Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Hiver 2004 - Vol.06, No.01
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En regardant les Mennonites au Mexique: anti-anti-ethnocentrisme d'ici et de là-bas


Philippe Schaffhauser

Maître de conférence en sociologie, CRILAUP (Centre de Recherches Ibériques et Latino-Américaines), Université de Perpignan.


"Sur le terrain, les questions que nous lançons à l'autre sont comme des boomerangs qu'il finit toujours par nous retourner en pleine figure, sous la forme de problèmes-de-terrain."*

Dès que l'on prononce le mot "ethnocentrisme" dans une situation de conversation anthropologique (rarement sociologique[1]), la controverse, la passion, le moralisme, la polémique, la colère et l'indignation parfois, l'anti-évolutionnisme la plupart du temps et en dernier ressort la prise de position politique humaniste envahissent les esprits participant à ce genre d'échanges d'idées comme pour mieux encadrer la production légitime de leur discours, comme pour mieux conjurer la crainte de voir l'ambivalence des mots dire l'infériorité présupposée de l'autre. Pour faire vite, avec l'ethnocentrisme nous avons affaire à deux moments de l'histoire des sciences sociales et humaines. Le premier correspond en gros au XIXe et en particulier au développement de l'évolutionnisme à la manière d'Henri Lewis Morgan ou de Sir Edward Burnett Tylor et du darwinisme social à la mode de Sir Herbert Spencer[2]; l'ethnocentrisme décrit alors un point de vue sur le monde qui, comme regard scientifique institué, reste très largement impensé[3]. L'ethnocentriste ne se sait pas ethnocentriste: son regard sur les autres est naturel ou, pis encore, universel. En clair, les usagers de ce point de vue ne le problématisent pas[4]. Le second a partie liée avec le déclin du paradigme évolutionniste dans sa version anthropologiqu[5]. Situé à cent lieues de préoccupations axiologiques, l'ethnocentrisme cesse d'être un point de vue scientifique, puisque désormais l'activité scientifique doit impérativement rimer avec des mots comme "moral" ou "éthique", et parce qu'il va également de soi que la production de connaissances sur l'autre n'est pas autre chose qu'une entreprise de moralisation des esprits, occidentaux la plupart du temps. Lutter contre l'ethnocentrisme, c'est expier une faute liée à une culpabilité originelle: l'inégalité entre les hommes est une problématique occidentale.

D'une manière générale c'est à partir de la double critique structurale et fonctionnaliste que l'ethnocentrisme cesse d'être un point de vue qui ne se réfléchit pas en tant que tel. Il devient la source d'un examen épistémologique où sont passées au crible les procédures censées donner accès à la compréhension correcte de l'autre saisi et interprété dans sa culture. Dans l'ethnocentrisme, il est question d'un mode de connaissance sur l'autre dont la méthodologie se fonde sur l'encerclement de celui-ci: l'autre est revêtu d'un manteau de présupposés. L'ethnocentrisme se manifeste encore comme le signe d'une préoccupation d'ordre déontologique, une règle de vie et de conduite dans l'activité professionnelle: être anthropologue, c'est tourner le dos radicalement à l'ethnocentrisme. Cette attitude assimilée à une tare et que j'appellerai volontiers "premier habitus anthropologique", est à combattre sans relâche un peu comme si l'anthropologue devait lutter contre un problème d'hérédité disciplinaire fondé sur l'image d'un autre infériorisé, car trop souvent vu d'en haut depuis les cimes de la civilisation, de l'écriture religieuse ou de la science.

Ne plus être ethnocentriste reviendrait donc à mieux observer, analyser et interpréter la culture de l'autre. Il y a là une fin épistémologique. Cet objectif de connaissance est sous-tendu par un principe axiologique: pour observer correctement l'autre, il est impératif de mettre entre parenthèse son système de valeurs et le système d'actions qui lui correspond, étant entendu que l'un comme l'autre forment un système cognitif inscrit dans une culture déterminée, celle de l'observateur. Le regard scientifique sur l'autre ne sert plus alors à refouler les origines culturelles de celui qui observe mais il a pour fonction de les problématiser. Ce n'est plus de rupture entre un point de vue et un autre mais de transformation du regard dont la discipline anthropologique a besoin pour envisager l'autre.

Cette critique de l'ethnocentrisme doit sans doute beaucoup au tournant empirique impulsé par une autre génération d'anthropologues devenus chercheurs sur le terrain. Je songe bien évidemment à Bronislaw Malinowski, Franz Boas, Robert Lowie ou aux Mexicains Manuel Gamio et Moisés Sáenz. Autrement dit, pour lutter contre l'ethnocentrisme qui guette le chercheur au détour d'une phrase malheureuse, d'un mot douteux, d'une traduction-mensonge, il faut faire du terrain (chez l'autre bien sûr!) encore et encore. Il faudrait accumuler les remises en cause de sa propre démarche, compiler ses propres maladresses par le détour des autres[6]. Tout serait en effet si simple, si la solution tenait à cette compulsion pour l'empirie, à cet appel du lointain à y séjourner. Si, avec l'ethnocentrisme, il est question avant tout d'un rapport à l'autre, nous avons donc affaire à deux sortes de naïveté: celle qui consiste à ne pas interroger son regard alors qu'il est culturellement déterminé et celle consistant à croire que du fait que l'on problématise son point de vue alors la question de l'ethnocentrisme se dissout ou se déplace vers d'autres points de vue[7]. Lévi-Bruhl, Ratzel, Bachofen, Morgan, Frazer et Tylor sont ainsi devenus têtes de turcs de générations de premières années d'étudiants d'ethnologie[8] soucieuses de tourner la page du colonialisme à travers cet exercice de mémoire. Être anti-ethnocentriste, c'est être ouvert au (et sur le) monde et progressiste (bien que ce mot soit très ou trop connoté, au point que l'on ne sache plus vraiment ce qu'il étiquette exactement) sur un plan politique - autrement dit idéaliste. Auparavant, l'ethnocentrisme était de mise, à l'heure des conquêtes coloniales du XIXe et des entreprises visant à civiliser les autres cultures; aujourd'hui cette idée semble incongrue, bien que des formes modernes d'intervention occidentales dans le monde (tourisme, aides humanitaires ponctuelles, projets d'ONG (Organisations non Gouvernementales) plus ou moins durables, opérations militaires préventives, entre autres) soient sous-tendues par des présupposés ethnocentriques revêtant d'autres formes discursives et d'autres modalités d'action (la coopération).

Mais avant d'aller plus loin, rendons à César ce qui lui appartient. C'est au sociologue américain William Graham Sumner (1840-1910) que nous devons le néologisme "ethnocentrisme". Sensible aux thèses sociologiques d'Herbert Spencer et à son darwinisme social, W.G. Sumner (1963, 1987, p. 254-262) conçoit l'ethnocentrisme: "(...) comme le "nom technique" pour la tendance à voir dans son groupe le centre de toutes choses, tous les autres étant évalués par rapport à celui-ci." C'est une allusion au groupe de référence avant la lettre. Il définit le "patriotisme" comme la loyauté au groupe civique auquel on appartient par la naissance ou tout autre lieu de groupe et le "chauvinisme" comme une affirmation de soi féroce et vantarde; ce sont pour lui des expressions diverses du même mécanisme de "camaraderie" dans l'en-groupe et d'hostilité à l'égard de l'hors-groupe." (Merton, 1997, p.354)

À partir de cette citation, il y a plusieurs observations que je voudrais faire sans pour autant prétendre les formuler toutes et couvrir leurs ramifications les plus subtiles. Je vais, néanmoins, tenter de les rassembler selon un ordre plus ou moins logique.

1) L'ethnocentrisme[9] est un point de vue qui présuppose l'existence d'une culture homogène[10], d'un lien social fort à l'intérieur de celle-ci, d'une solidarité typique (mécanique et/ou organique), d'un ensemble sociétal parfaitement délimité et stable (ce qui bien évidemment n'existe pas); autrement dit, tout point de vue ethnocentrique exprime une identité culturelle.

D'où l'idée que:

1.1 L'ethnocentrisme suppose aussi l'idée d'un dualisme entre une extériorité et une intériorité. Entre les deux, il y aurait par conséquent une distance à explorer (et par suite à exploiter):

1.1.1 L'ethnocentrisme suppose encore que les cultures ne soient observables que de l'extérieur (le mode d'accès aux autres cultures puisqu'il présuppose une extériorité se confond avec le point de vue que l'on construit sur celles-ci),

1.1.2 L'ethnocentriste est pour ainsi dire un personnage posté sur les bords de sa propre culture, situé sur une sorte de promontoire: il scruterait l'horizon culturel (on devrait dire le lointain culturel),

1.1.3 Parler d'ethnocentrisme, c'est interroger les catégories de l'emic et de l'etic que Clifford Geertz se réapproprie à la suite des propositions du linguiste-missionnaire Kenneth Pike[11]:

1.1.3.1 L'ethnocentriste-etic serait pour ainsi dire engagé dans un travail de description pure, incapable qu'il serait d'aller au-delà du stade du simple compte-rendu et par conséquent dans l'impossibilité de mettre en relation des formes observées avec une organisation culturelle de celles-ci constitutive d'un point de vue emic.

1.1.3.2 À l'inverse, si l'ethnocentrisme se caractérise par une incapacité (celle précisément d'accéder à l'émicité de l'autre en tant que membre actif d'un monde culturel), il faut admettre que celle-ci se fonde sur un point de vue emic. Autrement dit, l'ethnocentrisme croît en fonction du niveau d'appartenance à une culture donnée: l'intégration empêcherait alors de voir, de distinguer et de comprendre clairement ce qui se passe à l'extérieur, dans d'autres sociétés.

1.2 L'ethnocentriste exprime également un topocentrisme et un chronocentrisme (ce personnage regarde depuis le centre du monde, le sien, et c'est sur son "heure" que les "montres" des autres cultures doivent se régler),

1.3 L'ethnocentrisme serait en quelque sorte un mode d'inférence de l'altérité, autrement dit une façon de construire de l'autreté (cet énoncé constitue l'hypothèse défendue dans cet article),

1.4 À toute culture correspondrait un point de vue ethnocentriste, indispensable à la défense d'une intériorité: un jardin sacré culturel.

2) L'ethnocentrisme est affaire de degrés: de la hiérarchisation des systèmes de valeurs et d'actions culturels (l'humanité se compose de plusieurs niveaux) jusqu'au racisme[12] (cette différence de niveau devient le support d'un projet politique et colonialiste ou néocolonialiste), en passant par le chauvinisme (selon l'adage: ici c'est toujours mieux qu'ailleurs):

2.1 Les mesures auxquelles font appel le regard et le raisonnement ethnocentriques mobilisent tous les registres du savoir (ordinaire, politique, économique et scientifique),

2.2 Dans l'ethnocentrisme, jugements de fait et jugements de valeur se confondent à dessein.

3) L'ethnocentrisme est un concept qui marche de concert avec ceux d'authenticité et de différence: chaque culture dispose d'un contenu plus ou moins ancien (on retrouve là les thèses évolutionnistes) et les différences culturelles ne sont pas affaire de diversité (et éventuellement incommensurabilité) mais de hiérarchie:

3.1 L'ethnocentrisme fait de l'authentique une valeur temporelle: ce qui est ancien est chronologiquement exotique, éloigné, en arrière (Segalen, 1978, p.38),

3.2 Replacé dans la problématique des rapports de pouvoir entre les cultures, l'ethnocentrisme renvoie à la réalisation des effets désirés et à une affaire de quantité (Russell, 1983, p.130). (Il y aurait des ethnocentrismes colonisateurs et des ethnocentrismes colonisés, autrement dit certains seraient plus puissants que d'autres):

3.2.1 L'ethnocentrisme aurait ceci de supérieur aux autres: c'est qu'il ne se penserait pas comme tel, mais comme l'expression du seul universalisme. Occidentalité rimerait donc avec Universalité,

3.2.2 L'allocentrisme ne serait au fond qu'une variante de l'ethnocentrisme, puisque ce point de vue ferait de l'autre un faire-valoir, un pantin qu'un ventriloque occidental agiterait (Geertz, 1996, p.143).

3.3 L'ethnocentrisme a partie liée avec l'acculturation, entendue non pas comme un ensemble d'enrichissements mutuels, d'imitations, d'emprunts, de partage et de réciprocités humaines entre les cultures, mais plutôt comme un échange inégal et unilatéral entre les cultures par le jeu de mécanismes d'imposition d'un système de valeurs et d'actions visant la domination d'une culture sur les autres, par la conversion des esprits natifs à de nouvelles croyances (hier au Mexique avec la religion catholique et le culte des saints et aujourd'hui avec le néo-libéralisme et le culte du marché),

3.4 Comme l'ethnocentrisme présuppose l'existence de la diversité culturelle, il devient un moyen de cultiver cette gamme de formes de vie humaine et cette manière de voir est une façon paradoxale de lutter contre l'uniformisation culturelle, c'est-à-dire contre une volonté culturelle faisant plier les autres à ses desseins de domination[13],

3.5 L'ethnocentrisme serait pour ainsi dire une loi d'induction d'une collection plus ou moins étendue de regards ethnocentrés. L'ethnocentrisme correspondrait alors à un ensemble d'observations centrées où la culture de l'observateur jouerait le rôle de l'oeil pour la vue qui sert à voir sans se donner à voir. L'ethnocentrisme serait donc une affaire de répétition, regarder les faits culturels d'autres sociétés toujours de la même manière.

Cet ensemble de remarques en tirant sur le fil de la pelote que W.G Sumner avait d'abord enroulé comme définition de son "enfant" néologique, laisse à découvert une question: quel est le statut de la croyance dans le regard ethnocentriste ou plutôt dans le point de vue ethnocentré de l'anthropologue? En effet, dans cette "clairière", la croyance ne peut s'observer et se problématiser positivement comme fait culturel que sur ses pourtours, c'est-à-dire à l'extérieur d'elle-même. Ainsi le chercheur qui souhaiterait observer le système de croyances de la société dans laquelle il a grandi et appris les usages de ce système devrait, en quelque sorte, faire un pas un arrière pour observer celui-ci, pour voir-les-choses-en-face. Mais qu'en est-il, lorsqu'il est question de croyances appartenant au système culturel de l'autre (a fortiori lorsque celui-là semble très éloigné), puisque l'observateur tient toujours lieu d'extériorité?

C'est pourquoi je ne souhaite pas ici engager une discussion à proprement parler à propos du passionnant sujet que constituent les tenants et les aboutissants épistémologiques et heuristiques de l'observation participante et même de la participationobservante. Je voudrais plutôt soulever ici un point de réflexion sur un cas limite et de l'observation et de la position ethnocentrée et ethnocentriste: certaines formes de croyances religieuses. Est-il indispensable d'opérer un aller et retour du type observation participante pour capter le sens qui correspond à ce que visent les croyants dans l'enchaînement de leurs actions? Ou l'observation est-elle suffisante pour construire une interprétation correcte de ce qui se déroule religieusement sous les yeux de l'anthropologue?

Bien entendu et afin de dissiper tout malentendu, je ne suis pas en train d'effectuer un pas en arrière (non plus sur le plan spatial comme tout à l'heure, mais sur une échelle de temps, celle de l'histoire des méthodes des sciences sociales et humaines) consistant à remettre en cause le caractère opératoire de l'observation-participante dans le recueil de données. Ce qui m'intéresse de montrer ici c'est à quelles conditions un regard ethnocentré, c'est-à-dire sans la connaissance du système culturel logique que le regard vise, peut, malgré cet oubli, être le socle d'une interprétation convenable des faits du point de vue des acteurs qui en assurent la production. Autrement dit, à quelles conditions la description ethnocentrée est-elle inductrice d'une interprétation par-delà la barrière des présupposés et des préjugés du sens intime déployés dans un système d'actions culturelles centrées sur le religieux?

D'un autre côté, en utilisant le préfixe "anti-anti" il y a bien sûr une référence explicite au fameux article de Clifford Geertz (1999), mais il est aussi question de regarder-par-dessus-l'épaule de cet anthropologue non pas pour privilégier le point de vue ethnocentriste, mais pour pointer les errements dans lesquels tombe la critique ingénue de l'ethnocentrisme, en particulier dans ses dérives idéalistes et finalement allocentristes. Situer le point de vue de l'observateur du côté de l'anti-anti-ethnocentrisme, ce n'est pas revendiquer une forme moderne d'ethnocentrisme, mais c'est souligner l'illusion qu'il y a à croire que la solution à ce problème consiste juste à faire un pas en avant et éventuellement un autre de côté. L'ethnocentrisme serait pour ainsi dire l'oeil qui sert à voir et à regarder, mais qui lui-même serait soustrait à la vue et au regard[14].

Pour cet exercice périlleux, je propose de m'intéresser d'un côté à la communauté mennonite installée dans le nord du Mexique et de l'autre à quelques remarques fort utiles au demeurant de Ludwig Wittgenstein. Plus précisément, je vais étayer mon propos grâce à la remarquable enquête photographique de Larry Towell (2000) sur cette communauté de fidèles de Menno Simons[15] et sur une conversation entre le philosophe des Investigations philosophiques et son homologue Oets Kolk Bouwsma (2001). Il importe de préciser, même succinctement, qui sont ces gens qui déclinent leur foi au beau milieu des terres arides du Nord du Mexique. Je dois préciser par ailleurs que, depuis que j'ai commencé à voyager et à séjourner au Mexique à partir de la fin des années 80, j'ai toujours été intrigué par les quelques membres de la communauté mennonite qu'il m'est arrivé de rencontrer furtivement. Je me rappelle avoir croisé une famille au printemps de 1990 dans un hôtel du centre-ville, situé dans la calle Uruguay, où je logeai alors pour quelques jours. Ces Mennonites étaient venus vendre leurs fromages. Leur effacement et leur discrétion les rendaient paradoxalement invisibles, alors que leur uniforme communautaire composé pour les hommes d'une salopette, de sandales et d'un chapeau en paille à la manière d'humbles garçons vachers et d'une robe noire et sobre et d'un chapeau noué au cou pour les femmes trahissait leur présence insolite dans la capitale mexicaine. C'est sans doute pourquoi je souhaite maintenant leur consacrer la réflexion qui suit.

Mais d'abord quelques précisions s'imposent à propos de ces gens qui continuent à tourner le dos au progrès et à la modernité[16]. Les mennonites forment une Église protestante issue du mouvement de Réforme du XVIe. Plus précisément, il s'agit d'une congrégation évangélique qui puise, pour une part, ses fondements théologiques dans l'anabaptisme, secte apparue dans le sud de l'Allemagne autour du prêche d'un certain Thomas Muntzer. Selon cette lecture de la Bible, le baptême s'adresse à des croyants confirmés, à des adultes (17 ans et plus). Ce rituel vient confirmer l'exercice d'une foi et non en inaugurer le déroulement probable. Il est un sacrement formel du pacifisme (Towell, 2000, préface). Les Mennonites doivent leur nom au Hollandais Menno Simons (1496-1561), d'abord prédicateur catholique (son ordination date de 1524) et gagné ensuite aux thèses de l'anabaptisme. Sa révolution spirituelle le conduit à mettre en doute les dogmes de la transsubstantiation et du baptême des nouveau-nés et à s'opposer, à une époque marquée par les guerres de religion, à l'emploi de la violence. Il prône, enfin, la séparation entre l'Église et l'État. Le mouvement mennonite va se développer conjointement aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse. De cette origine géographique et paysanne, les Mennonites, aujourd'hui disséminés sur plusieurs continents (Afrique, Europe et Amérique principalement), ont gardé une langue commune, le plattdeutsch, appelé aussi plautdietsch ou encore pennsylvania dutch (aux États-Unis). Héritée du bas allemand, cette langue est traversée d'influences néerlandaises. Les Mennonites la défendent contre vents et marées, car elle est le ciment qui unit leur communauté, au même titre que les vêtements noirs que ces hommes[17] et ces femmes portent en signe de piété. C'est pourquoi ils refusent la plupart du temps de céder au bilinguisme en apprenant la langue officielle du pays dans lequel ils ont fondé leurs colonies. C'est le cas notamment en Amérique-Latine: Mexique, Bolivie, Brésil et Argentine. L'usage de cette langue les relie à la Bible qu'ils conservent en allemand.

Persécutés à cause de leurs convictions religieuses, les Mennonites de Hollande ont, tour à tour, trouvé asile au XVIIIe en Prusse-Orientale, en Pologne et en Ukraine, quand d'autres pour les mêmes raisons durent quitter plus tôt la Suisse vers la fin du XVIIe pour trouver refuge en Amérique (Pennsylvanie et Canada). C'est de cette branche mennonite nord-américaine que proviennent les Quakers de William Penn et les Amish. Chassé d'Ukraine à la fin du XIXe et surtout après la révolution russe et la répression stalinienne, un autre groupe mennonite arriva au Canada pour y fonder notamment la communauté d'Old Colony, dans la province du Saskatchewan. Mais là encore pour échapper à la scolarisation de leurs enfants et à l'intégration forcée (service militaire, impôts, etc.) et parce qu'elles étaient criblées d'amendes à cause de leur résistance à la politique des autorités d'Ottawa, plusieurs familles en faillite prirent la route du sud en direction du Mexique. En 1922, un groupe nourri d'environ sept milles personnes s'arrêta à Cuauhtémoc, dans l'État de Chihuahua. Toujours à la recherche de meilleures opportunités, les Mennonites ont depuis établi de nouvelles communautés autonomes plus au sud: dans les États de Zacatecas, de Tabasco et de Campêche[18]. Certains se sont même installés au Belize.

À l'anabaptisme, à la langue et au costume, il faudrait sans conteste ajouter un autre trait vieux de plus de 400 ans pour caractériser cette communauté de croyants: l'errance. Selon certaines sources, il y aurait dans le monde plus d'un million de Mennonites[19]. Aujourd'hui, les Mennonites du Mexique sont paysans (éleveurs et/ou cultivateurs). Pour faire face à la misère qui les touche régulièrement, certains n'hésitent pas à s'employer comme journaliers sur des exploitations canadiennes, le temps d'une récolte ou d'une moisson. Les Mennonites revendiquent leur monolinguisme comme un instrument de leur cohésion sociale et de leur rapprochement de Dieu. Ils se détournent aussi de la modernité et de ses supposés bienfaits matériels. Une voiture, un téléphone, une télévision, une machine à laver sont autant de filtres qui brouillent l'image de Dieu. Les Mennonites refusent de payer leurs impôts, car, disent-ils, cet argent pourrait servir à financer la mort d'autres hommes. De même, certains mennonites n'acceptent pas d'être indemnisés à la suite d'un accident de travail, car ils jugent que leur corps n'est pas une marchandise et ne peut par conséquent être mis en vente (Towell, 2000). Être en bonne santé n'est pas une affaire d'argent, mais de rapport à Dieu. Ces gens de religion que sont les Mennonites peuvent nous paraître bien étranges. Mais vis-à-vis de leurs jugements nous ne sommes pas en reste non plus: nous leur sommes exotiques.

Après la présentation succincte de cette Église, je voudrais m'attarder sur quelques clichés de Larry Towell où l'on y voit des scènes de la vie quotidienne de communautés mennonites du nord-Mexique. Dans cet album de photos, ce qui saute aux yeux du lecteur ethnocentré que je suis c'est une sorte d'immense décalage entre le dénuement matériel des lieux pris dans l'objectif de Towell et les visages résolument endurcis des personnes qui posent. Dans ce monde de misère, elles semblent à leur place. Leur visage est dur, ridé, jamais grave. Ils paraissent s'accorder parfaitement avec le vieillissement ou le délabrement des espaces bâtis et avec le climat désertique qui contrarie le déroulement de la vie. C'est parce que tout y est chichement gagné sur la nature que ces photos semblent grandir l'idée de foi qui accompagne l'entreprise de ces fidèles.

Si la foi est aussi un système de croyances, à quoi peut donc bien ressembler un tel ensemble mis à l'oeuvre dans le cadre d'une communauté religieuse qui a fait de sa mise à l'écart un rempart contre les atteintes historiques portées à sa cohésion sociale? Pour répondre à ce genre de question, le point de vue pragmatiste[20] fait porter l'attention non pas sur l'essence supposée des croyances religieuses, mais sur la fonction qu'elles remplissent dans le déroulement des conduites sociales. À la suite de Charles S. Peirce (1984, p.146-147), les pragmatistes soutiennent, à juste titre, que la croyance, si elle ne déclenche[21] pas l'action, elle constitue pourtant ce qui la guide. Autrement dit, sans croyance nous ne saurions pas où aller, même si nous sommes décidés à agir. La question qui me vient à l'esprit serait non sans une certaine candeur: dis-moi, une croyance, comment ça s'observe? En d'autres termes, en quoi faut-il croire pour aller dans la bonne direction et trouver au bout de son chemin une quelconque certitude, même passagère d'un itinéraire inachevé comme celui des Mennonites. Une question triviale par son simplisme brûle alors mes lèvres comme le soleil de Zacatecas[22]: comment les mennonites du nord-Mexique parviennent-ils à endurer des conditions de vie aussi adverses qui les installent dans une pauvreté chronique et parfois extrême? Leur foi serait-elle tout, au point que les réponses à une telle question ethnocentrée ne pourraient même pas s'écarter d'une telle totalité?

Il me semble que l'une des clés pour répondre à cette question maladroite tient à un commentaire soitditenpassant de Ludwig Wittgenstein adressé à son ami, Oets Kolk Bouwsma, lequel rapporte cet échange dans les termes suivants:

"Au moment où nous nous approchions de la voiture, il m'a demandé si j'avais eu un jour des contacts avec les mormons. Ils le fascinaient. C'est une belle illustration de ce que la foi peut faire. Quelque chose prend racine dans le coeur. Mais les comprendre! Il est requis, pour les comprendre, de ne pas être trop fin. On doit être obtus pour les comprendre. Il a comparé cela au besoin de grosses chaussures pour traverser un pont qui aurait des fissures. On ne doit pas poser de questions." (Bouwsma, 2001, p.39)

Cette réflexion de promenade de l'auteur du Tractatus est intéressante à plus d'un titre. Il faudrait déjà commencer par remplacer le terme "mormons" par celui de "mennonites", ce qui somme toute, au regard d'une histoire des religions et d'une anthropologie religieuse, n'est pas une idée péchant par un excès d'hérésie. Avec cette substitution, les éléments du problème se disposent sur le terrain de la réflexion: une communauté religieuse et agricole plutôt repliée sur elle-même et tracassée par les administrations des pays où elle a décidé de vivre; une recherche sans renoncement de la Terre Promise quitte à devoir s'installer sur des terres que même les animaux fuient; et une obstination dans cette quête de paix qui frôle les limites de la pathologie collective.

C'est évident, pour espérer comprendre l'ethos de cette communauté, pas besoin d'échafauder une interprétation toutes de nuances. Tout est montré, il n'y a pas de sens caché. Il faut alors imaginer que seules de grosses chaussures, un bleu de chauffe et une absence de l'idée même du besoin matériel permettent de vivre et de travailler sur des terres aussi ingrates. Voilà à quoi ressemble la foi des Mennonites. Pour comprendre la force de cette foi inébranlable, il faut avoir en tête l'image d'un paysan borné, têtu, superstitieux au point d'avoir chassé le doute une bonne fois de son esprit. Dieu décide et réfléchit et l'homme, son serviteur, agit en toute crédulité conformément au dessein divin qu'il est bassement chargé de mener à bien. Pour comprendre cette foi, il faut imaginer un homme heureux de courber l'échine, de s'incliner, de remettre son sort et celui des siens au sort de la Providence. Il y a dans cet aveuglement toute la confiance que l'homme qui croit est capable de manifester pour son seigneur, le seul, au point d'effacer de ses soucis sa propre existence, de biffer sa propre individualité d'un futur divin tracé peut-être pour d'autres que lui. La foi du mennonite ni n'attend, ni ne mérite de récompense divine. Elle est une façon naturelle de vivre. Le mennonite peut continuer à souffrir les pires tracas, à s'appauvrir, à errer sur les routes de la Terre Promise, Dieu reste la seule certitude qui rend sa vie adulte et c'est pour cela qu'il la baptise à la gloire de son seigneur.

Ce qui est dérangeant à l'envi dans cette interprétation c'est sa forte dose d'ethnocentrisme, car après tout, en parlant des Mennonites dans ces termes, je n'ai fait qu'évoquer de façon caricaturale un point de vue chronocentré (la modernité versus la tradition), une façon de vivre paysanne et qui correspond assez bien à l'histoire de France. L'obstination des paysans est à la fois une représentation citadine, c'est-à-dire dominante, des modes de vie campagnards et l'expression d'une crainte devant la manifestation numineuse du sacré. Dans cette lecture de la foi mennonite, il n'y a rien qui puisse la valoriser au regard par exemple d'une démarche consistant à mettre en relief l'autre dans sa culture comme pour rétablir une vérité trop longtemps tenue cachée: le mérite de sa forme de vie. Souvent l'obstination rime avec la stupidité, l'entêtement avec la consanguinité et la foi avec l'aveuglement. Mais il s'agit de préjugés et d'association de préjugés.

Je crois pourtant que, comme le dit L. Wittgenstein à propos des Mormons, les Mennonites traversent un pont en mauvais état et qu'ils préfèrent porter des sabots plutôt que des chaussures vernies. Sans leurs croyances dans l'anabaptisme, leur amour de la paix, leur farouche indépendance, leur attachement à la terre et au Christ, ils ne pourraient pas vivre dans des contrées aussi inhospitalières, car le doute les envahirait: "Que faisons-nous ici?" se demanderaient-ils inlassablement. Lorsque je regarde les photos de Larry Towell, je suis pour ainsi dire un ethnocentriste qui ne s'ignore pas: je vois ces gens disciples de Menno Simons comme des paysans de chez nous comme on en fait plus; ils n'ont pas de vérités à garder secrètes, leur obstination dit ce qu'ils sont et ce qu'ils font dans le nord du Mexique. C'est dans cet aveuglement, cette foi totale que réside toute l'authenticité de la communauté mennonite que par sociocentrisme plus que par ethnocentrisme nous ne voyons pas comme telle. Ce sociocentrisme renvoie aux concepts d'habitus (une disposition à agir, à penser et à sentir) et de doxa, une croyance qui s'ignoreen tant que telle: le mépris ethnocentriste pour juger d'avance les autres cultures est aussi un mépris qui décrit un rapport de classes et une appartenance à une classe sociale. On pourrait ajouter à cet ethnocentrisme, une forme de chronocentrisme, où la modernité athée et post-spirituelle servirait pour ainsi dire de promontoire à l'observation de la tradition et des atavismes religieux supposés des Mennonites. L'ethnocentriste pense que regarder les Mennonites, c'est y découvrir, au beau milieu du Mexique,un passé paysan révolu, le sien. Pourtant, ce qu'il prend pour un défaut est précisément ce qui qualifie leur système de croyances.

L'ethnocentrisme serait au fond une sorte d'incapacité à voir clairement le système de valeurs et d'actions qui sert de référence à l'observateur, parce qu'il s'agit de sa propre culture. Comme pour une paire de lunettes posée sur le nez de celui qui en a besoin, il finirait par oublier que sa propre culture lui sert à comparer les autres cultures et à mesurer la distance qui les sépare de son propre système de référence. L'ethnocentriste considère qu'il existe une distance entre les cultures et c'est pourquoi il se propose d'en mesurer la longueur. Mais il est incapable de mesurer la distance qui le sépare de sa propre culture. C'est pourtant dans le balayage de cet écart que se construit le regard anthropologique. C'est peut-être dans son propre dépaysement et au contact de sa propre étrangeté que la force du comparatisme ethnocentriste viendrait à voir ses fondements culturels se craqueler dans la pensée de l'anthropologue.

Philippe Schaffhauser

Notes:

* - Cette citation est de moi-même: il m'a semblé un peu prétentieux de mentionner mon nom, car cette brève remarque fait référence à une note de terrain un peu éparse consignée dans un carnet.

1.- Ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que la discipline sociologique ne soit pas traversée de part en part par ce mode de penséeque, faute de mieux, j'appellerai sociocentrisme. Cette question n'a seulement jamais été au coeur de la réflexion sur la constitution de la science sociologique.

2.- En toute bonne foi, il faudrait attribuer au travail du naturaliste Charles Darwin un qualificatif plus approprié comme évolutionnisme malthusien afin de bien insister sur l'idée que le fondement de l'évolutionnisme n'est pas le biologique mais relève au contraire de l'économie politique, c'est-à-dire du domaine des sciences sociales. La nature servant de détour pour justifier un ordre social, politique et économique devenant pour ainsi dire naturel. Du reste, à dire vrai, on ne sait plus très bien si c'est l'évolutionnisme social qui ne servirait pas au bout du compte de paradigme à la théorie sur l'évolution des espèces. On notera au passage l'incapacité intellectuelle des évolutionnistes à interroger la place du hasard dans leurs récits sur l'enchaînement des formes de la vie naturelle et humaine.

3.- Quand on songe à la vue et à l'angle de vue, il est clair que l'oeil ou la caméra n'en font pas partie. Ils ne sont certes pas observables, mais ils sont à tout le moins problématisables. Du coup l'ethnocentrisme n'est plus l'expression d'une vérité douteuse - le monde est réellement ainsi fait - mais il représente une forme de pensée à étudier ou plus précisément l'indicateur d'une forme de pensée à étudier.

4.- C'est du reste un peu ce qui se produit aujourd'hui en France avec la plupart des sociologues "spécialistes du développement social et/ou local", objet de recherche vis-à-vis duquel ces chercheurs n'entretiennent aucune sorte de relation d'extériorité intellectuelle et surtout épistémologique. Sans distance, on finit toujours par ne plus voir ce que l'on a en permanence sous les yeux: un problème qui s'ignore.

5.- Déclin qu'illustre assez bien les Remarques sur le Rameau d'or de Frazer de Ludwig Wittgenstein qui à l'époque (les années trente du XXe) critique un collègue de Cambridge. (Bouveresse, 1982).

6.- Je reprends ici un aphorisme de Ludwig Wittgenstein pour éclairer cette idée: "Si les hommes ne faisaient pas de temps en temps des sottises, il n'arriverait jamais rien d'intelligent." (Wittgenstein, 1984, p. 67).

7.- Tout se passerait alors comme si l'ethnocentrisme ne pouvait plus se manifester que dans l'esprit profane d'un non-spécialiste de l'anthropologie ou dans le projet manipulateur d'un homme politique mâtinant ses thèses racistes ou racialistes d'un zest d'anthropologie évolutionniste, elle-même fondée sur la hiérarchisation historique et technologique des cultures. C'est un peu comme si les anthropologues avaient réussi à expulser cet alien de leur vaisseau scientifique qui se mettrait alors à flotter dans l'univers. Je note au passage le présupposé: on ne détruit pas une idée, au mieux on s'en débarrasse.

8.- Cette position montrerait à l'évidence que ces étudiants novices auraient lu comme il se doit en cours de philosophie, histoire de préparer le "bac", Race et histoire de Claude Lévi-Strauss dans lequel en gros "être ethnocentriste c'est mal!".

9.- L'ethnocentrisme dont je parle est avant tout quelque chose qui renvoie à la notion vague et certainement flottante d'occidentalité, mais dont l'emploi reste malgré tout commode pour introduire un peu de stabilité dans le raisonnement que je propose.

10.- Lorsque j'emploie le mot "culture", je le fais à la manière des culturalistes américains qui confondent volontairement cet usage avec celui du terme "société".

11.- K. Pike (1912-2000), membre de l'Institut Linguistique d'Été, a travaillé et prêché en Chine, au Mexique (où il a notamment traduit la Bible en langue mixtèque) et en Nouvelle-Guinée Papouasie. Il est aussi connu pour avoir proposé la distinction entre phonétic (phonétique en français, soit l'ensemble des sons que produit l'Homme indépendamment de leur articulation à une langue donnée. Ce point est purement descriptif) et phonemic (en français, phonologie, soit l'étude des sons constitutifs d'une langue donnée). C'est de cette distinction que proviennent les concepts d'etic et d'emic.

12.- En bonne logique lévi-straussienne, l'ethnocentrisme hiérarchise la pensée symbolique et les technologies déployées dans chaque culture. C'est par la dévalorisation explicitée de l'autre que l'ethnocentriste sur-valorise implicitement ce à quoi il appartient. Quant au racisme, il réintroduit par la biologie et aujourd'hui par la génétique la question de l'inné et de l'acquis pour expliquer la diversité culturelle. Les conduites culturelles des hommes auraient un socle biologique parfaitement identifiable, comme lorsque l'on dit des Méridionaux (sorte de branche française des Méditerranéens) qu'ils ont le sang chaud. La température de leur sang déterminerait leur caractère entier, leur agressivité spontanée, bref leur "race". Du reste, on notera au passage que l'on ne sait pas très bien quel statut prend ce genre de formulation étrange sur les liens entre le biologique et le culturel: celui d'une hypothèse à vérifier ou celui d'un postulat indémontrable, parce que les races seraient pour ainsi dire un phénomène dont on parlerait sans pour autant pouvoir l'observer par les méthodes de la science. Si ces idées se propagent autant, elles le doivent à la confusion intellectuelle sur laquelle elles reposent.

13.- Ce n'est pas moi qui soutiens cette idée originale, mais Claude Lévi-Strauss cité par C. Geertz (1999) - Et bien sûr lire directement la préface de Claude Lévi-Strauss de son ouvrage Le Regard éloigné (1983, p. 13-16) et, cela va sans dire, Race et histoire (1961, p. 19-26).

14.- L'ethnocentrisme sert à regarder, mais regarde-t-on de près ce qui, précisément, sert à regarder?

15.- Prêtre catholique du XVIe qui abjura sa foi pour rejoindre le mouvement anabaptiste. Plus tard, il créa une Église fondée sur la séparation de l'Église et de l'État, le baptême des adultes et le pacifisme. (Towell, 2000, Préface).

16.- Posséder une voiture, même une simple guimbarde, peut conduire le Mennonite qui en est le propriétaire à l'excommunication. (Towell, 2000, préface).

17.- À ce costume de circonstance, on pourrait rajouter concernant les Mennonites du Mexique, les sandales, et la traditionnelle salopette et le chapeau du farmer traditionnel qui forment l'habit de tous les jours ordinaires que Dieu célèbre de sa bonté.

18.- Tout se passe pour les Mennonites comme si la Terre Promise était celle d'après, celle à laquelle ils ne pourraient jamais accéder, car dès qu'ils s'installent sur une nouvelle terre, les ennuis commencent.

19.- Selon une page du site de l'Université de Laval au Québec (www.tlfq.ulaval.ca) consacrée aux Mennonites, il y aurait 1.203.995 membres des églises mennonites réparties dans 63 pays.

20.- En toute logique, il vaudrait mieux dire les points de vue pragmatistes qui partagent entre eux un air de famille selon l'expression fameuse de Wittgenstein.

21.- C'est le doute qui remplit cette fonction dans le processus de recherche (Chenu, 1984: 146-147).

22.- Au cours des années 90, la communauté mennonite de La Batea située dans l'État de Zacatecas a subi 4 années de complète sécheresse. La population était alors de 850 personnes.


Références bibliographiques:

Bouveresse J. L'animal cérémoniel Wittgenstein et l'anthropologie, Lausanne: L'Âge de L'Homme, coll. le bruit du temps, 1982.

Bouwsma, Oets Kolk, Conversations avec Wittgenstein (1949-1951), traduit de l'anglais par Layla Raïd, Marseille: Agone Comeau et Nadeau, coll. Banc d'essais, 2001.

Geertz, Clifford. Ici et là-bas. L'anthropologue comme auteur, Paris: Métailié, 1996.

Geertz, Clifford. Anti-antirelativismo, in Los usos de la diversidad, Barcelona: Paidós, 1999.

Lévi-Strauss, Claude Le Regard éloigné, Paris: Plon, 1983.

Lévi-Strauss, Claude. Race et histoire, Paris: Éditions Gonthier, Unesco, 1961.

Merton, Robert King Éléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Armand Colin, 1997.

Peirce, Charles S. Textes anticartésiens, présentation et traduction de Joseph Chenu, Paris: Aubier, 1984.

Russell, Bertrand Antología, México: Siglo XXI, 1983.

Segalen, Victor. Essai sur l'exotisme, Paris: Fata-Morgana, 1978.

Sumner, William Graham. Darwinism social: essais choisis de William Graham Sumner, Falaise d'Englewood, New Jersey: Pentice Hall, 1963.

Sumner, William Graham. "Les Indiens en 1887" forum 3 (mai 1987): 254-262.

Towell, Larry Les Mennonites. Un essai biographique, Paris: Phaidon, 2000.

Wittgenstein, Ludwig. Remarques sur le Rameau d'or de Frazer suivi de J. Bouveresse L'animal cérémoniel Wittgenstein et l'anthropologie, Lausanne: L'Âge de L'Homme, coll. le bruit du temps, 1982.

Wittgenstein, Ludwig. Remarques mêlées, Paris: Éditions TER, 1984.


Notice:
Schaffhauser, Philippe. "En regardant les Mennonites au Mexique: anti-anti-ethnocentrisme d'ici et de là-bas", Esprit critique, Hiver 2004, Vol.06, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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