliste, il n'en demeure pas moins que le partenaire du Sud n'occupe pas encore une position d'égalité avec son partenaire du Nord. En ce sens, la planification mondiale des économies des pays du Sud par la Banque mondiale et le FMI ne nous semble pas militer en faveur de ce concept d'économie complémentaire. En effet, on ne peut concevoir que, par exemple, la Côte d'Ivoire soit déjà un grand producteur de cacao - sachant que le marché n'est pas extensible à l'infini - les mêmes institutions financières encouragent et financent la production de la même culture dan un pays de l'Asie du Sud-Est comme l'Indonésie ou encore les Philippines qui ont d'autres sources de revenu plus importantes. En revanche, le cacao reste encore la principale source de revenu de la Côte d'Ivoire.

Il nous semble que ces Banques feraient preuve de plus de pertinence en favorisant dans les pays de l'Asie du Sud-Est des produits qui manqueraient, par exemple, aux pays africains et vice-versa. Dès lors, l'économie complémentaire consisterait à développer des sources propres à divers pays et qui manqueraient à d'autres, c'est-à-dire que leur climat indispose à exploiter rationnellement et à les acheter au prix le plus convenable possible en tenant compte naturellement des fameuses lois du marché. Ce qui serait réel pour l'agriculture pourrait l'être pour toutes les autres productions, agricoles, commerciales, minières, etc.; l'exigence restant de les acheter au prix du marché mondial et non de façon injuste comme on le fait aujourd'hui pour les produits agricoles des pays du Sud et des pays du Nord. Mais il existe une différence qui est de taille: les agriculteurs, par exemple des pays du Nord, sont largement subventionnés en cas de crise majeure des prix agricoles sur le marché mondial, ce dont ne bénéficient guère leurs concurrents du Sud. La souffrance humaine étant la même, il n'y a aucune raison qui justifie ce traitement de faveur des uns par rapport aux autres.

On comprend aisément qu'encourager les pays du Sud, par exemple les pays africains, à se développer suivant la logique de l'économie occidentale actuelle, n'a guère de sens; à moins d'admettre que, sur ce point aussi, le "Pacte colonial" dont Osiris Cecconi (1975) a montré le caractère inique pour les pays africains notamment, joue son rôle de volonté de domination. L'aide que les puissances de tutelle de ces pays leur apportent s'apparente davantage à une "aumône" (Cecconi, 1975, p.612) qu'à un investissement visant au développement réel de ces entités politiques. Même celle-ci, comme l'a montré Sylvie Brunel (1993), la coopération française en Afrique subsaharienne a été organisée de telle sorte que la Métropole tire le meilleur bénéfice: ce qui se transforme en dette pour ces pays à un taux très élevé, a servi à payer les coopérants affectés par la France dans les secteurs de l'activité économique, de l'administration et de l'Education de ces pays. En ce sens, selon Osiris Cecconi, ce qu'on appelle économie "dualiste" ne peut contribuer au progrès et au développement réels de telles "nations parce qu'"elle est insuffisante. Elle est inefficace: par la forme qu'elle prend, l'aide reste inapte à déclencher un effet cumulatif: en ce sens, elle mérite le nom d'aumône". Et l'on s'explique par là le fait que les pays qui veulent décoller, ne puissent l'accepter" (Cecconi, 1975, p.612).

Or, sur le plan de la production industrielle, les marchés mondiaux sont déjà saturés. Qu'il s'agisse des ordinateurs, des voitures, des avions, des armes, etc., il n'y a plus ou presque plus de place pour de nouveaux producteurs. Et ceux qui sont déjà sur place se livrent à une concurrence avide pour vendre ou placer leurs produits au détriment des autres. Les pays non industrialisés d'aujourd'hui auraient-ils autant de hargne, d'agressivité, d'usage de la raison menteuse, d'absence de coeur pour faire jeu égal avec des concurrents longtemps aguerris à cette lutte à mort contre leurs adversaires? Il est permis d'en douter.

Nos doutes se fondent sur la connaissance des peuples, par exemple ceux de l'Afrique sub-saharienne. En effet, les hommes, quand ils ne sont pas encore corrompus par la vacuité du désir qui déstabilise l'être l'humain, par le tiraillement entre la finitude de sa nature et l'infinité des objets de ses désirs, peuvent encore s'en tenir aux bornes de leur essence. Dans cette perspective, il est essentiel de proposer des modes de vie qui tiennent de cette essence, de la dignité de la personne, suivant le concept philosophico-chrétien, en permettant aux hommes de vivre des conditions sociales et économiques décentes. Or, sans prétendre créer quelque chose d'absolument nouveau, il suffit de prendre en compte le travail que les associations et les ONG accomplissent aujourd'hui sur le terrain. Toutefois, pour aussi importantes que leurs actions soient, elles apparaissent comme des remèdes provisoires qui ne peuvent en aucune façon occulter la nécessaire pensée d'une économie nouvelle, dépassement du capitalisme, qui est considéré comme la source de plusieurs maux socio-économiques des temps contemporains, en l'occurrence, l'économie complémentaire.

4-2 L'action des associations et des ONG dans les pays du Sud

Plus que l'aide publique au développement des pays pauvres, des investissements de pays à pays ou privés, les micros projets des ONG et des associations sont de nature plus efficace. Celles-ci travaillent de concert avec les populations locales, tâchant de les impliquer dans l'acheminement à terme de leurs projets, en ce que ceux-ci les concernent en tout premier lieu. Au regard du nombre d'associations et d'ONG qui oeuvrent, par exemple, au Burkina Faso, il est reconnu que celles-ci aident au développement de certains villages par la création de puits et la conception de nouvelles méthodes culturales et de rétention des sols, de la rentabilisation de ceux-ci, de la construction d'écoles primaires et de logements d'enseignants, des centres d'apprentissage des techniques utiles sur place, des dispensaires, etc. Ces actions de solidarité et de partage des compétences sont conduites parallèlement à la politique de développement de l'Etat burkinabé, plus centrée sur les provinces que sur les villages en particulier.

Dans les pays du Sahel, on peut noter les efforts de Maurice Freund, fondateur du "Point-Afrique" pour aider les populations à se sortir de leurs problèmes quotidiens de survie. A titre d'exemple, à Gao, cité située au Nord du Mali, il a mis en place une forme de tourisme qui ne consiste pas seulement à découvrir des paysages, mais surtout à faire des rencontres avec les populations du pays ou de la ville. Mieux encore, les populations de Gao acceptent volontiers le projet de Freund dans la mesure où eux-mêmes prennent acte de la philosophie de ce tourisme "dès lors qu'il est respectueux de notre identité, pour nous le tourisme c'est la solution" (CFDT Magazine no269, avril 2001, p.54) à leur isolement et une forme de développement à leur mesure. Un article de CFDT Magazine décrit l'atmosphère de la ville qui a changé depuis la création du pont aérien par Maurice Freund: "D'octobre à mars, tous les lundis à l'aube, c'est l'effervescence sur le tarmac de l'aéroport de Gao. Une foule poussiéreuse et bigarrée guette dans le ciel azur les ailes de l'avion affrété par le Point-Afrique. Les agences du tourisme ont dépêché leurs représentants, les artisans installé leurs échoppes. Les enfants, en ribambelles débraillées, se préparent à réclamer quelques "cadeaux" aux toubabs. Ils jouent à cache-cache avec quelques policiers assoupis et finalement bienveillants qui tentent de limiter leur ardeur. Depuis cinq ans, la coopérative créée par Maurice Freund est la seule compagnie à desservir cette ville déchue aux portes du désert, ville terminus du fleuve Niger. A l'heure actuelle où, dit-on, le monde est un village, un avion qui se pose à Gao, cela peut paraître anodin. Où est "la performance"" (Prouteau F. CFDT Magazine no269, avril 2001, p.54).

Toutefois, les hommes de ces pays n'attendent pas toutes les initiatives de ceux du Nord. Dans l'ensemble des pays du Sud, en Amérique latine, en Asie, en Afrique, etc., l'économie informelle s'organise pour viser à plus de rentabilité par une organisation qu'on pourrait qualifier de plus rationnelle. Cette nécessité répond à des données nouvelles, conséquences de l'impérialisme de l'économie libérale. Outre l'exode massif qui se poursuit dans ces pays, on sait que, depuis une quinzaine d'années environ, les institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale), en voulant gérer l'économie mondiale selon des schèmes régulateurs généraux et simplistes imposés par les technocrates de l'Ecole de Chicago, entre autres, ont contraint les pays du Sud à des mesures draconiennes sans nuances aucunes pour des situations particulières. Ces mesures de privatisations des sociétés publiques les plus rentables en faveur des Fonds de pension occidentaux ont eu pour effet des licenciements massifs, des coupes claires dans les budgets sociaux. Dès lors, des millions de citoyens de ces pays déshérités, pour survivre, n'ont pas eu d'autres solutions que de s'adonner au travail informel, lot quotidien d'une vie de "débrouille"; d'autant que le secteur formel n'a pu absorber le surplus de salariés licenciés. Ainsi, dans les années 1990, on a estimé que les revenus du travail informel étaient supérieurs au taux du salaire minimum dans beaucoup de pays du Sud. Selon les travaux de Jacques Bugnicourt, sociologue et président de l'ONG ENDA (Environnement, développement action), les richesses générées par l'économie informelle sont en augmentation sensible. A titre d'exemple, en Afrique du Nord, dans le produit intérieur brut non agricole, la part de l'économie informelle est passée de 23 à 27% entre 1990 et 1995, de 27 à 41% en Afrique subsaharienne, et de 28 à 37% en Asie (voir Le courrier Afrique, Caraïbes, Pacifique, Union européenne, no178).

Vaincre la malnutrition doit constituer un autre enjeu majeur pour le monde de demain afin de permettre à chacun, qui désire rester chez soi, de le faire autant au Sud qu'au Nord. Mais il ne s'agit pas de produire plus comme on a tendance à le faire dans les pays riches: il s'agit essentiellement de répartir de façon plus équitable la nourriture, de lutter contre la misère chronique dans beaucoup de pays du Sud. On sait depuis longtemps que le jeu dans les échanges agroalimentaires n'est pas souvent en faveur des pays pauvres. On comprend aisément qu'il y ait plus de 800 millions de personnes, dans le monde, qui vivent à la limite de la famine[13]. De même, il y a plus de 170 millions d'enfants qui souffrent de malnutrition dans le monde; et le continent le plus touché par ce fléau est l'Asie. A titre d'exemple, l'Inde à elle seule compte davantage d'affamés que la totalité de l'Afrique subsaharienne. Pourtant, si on regarde l'état du monde actuel, on s'aperçoit que dans certaines contrées de notre planète, on parle volontiers de surproduction et de stocks qui nécessitent beaucoup d'argent pour leur simple conservation. A l'inverse, et à côté de ce monde, beaucoup d'hommes ont en même temps faim. Mais, la résolution de ce problème qui incombe à chacun de nous, suivant notre niveau de responsabilité sur terre, ne peut se fonder sur la seule croissance économique comme beaucoup d'économistes ont tendance à le penser. En effet, selon un numéro de CFDT Magazine, "la croissance n'entraîne aucune réduction de la pauvreté et des inégalités" (Marandola-Cousin M. CFDT Magazine, no264, novembre 2000, p.22) contrairement aux dogmes et impératifs catégoriques imposées par le FMI et la Banque mondiale. Pire, ajoute le même auteur, "les valeurs des cours des produits agricoles, café, bananes ou chocolat sont artificielles et déterminées par les pays riches et les grands groupes internationaux. L'économie de marché et la production n'agissent pas sur la diminution de la pauvreté. S'il n'y a pas un minimum de mesures sociales, il n'y aucun développement possible" (CFDT Magazine, no264, novembre 2000, p.22).

Dès lors, si l'on ne veut pas continuer à lire des chroniques dans les journaux qui rapportent la fin tragique des candidats à l'émigration en Europe, entre autres contrées riches de notre commune planète, il importe de penser autrement le cours du monde. Une rubrique non signée de Libération du 20 janvier 2003 relate un de ces faits devenus routiniers: "Au moins 16 Africains, candidats à l'immigration clandestine, se sont noyés samedi près de Tanger après le naufrage du zodiac sur lequel ils voulaient traverser le détroit de Gibraltar. On compte trois survivants. Six immigrants clandestins, dont on ignore la nationalité, ont aussi été découverts morts, hier, à bord d'une petite embarcation au large du sud de l'Italie" (Libération, 20 janvier 2003, p.9). Tous ces hommes et ces femmes n'ont ni les moyens, ni le courage, ni la volonté, ni la chance de survivre à l'aventure de l'immigration clandestine et de repartir chez eux.

Finalement, on constate que l'immigration, sous ses diverses formes et causes, concerne tous les pays à divers titres. Mais, on remarque que le flux le plus important s'opère globalement des pays du Sud vers les pays du Nord. Les raisons de cette dernière forme de migration sont multiples: les débâcles économiques et la faillite de bon nombre de pays du Sud, comme ceux du continent africain. Dans le cadre de la concurrence de l'économie libérale, la pauvreté s'est accentuée. Alors, des individus entreprennent de fuir leurs conditions de misère pour tenter d'accéder à l'espace du Nord opulent. Ensuite, l'élite intellectuelle elle-même participe, par la "fuite des cerveaux" vers les pays du Nord, au fait des migrations internationales.

Toutefois, face à ce flux migratoire continu, les pays du Nord prennent des mesures de limitation de l'immigration suivant leurs besoins spécifiques. Cette politique de régulation des mouvements migratoires conduit, de nos jours, à l'émergence de l'immigration clandestine. Devenu un phénomène désordonné, voire incontrôlable, elle apparaît de plus en plus comme un enjeu politique et électoral au Nord.

Dès lors qu'on prend conscience des drames humains particuliers que l'immigration clandestine génère aujourd'hui, l'idée d'une autre conception de l'économie visant à fournir aux habitants du Sud des conditions de vie plus décentes qui les fixeraient chez eux s'impose de plus en plus. Beaucoup d'associations et d'ONG militent et travaillent dans ce sens.

Pierre Bamony

Notes:

1.- On peut comprendre, même si on n'y adhère pas, la réaction de certaines personnes qui pensent que l'expansion de l'espèce humaine génère partout des effets mortifères comme les désastres pour les autres espèces vivantes et des désolations pour l'environnement écologique. Notre espèce ne semble guère supporter la différence, ce qui a été cause de sa cruauté dans le temps.

2.- Les immigrés qui retournent chez eux tous les étés sont également pour quelque chose dans la déformation de l'image des pays du Nord. Tel est l'exemple des Africains subsahariens, entre autres. Les tenues vestimentaires, la voiture, le pouvoir d'achat fort important par rapport à des salariés d'autre pays comme ceux des pays côtiers - Côte d'Ivoire, Ghana, etc. - les immenses valises pleines de divers objets à offrir qu'ils ramènent à chaque vacance, montrent à l'évidence que travailler dans un pays du Nord est une sinécure. La vue des travailleurs immigrés dans ces conditions matérielles aisées incitent ceux qui sont dans la nécessité à tenter l'aventure quelle que soit la souffrance qu'elle comporte. En outre, le touriste blanc donne toujours l'image de celui qui est riche: cette richesse ostentatoire n'est pas jugée comme exceptionnelle mais comme valable pour tous. Dans la mesure où peu de gens savent discriminer en distinguant la nature des phénomènes, on comprend donc que la tentation est facile de croire que tout blanc est riche et le pays qu'il habite aussi.

3.- Nous avons souligné auparavant à quel point la responsabilité des Africains eux-mêmes est grande dans cette organisation presque internationale du pillage des richesses de ces pays. Les Africains - du moins les responsables politiques et économiques de ces pays - sont eux-mêmes les artisans de la minorité mentale et donc de l'absence de prise de conscience de la nécessité de défendre leurs richesses, d'une part, dans l'intérêt des populations dont la majorité vit encore dans une situation de misère inacceptable, d'autre part, en vue de préserver l'avenir des générations futures. Ces remarques sont aussi confirmées par Jean-François Julliard, l'auteur de l'article du Canard enchaîné sur les "Afro-profiteurs...". Celui-ci écrit en effet, au sujet de la mainmise de l'entreprise française ELF dans les Etats pétroliers de l'Afrique sub-saharien, ceci: "Prenons une petite entreprise (ou une banque) à qui depuis longtemps un Etat doit beaucoup d'argent. ELF, alerté, va proposer à l'entreprise de racheter sa créance à 50% de sa valeur. Par suite, lorsque la compagnie devrait acquitter la redevance pétrolière due à cet Etat africain, elle en déduira la valeur totale de la créance rachetée. Bénéfice 50% de la dite créance. Le jeu se corse, précise la note, lorsque certains aigrefins, de mèche avec des fonctionnaires locaux, émettent de fausses créances et partagent avec eux le prix qu'en a réglé le pétrolier. Le perdant est toujours le même: le pays qui voit ses richesses doublement pillés". On retrouve ce système de pillage des richesses des pays du Sud par les pays du Nord, avec la complicité des grands commis des premiers, se faire sous d'autres cieux, producteurs de pétrole ou non, comme le Mexique, l'Argentine, etc.

4.- Bamony, Pierre Isso-Amien: La solitude du mutant-Eloge de la bi-culture- (2001, p 365-366). Ces remarques ont été tirées du Canard enchaîné du 24/1/2001. Nous faisions alors observer que ce que les premiers intellectuels africains, partisans du marxisme, dénonçaient comme "néo-colonialisme" apparaît sous un jour limpide. Mais, ces intellectuels eux-mêmes, plus tard, c'est-à-dire au terme de leurs études en Europe, lorsqu'ils ont accédé aux affaires de leurs pays respectifs, n'ont rien fait pour arrêter le pillage des richesses de leur pays ni pour changer le cours des événements dans le sens de l'intérêt de leurs peuples. Pire, ils sont devenus très tôt des fossoyeurs aveugles de celles-ci, se transformant très vite en de superbes instruments entre les mains des opérateurs économiques européens pour effectuer des gabegies éhontées. Ils sont, en fait, les premiers responsables de la situation de leurs pays qu'ils ont grandement contribué à mettre à genoux

5.- Pourtant, concernant certains de ces pays pauvres très endettés, en l'occurrence, les pays de l'Afrique, on remarque qu'au niveau des ressources du sous-sol, ils sont potentiellement riches. Ainsi, toute la côte marine de l'Afrique occidentale constitue un ensemble de gisements de pétrole considérable. Il s'agit de la zone qui va depuis de la Mauritanie jusqu'en Angola. Or, selon de récentes estimations de la demande de pétrole, on sait que la consommation de pétrole s'élèvera à 90'000'000 barils par jour dans dix ans et à 120'000'000 barils par jour dans trente ans. Ce qui devrait permettre à ces pays de connaître des lendemains qui chantent et de se libérer ainsi de la tutelle des pays riches qui les tiennent aujourd'hui fermement sous leur coupe par le biais de l'endettement, entre autres.

6.- Les mouvements contemporains de population ne se limitent certes pas seulement aux pays riches; ils sont plutôt globaux. En effet, en dehors des pays occidentaux, des pays peu peuplés ou riches en pétrole accueillent une population importante d'étrangers. A titre d'exemples, on peut citer les monarchies du Golfe, en particulier, l'Arabie saoudite qui accueille 4 millions d'étrangers. C'est aussi le cas de la Libye, de Brunei, de la Guinée Equatoriale qui accueillent entre 25 et 50% d'immigrés. A ces mouvements de population d'ordre généralement économique, il convient d'ajouter, de nos jours une nouvelle catégorie de migrants ou personnes déplacées, en l'occurrence, les réfugiés. Dans le monde, leur nombre est estimé entre 13 et 18 millions, soit un migrant sur dix. Cependant, ce nombre varie suivant le déclenchement des conflits dans le monde.

7.- Nous avons montré dans notre ouvrage To Eskhaton, le triangle de la mort, que le Canada est l'un des rares pays au monde dont la situation se présente de façon idéale (équation prospérité/solidarité): avec une population estimée en 1996 à 28'114'000 habitants environ pour une superficie de 9'970'610 km2 et une santé économique remarquable, le Canada peut continuer à recevoir de nouveaux habitants venant du monde extérieur sans aucun déséquilibre ni dommage pour soi-même. C'est, d'ailleurs, ce que ce pays s'emploie à faire par une organisation rationnelle de l'immigration, suivant les besoins des différentes provinces qui le composent.

8.- Selon le quotidien Libération du 20 novembre 2002, "le trafic de migrants sans papier représenterait un chiffre d'affaires de 5 à 7 milliards de dollars par an". Il s'agit d'une somme que les candidats à l'immigration clandestine doivent acquitter aux différents passeurs pour être pris en charge jusqu'à leur destination. Malheureusement, ils ne tiennent pas leur promesse dans la mesure où ils ont tendance à les abandonner dans les ports ou à la frontière de l'Italie, de l'Espagne ou de la France. Selon ce magazine, cette situation de l'immigration clandestine profite à l'économie espagnole puisque l'Andalousie semble devenir "le nouvel eldorado: du côté africain du Détroit de Gibraltar, il y a des hommes qui cherchent à atteindre l'Europe pour y travailler. Côté espagnol, il y a des patrons qui embauchent. Mais ici, les accords de Shengen, la maîtrise des flux migratoires, restent pour beaucoup des notions incompréhensibles".

9.- Ceci entre en contradiction avec la volonté affichée par le gouvernement Raffarin qui entend expulser autant que faire se peut le plus d'immigrés possible. C'est à la date du 3 mars 2003, qu'ont été repris ce qu'on avait appelé les "Charters de Pasqua" à destination des pays africains dont la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali, etc.

10.- L'intention du gouvernement actuel, mais telle était aussi celle de Lionel Jospin qui, en son temps, s'était rendu au Mali à cette fin, est de réduire ce nombre des Maliens vivant en France. Pour atteindre cet objectif, on n'hésite pas à donner des primes au retour de ces immigrés devenus gênants sans doute par leur nombre dès lors qu'en France, on redoute la dysharmonie par le nombre de l'hétérogène. Tel est le sens de la récente visite de M. Nicolas Sarkozy au Mali. Selon Libération du 19/2/2003, ce minsitre a "annoncé le doublement du montant de l'aide à la réinsertion offerte aux immigrés maliens en France souhaitant volontairement rentrer chez eux ou ayant reçu une "invitation à quitter le territoire", et désireux de monter un projet de développement dans leur pays. Actuellement plafonné à 3600 Euros, la prime à la réinsertion pourra désormais s'élever à 7000 Euros et sera accessible à tout immigré en partance pour son pays et porteur d'un projet de création d'activité jugé viable". Et si chacun des pays africains où vivent des communautés françaises plus ou moins importantes selon le niveau économique des pays, s'avisait de faire pareil, que deviendraient tous ces hommes et femmes qui sont chez eux ailleurs? Que feraient-ils en France - devenu comme un pays étranger pour eux? Qu'en ferait-on d'ailleurs en France? On a vu récemment, avec la crise politique et la guerre civile de la Côte d'Ivoire à quel point ces Français de Côte d'Ivoire tiennent davantage à leur pays d'adoption qu'à leur pays d'origine. On peut supposer qu'il puisse en être ainsi de beaucoup de Français installés dans chacun des pays africains francophones ou non.

11.- En vertu de l'image que les idées des philosophes des Lumières ont construite de la France et qui s'est imposée aux pays étrangers depuis le XIXe siècle, ces traitements inhumains infligés à des hommes au mépris de leur dignité d'hommes entrent forcément en contradiction avec cette image d'Epinal. Nous avons montré dans notre ouvrage La solitude du mutant-Eloge de la bi-culture, (Etudes des rapports entre Français et Communautés étrangères à partir de notre propre expérience au milieu des Français. Cette perspective s'apparente à une démarche de "sociologie participative"), que l'étranger cultivé, qui arrive en France pour la première fois, voit les Français à travers ces idées. Tel est l'exemple de ce Brésilien dont nous avons fait mention qui s'est immédiatement senti en sécurité et à l'aise en France par rapport à l'Allemagne, pays de sa compagne qu'il a visité en sa compagnie. Il pensait voir derrière chaque visage un Rousseau, un D'Alembert ou un Diderot humaniste. Aussi, l'étranger est toujours surpris de constater que des Français peuvent avoir des comportements au même titre que tout homme. Tel le fond du paradoxe de leur indignation.

12.- Le Ministre de l'intérieur, Monsieur Sarkozy, pour éviter le mauvais effet des "charters", et l'impopularité de ce genre de méthode aux yeux du grand public, innove en la matière par l'invention d'un nouveau concept "les vols groupés". (J.A.I no2200 du 9 au 15 mars 2003) parle de "Trente Ivoiriens et vingt-trois Sénégalais expulsés de France le 3 mars" par le "Vol RN 152 pour Abidjan". Cet article, alors, rapporte les conditions de cette expulsion.

13.- Selon un article de CFDT magazine (no 264, novembre 2000), même dans les pays riches ou industrialisés, on estime que 37 millions d'êtres humains "n'ont jamais, ou rarement, le "ventre plein". Pour les spécialistes, il existe une véritable planète des affamés, parallèle à la planète de ceux qui mangent, effacée mais partout présente sur tous les continents".


Références bibliographiques:

Bamony, Pierre, To Eskhaton, le triangle de la mort - Essai d'anthropologie critique - Grenoble, Thot 2000, 559 p. (www.editionsthot.fr).

Bamony, Pierre, La solitude du mutant - Eloge de la bi-culture, Grenoble, Thot, 2001, 426p. (www.editionsthot.fr).

Bernard Philippe: L'immigration, Editions Le Monde, Coll. Le Monde Poche, 1993, Paris.

Brunel Sylvie: Le gaspillage de l'aide publique, Seuil, coll. "L'Histoire immédiate", 1993, Paris.

Cecconi Osiris: Croissance économique et sous-développement culturel, PUF, Coll. "Sociologie d'Aujourd'hui", 1975, Paris.

Cheik M'Backé Diop: Cheik Anta Diop-L'homme et l'oeuvre-, Présence Africaine, 2003, Paris.

Chesnais, François: La mondialisation du capital, Syros, 1994, Paris.

Dictionnaire Le Robert, (sous la Direction d'Alain Rey) 1998, Paris.

Engelhard Philippe: L'Afrique, miroir du monde,-Plaidoyer pour une nouvelle économie-, Arléa, 1998, Paris.

Jaulin, Robert: Les chemins du vide, Christian Bourgois 1977, Paris.

Kant Emmanuel: Vers la paix perpétuelle, Les Classiques Hatier de la Philosophie, 2001, Paris.

Kourouma Ahmadou: Les Soleils des indépendances, Seuil, 1976, Paris.

Kourouma Ahmadou Allah n'est pas obligé, Seuil, 2000, Paris.

Liegeois Jean-Pierre: "Tsiganes", La Découverte/Maspéro, 1995, Paris.

Passet, René Liberman, Jean: Mondialisation financière et terrorisme - La donne a-t-elle changé depuis le 11 septembre? Editions de l'Atelier, coll. "Enjeux Planète", 2002, Paris.

Rousselet Micheline: Les Tiers-Mondes, Editions du Monde/Marabout, Coll. Le Monde Poche, 1994, Paris.

Schnapper Dominique: L'Europe des immigrés, François Bourin, 1992, Paris.

Sorre, Max: L'Homme sur terre, Hachette, 1961, Paris.

Ziegler Jean: Main basse sur l'Afrique, Seuil, 1978, Paris.

Cet article a également pris pour base d'informations un certain nombre de revues et périodiques (quotidiens, hebdomadaires, mensuels):

"Politique Africaine, no 78 juin 2000 (Editions Khartala).

CFDT Magazine no 264-novembre 2000, no265-décembre 2000, no269-avril 2001, no285-novembre 2002, no 289-mars 2003.

Le Canard enchaîné, 6 septembre 2000, 13 décembre 2002, 5 mars 2003, 12 mars 2003, 26 novembre 2003.

Le Courrier Afrique, Caraïbes, Pacifique, Union européenne

Jeune Afrique l'Intelligent, no 2194- 26 janvier au 1er février 2003, no 2197- 16 au 22 février 2003, no 2200- 9 au 15 mars 2003.

Télérama no2459 - 26 février 1997, no 2734- 5 juin 2002.

L'Observatoire de l'OCDE du 15 mars 2002.

Le Monde Diplomatique, décembre 1994.

Journal Officiel du 2 juin 1990.

Sud-Quotidien, 12 décembre 2002 (Dakar, Sénégal).

Libération - 20 novembre 2002, 4 et 5 janvier 2003, 20 janvier 2003, 22 janvier 2003, 19 février 2003.


Notice:
Bamony, Pierre. "Les naufragés contemporains de l'émigration internationale: attrait du miroir occidental, illusions, désillusions et désespoir", Esprit critique, Printemps 2004, Vol.06, No.02, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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