Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Automne 2003 - Vol.05, No.04
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Hors thème
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Article
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L'échange marchand réenchanté: du marché autorégulé aux marchés encastrés
Par Sébastien Plociniczak

Résumé:

À partir des travaux de Karl Polanyi et Mark Granovetter sur le marché, l'article suggère que la réalité économique des marchés ne correspond pas à la représentation atomisée offerte par la figure de la concurrence pure et parfaite où une foule d'anonymes s'oriente vers un espace abstrait où les prix sont affichés par un être fantomatique, le commissaire priseur. Contrairement à la représentation économique standard du marché, le marché autorégulé mis en évidence par Karl Polanyi laisse place aux marchés encastrés. Cette démarche contextualiste, qui est également celle de Mark Granovetter, tend à mettre à jour l'immersion des relations marchandes au sein des processus sociaux que sont les réseaux de relations sociales, dispositifs de l'organisation sociale habilitant et contraignant l'échange économique.
Classification JEL: A12, A14, B52, P00

Abstract:

From self-regulated to embbeded market: The social embeddedness of economic relations

From Karl Polanyi and Mark Granovetter studies about markets, this paper stresses on the fact that reality of markets does not correspond to the atomized representation offered by the figure of the pure and perfect competition where a crowd of anonymities are directed towards an abstract space in which the prices are put up by a ghostly being, the auctioneer. Contrary to the conventional economic market approach and the self-regulated market argument highlighted by Karl Polanyi, Mark Granovetter defends the idea of an embedded market within networks of social relations. This contextualistic framework tends to update the embeddedness of the market relations within networks of social relations, devices of the social organization entitling and restricting the economic exchange.

Auteur:

Allocataire-moniteur de recherche, Centre d'Economie de l'Université Paris Nord (CEPN), Laboratoire Institutions, Innovations et Dynamique Economique (IIDE).

Remerciements:

Je tiens à adresser mes remerciements à Messieurs les professeurs O. Weinstein et P. Steiner pour leurs précieux conseils lors de nos discussions ainsi qu'à D. Mabillot pour sa précieuse relecture du présent texte.


"Plus un système vivant est autonome, plus il est dépendant (...). L'autonomie est à la mesure de la dépendance (...). Le concept d'autonomie est avant tout relatif et relationnel (P. Vendryès)".
Jacques Robin, Changer d'Ere, (1989 p. 204)

Introduction

          L'analyse de l'action économique ne peut se passer d'une intégration pleine et effective des cadres relationnels et des structures institutionnelles sans lesquels elle ne pourrait se déployer. Kenneth Arrow [1987] lui-même reconnaît quela rationalité n'est pas une propriété de l'individu isolé car elle tire non seulement sa force, mais sa signification même du contexte social dans lequel elle est ancrée. Plus récemment, Arrow [1998] a avancé l'idée que porter une attention plus soutenue à la structure sociale de l'économie pourrait révéler un principe général selon lequel les croyances et préférences peuvent êtres le produit d'interactions sociales non médiatisées par les prix et les marchés. Ce constat fait partie de l'une des multiples réflexions qui animent un débat initié depuis maintenant une quinzaine d'années, celui de l'"encastrement" (embeddedness) des échanges économiques au sein de structures sociales formelles et informelles[1].

          Derrière ce concept englobant d'encastrement se cachent néanmoins des réalités plurielles qui ne doivent pas être confondues. Face à l'hétérogénéité des travaux portant sur ce thème, notre attention s'est portée sur la contribution de Mark Granovetter dont la thèse peut être énoncée simplement comme suit: l'action économique est "modelée et contrainte par la structure de relations sociales dans lesquelles tout acteur économique réel est inscrit" (Granovetter, [1994, p. 81]). Cette thèse prend comme point de départ une double critique: d'une part, la remise en cause du marché et de la société de marchéappréhendée comme un système institutionnel spécifique, et d'autre part, la critique de la théorisation et de la représentation du marché dans la théorie économique, et plus particulièrement dans la vision néoclassique et walrassienne.

          Rapportée aux réseaux de relations sociales, la notion d'encastrement doit permettre, selon Granovetter, d'offrir une représentation plus convaincante de la réalité des marchés. Chose qu'il réussit selon nous en mettant en évidence, de manière novatrice, le soubassement social de l'échange marchand. Afin de justifier cette intuition, l'objectif de ce texte est de caractériser les modalités (sources, mécanismes et résultats) de cet encastrement tout en démontrant en quoi et pourquoi la mise en perspective du soubassement social de l'échange marchand proposée par Granovetter mérite une attention des plus soutenues concernant l'analyse des marchés.

Encastrement / Désencastrement polanyien

          C'est à Karl Polanyi que l'on doit l'introduction du terme d'encastrement dans le champ économique. Se proposant d'expliciter l'évolution des rapports entre les formes économiques et l'état de la société dans le temps et dans l'espace, Polanyi examine les institutions concrètes qui structurent les économies empiriques. Cette quête a pour effet de lancer un défi connu sous le nom d'encastrement, métaphor[2] consistant à intégrer les faits économiques à l'intérieur des faits sociaux[3]. Promenant son regard sur plus de trois millénaires d'histoire, Polanyi expose le passage de sociétés, au sein desquelles le système économique n'est qu'accessoire, quasi-insignifiant, vers une société autorégulée par l'échange marchand. Le cadre conceptuel élaboré montre que dans les sociétés préindustrielles, le système économique n'apparaît être qu'une simple fonction de l'organisation sociale. Ces sociétés, non réglées par le marché, sont intégrées selon différentes formes institutionnelles[4]. D'après Polanyi, l'échange marchand n'est en fait resté jusqu'au 19e siècle "qu'un trait secondaire de la vie économique" (Polanyi, [1983, p. 72]), le système économique étant submergé et absorbédans les relations sociales. Or, pour que l'échange marchand ait un effet intégratif sur la société, il est nécessaire que la structure institutionnelle soit le marché autorégulateur. C'est au mécanisme des prix que revient la tâche d'assurer l'ordre dans la production et dans la distribution des biens. Dans cette perspective, la relation entre l'échange marchand et les institutions le supportant impose de liquider les règles sociales et les institutions qui contraignent la définition de tout produit comme marchandise. Dans ce modèle institutionnel, les relations sociales passent sous le diktat des forces économiques et la sphère de l'économie se sépare et se différencie de la société, qui devient soumise au marché, "un appendice du système économique" (Polanyi, [1983, p. 111]).

Remise en cause de la thèse de désencastrement

          Alors qu'une bonne part du projet polanyien se fonde sur la reconnaissance d'une coupure forte entre la non-modernité et la modernité, qui tenterait d'instituer une autonomie (utopique?) des relations économiques, Granovetter, au contraire, dénonce le caractère excessif et radical de cette thèse. Concevant les choses d'une manière moins tranchée, l'encastrement des actions économiques au sein de relations sociales aurait été, en fait, moins élevé dans les sociétés primitives que ne l'affirme la positiond'"encastrement fort" de Polanyi[5], quant à l'aspect radical du changement, celui-ci aurait été de moindre importance (Granovetter, [1985, p. 482-483])[6]. Dans cette perspective, il devient, conformément à l'approche économique orthodoxe, inutile de chercher un impact quelconque de la transition vers la modernité sur le niveau d'encastrement, de voir une nette fracture entre la structure institutionnelle des anciennes et nouvelles sociétés. Toutefois, faisant valoir sa différence avec la position d'"encastrement faible" de la théorie économique conventionnelle, Granovetter soutient que l'encastrement des comportements économiques au sein de relations sociales a toujours été plus substantiel et demeure, au sein des sociétés contemporaines, une donnée irrésistible car il en assure le fonctionnement. Se situant de plein pied dans les sociétés contemporaines, notre auteur franchit donc le pas de prolonger la thèse de l'encastrement au-delà de la période pré-capitaliste retenue par Polanyi. Si la révolution industrielle n'a pas créé le marché autorégulé présupposé par Polanyi et si celui-ci ne constitue pas une sphère d'activité autonome, un vide social, et si par conséquent les relations marchandes demeurent encastrées dans le social, comment Granovetter parvient-il à caractériser cet encastrement social puisqu'il dépasse tout cadre historique déterminé? En d'autres termes, comment précise-t-il les modalités actuelles de cet encastrement?

Encastrements relationnel et structural des échanges marchands

          Le souci théorique majeur de Granovetter est d'éviter l'atomisation des actions et décisions individuelles de la représentation walrassienne du marché. Pour ce faire, il se positionne à un niveau théorique intermédiaire entre deux cas polaires qu'il nomme "sous et sur- socialisées"(Granovetter, [1985, p. 483-487]). La vision sous-socialisée de l'action est stigmatisée par un être égoïste, autonome, guidé par la seule recherche de son intérêt personnel. L'action de cet être générique est atomisée: disposant de moyens supposés rares, il doit parvenir à les combiner avec habileté afin de les utiliser pour en tirer un avantage maximal. Ce comportement type suppose de la compétition entre les acteurs et ce faisant un lieu où se joue cette concurrence. Ce lieu considéré comme un idéal est précisément le marché autorégulateur au sein duquel le prix contient généralement l'information nécessaire permettant de prendre des décisions efficientes. La condition nécessaire et suffisante pour que ce marché de concurrence pure et parfaite soit effectif est "la loi de l'indifférence" [Jevons, 1931], c'est à dire l'impersonnalisation de l'échange[7]. Granovetter [2002, p. 39] s'érige contre cette représentation sous-socialisée qui conduit "à une conception néo-hobbesienne des relations du marché comme désagréables, brutales et éphémères". En demeurant fidèle à une inspiration parétienne selon laquelle l'originalité du cadre social ne pourrait être appréhendée qu'au niveau de l'aspect "non logique" des systèmes d'actions, selon la conception sur-socialisée, les acteurs suivraient mécaniquement, via un processus de socialisation et d'intériorisation des schémas comportementaux, ce que leur dictent des forces externes (valeurs, normes et coutumes), qui s'imposeraient par consensus, indépendamment de toute référence à un quelconque choix rationnel. Dans les faits, le grand écart opéré par les conceptions sous- et sur-socialiséesconvergent ironiquementvers une représentation de l'action et de la décision économique atomisée, faisant l'impasse sur les relations sociales réellement existantes[8]. Ces deux cas extrêmes, où les relations sociales courantes n'affectent guère l'action et la décision des acteurs n'ont, de l'aveu même de Granovetter [1993, p. 106], que peu de choses à nous apprendre sur le fonctionnement actuel de la vie économique.

          Récusant les dualismes cristallisés au sein des visions sous- et sur-socialisées, Granovetter [1985, p. 487] affirme que "les acteurs ne se comportent pas, et ne prennent pas leurs décisions, comme des atomes, indépendants de tout contexte social, pas plus qu'ils ne suivent docilement un scénario, écrit pour eux et qui serait fonction de l'ensemble des catégories sociales auxquelles ils appartiennent". La posture choisie par notre auteur afin d'éviter ce piège conceptuel et théorique est de se positionner à un niveau "intermédiaire", "à mi-chemin" entre elles. Moins mécanique que les approches sous et sur-socialisées, mais aussi plus ardue, la thèse de l'encastrement "modérée" de Granovetter s'intéresse à la façon dont "les actions (que les acteurs) entreprennent pour atteindre un objectif sont encastrées dans des systèmes concrets, continus de relations sociales" (Granovetter, [1985, p. 487]) qu'il convient d'identifier et d'analyser[9]. La conséquence théorique centrale de la (re)définition de l'encastrement en terme de tissu de relations sociales est alors de ne plus prendre comme point de départ de l'analyse l'agent isolé mais les interactions entre ces agents pris dans un contexte social plus large. Ce contexte renvoie au réseau de relations sociales[10]. La conséquence empirique majeure est quant à elle que la réalité des marchés ne correspond pas à la représentation atomisée offerte par la figure de la concurrence pure et parfaite[11].

          Ce qu'est la réalité de la vie économique doit être bien plus qu'un simple aller-retour anonyme sur la scène marchande car le contexte social s'entrelace autour des actions et des transactions économiques: les agents économiques peuvent entretenir des relations sociales plus ou moins durables, diverses et variées (clients fidèles, amis, appartenance au même club, à la même communauté ethnique, etc.) et se connaître plus ou moins intimement. Si tel en est le cas, le contexte social où s'inscrit l'échange marchand devient fondamental pour d'objectiver la réalité économique car il permet de relier cet échange à son cadre sociétal. Ce contexte recouvre d'une part, les opportunités et les contraintes associées aux relations sociales bilatérales des agents et d'autre part, les opportunités et les contraintes que fait peser sur eux l'architecture des réseaux à l'intérieur desquels ils réalisent leurs transactions. Ce sont ici les deux faces de la notion d'encastrement qui se dégagent, sa dimension relationnelle et sa dimension structurale.

          L'encastrement relationnel d'un acteur renvoie à l'influence directe qu'exercent les relations bilatérales qu'il a développées dans le temps au travers de ses interactions répétées avec d'autres. Cette influence se diffuse notamment au niveau des attentes qui se développent entre les agents économiques[12]. Le travail d'Alan Kirman [2001] sur le marché marseillais du poisson révèle par exemple que la fidélité des acheteurs envers leurs vendeurs constitue une caractéristique forte de ce marché. Bien que cette forme d'encastrement permet d'éviter l'atomisation des acteurs, elle risque cependant de mener à une "atomisation dyadique" [1990, p. 101], sorte de réductionnisme qui consiste à s'intéresser aux relations entre deux acteurs, à un niveau bilatéral, sans porter de regard sur la manière dont ces relations sont elles-mêmes encastrées dans des structures d'ordre supérieur. Ce qui est crucial pour l'analyse des marchés est de parvenir à replonger les relations bilatérales à l'intérieur des réseaux au sein desquels les acteurs sont situés. L'encastrement structural le permet. Celui-ci met en évidence l'existence de "contacts dyadiques mutuels (...) connectés à d'autres" (Granovetter, [1992, p. 35]), ce qui signifie que "l'action et les résultats économiques, comme toute action et résultats, sont affectés par les relations dyadiques (par paires) et par la structure d'ensemble du réseau de relations" [1992, p. 35]. Ainsi prétendre analyser une relation d'échange bilatérale sans saisir comment elle est elle-même encastrée dans un ensemble plus étendu de relations ne nous donne pas la pleine imaged'une relation d'échange bilatérale, et ce faisant ne nous éloigne guère des approches sous et sur-socialisées car, dans ce cas, "l'atomisation, loin d'avoir été supprimée, (est) simplement transférée au niveau de la dyade" (Granovetter, [1985, p. 487]). Il devient dès lors crucial de comprendre, comment cette relation est encastrée dans un plus vaste réseau de relations. Ainsi d'après Granovetter [1993, p. 26]: "nous avons besoin d'une inspection rigoureuse de la configuration exacte des relations sociales sur un marché avant que nous puissions comprendre la nature dyadique des liens".

          Ce qui est consubstantiel tant à l'encastrement relationnel que structural est l'inscription temporelle des relations sociales des agents. Il importe en effet d'éviter tout réductionnisme temporel qui considère les relations et les structures de ces relations comme si elles n'avaient pas d'histoire [Kirman, 1999a, 1999b]. Notre propre expérience nous prouve que dans nos relations courantes, nous ne considérons pas chaque situation comme radicalement nouvelle car nous avons toujours en nous "l'ensemble de toutes les interactions passées" (Granovetter, [1990b, p. 99])[13].

Les asymétries d'Informations au coeur des interactions du marché: encastrement et "Lemon principle"

          Pour illustrer la pertinence de la thèse d'encastrement social des relations marchandes, finissons par un exemple bien connu des économistes: le problème du "lemon principle". Celui-ci survient lorsqu'il y a inobservabilité d'une caractéristique inaltérable d'un bien ou service échangé par l'un des partenaires. Dans ce cas, le prix n'est plus un parfait signal de la valeur du bien puisque pour un prix identique, il est tout à fait possible d'obtenir des biens de qualités différentes. Le prix Nobel d'Économie 2001 - avec Stiglitz et Spence - George A. Akerlof [1984] a mis en évidence ce problème de prise de décision dans un large éventail de contextes comme le marché des voitures d'occasion (acheter ou non une voiture d'occasion) ou l'assurance (accepter ou non d'assurer un individu) en situation d'asymétrie d'informations (les vendeurs connaissent mieux que les acheteurs l'état du véhicule, l'assuré mieux que l'assureur l'état de santé de l'assuré). Dans ces cas de figure spécifiques mais dont le degré de généralité est élevé le marché ne permet plus d'aboutir aux résultats usuels de la théorie économique conventionnelle, en termes d'optimalité ou même d'efficacité.

          Considérons l'exemple du marché des voitures d'occasion. Si les acheteurs ne peuvent observer que de manière imparfaite la qualité des voitures qu'ils désirent acquérir, les vendeurs ont alors tout intérêt à surestimer la qualité des voitures afin de vendre au prix le plus élevé possible. Les acheteurs ne peuvent donc ni avoir confiance dans les déclarations du vendeur concernant la qualité du bien qu'il vend ni en déduire qu'un prix élevé signifie que le bien est de qualité. En conséquence les vendeurs de voitures de bonne qualité qui valent effectivement un prix élevé peuvent être dans l'impossibilité de vendre leur véhicule à leur véritable prix dans la mesure où les acheteurs son suspicieux quant à la qualité des biens qu'ils vendent. Une conclusion fondamentale du travail d'Akerlof consiste à démontrer que sur ce marché, le volume d'échange sera inférieur à ce qu'il aurait été si les informations avaient été distribuées d'une manière symétrique. Ce marché peut même ne plus exister du tout alors que des vendeurs et des acheteurs existent et seraient prêts à effectuer des transactions. Le marché fait donc problème puisque le mécanisme des prix ne suffit plus à fournir l'information pertinente pour les différents acteurs. Les prix ne peuvent plus jouer leur rôle régulateur supposé par la représentation walrassienne du marché que pour autant qu'aient été préalablement déterminées les qualités des biens soumis à l'échange, ce qui suppose de fortes institutions. Les conséquences sont d'une part néfastes pour les acheteurs mais aussi pour les "bons" vendeurs qui disposent de produits de bonne qualité et qui ne peuvent le signaler gratuitement de manière crédible.

          La réalité de la vie économique fait que ce cas figure est loin d'être l'exception, il est la règle. Or, si les acheteurs sont conduits à s'interroger sur le comportement des offreurs, comment parviennent-ils alors à connaître la qualité effective leur permettant d'échanger? Comment rendre possible l'action rationnelle au sein d'un tel environnement incertain?Les travaux de la théorie des jeux révèlent que dans une telle situation connue sous l'appellation de "dilemme du prisonnier" les agents sont soit amenés à prendre des décisions individuellement rationnelles mais collectivement sous-optimales. Ce dilemme illustre "en modèle réduit, et saisit avec une netteté remarquable la question (...) à savoir comment la coopération émerge t-elle entre des individus égoïstes?" (Cordonnier, [1997, p. 61]). En situation d'interaction, les acteurs peuvent adopter deux types de comportements: un comportement coopératif ou un comportement non coopératif. Rappelons le jeu. Un magistrat tient deux suspects ayant commis un vol à main armée mais ne dispose d'aucune preuve solide pour inculper l'un des deux. Il choisit donc de convoquer les deux malfrats pour obtenir leurs aveux. Cette stratégie a pour but de faire inculper l'un d'eux (imaginons pour une peine de vingt années de prison), si elle échoue, les deux hommes ne seront poursuivis que pour simple détention d'armes à feu (six mois de prison). Cette peine eu égard à celle que l'un encourt pour meurtre peut être considérée, si nous nous situons du point de vue des deux hommes, comme une récompense Rde leur coopération mutuelle (de ne pas avouer). Si les deux hommes avouent, le magistrat leur promet une peine de deux années de prison pour attaque à main armée. Toujours du point de vue des deux malfrats, nous pouvons l'interpréter comme une perte P de leur non coopération mutuelle. Par contre si l'un avoue il sera relaxé. En trahissant son complice, il obtient une prime T par rapport à l'autre homme qui sera jugé coupable de meurtre (pour lui cela équivaut à une sur-perte S). Après avoir pris connaissance de ces alternatives, les deux hommes sont placés isolément dans deux cellules où ils ne peuvent communiquer. Deux attitudes sont alors possibles, une coopérative qui consiste à ne pas avouer et une non coopérative, avouer. En fonction des peines de prison encourues, les deux hommes établissent une hiérarchie des gains, celle-ci prend la forme suivante: T > R > P > S. Il y a effectivement dilemme pour trois raisons: chacun à intérêt à trahir l'autre, puisque les gains de la trahison sont supérieurs à la récompense (T > R); la coopération mutuelle est préférable à la non coopération mutuelle car la récompense est supérieure à la perte (R > P); la non coopération mutuelle apporte plus par rapport à la sur-perte obtenue lorsque l'un est trahi (P > S). Un tel jeu conduit donc nécessairement à des attitudes non coopératives si chaque joueur choisit de faire valoir ses propres intérêts, ce qui correspond à la non coopération mutuelle.

          Pourtant et heureusementpour nous, les situations présentées par la théorie des jeux se vérifient peu dans l'expérience. Les agents parviennent tant bien que mal à coordonner leurs actions, à s'entendre, à engendrer des stratégies mutuellement avantageuses. La raison en est que, dans la réalité tant les rencontres que les échanges marchands, ne se font pas dans un vide social mais en contexte. C'est précisément à ce niveau que la thèse de l'encastrement permet de proposer une alternative théorique qui repose sur l'identification du réseau de relations sociales qui relient les intervenants sur le marché. Apparaissent dans cette perspective les relations directes entre échangistes.

          Une étude assez récente [DiMaggio et Louch, 1998] démontre dans cette perspective que plus de la moitié des consommateurs américains, confrontés au "Lemon principle", passent par des relations amicales pour acheter des voitures d'occasion à un particulier[14]. Deux canaux par lesquels de telles relations influent sur l'acte d'échange, en réduisant l'incertitude qui lui est associée, sont distingués. Tout d'abord, les acteurs peuvent mobiliser leurs relations sociales afin d'identifier et évaluer les vendeurs potentiels avec qui ils n'ont aucune relation étroite, ce que DiMaggio et Louch nomment "recherche encastrée" (search embeddedness)[15]. C'est un tel processus de recherche encastré que Lucien Karpik [1989] met en évidence dans son étude sur les relations économiques entre les avocats et leurs clients. La relation économique est ici encastrée au sein de ce qu'il nomme les "réseaux-échanges" et les "réseaux-producteurs". Les "réseaux-échanges" sont formés de relations interpersonnelles tissées tant par l'avocat, qui tente de canaliser une clientèle, que par le justiciable qui recherche un professionnel du droit pour défendre sa cause. Les "réseaux-producteurs" quant à eux parcourent l'ensemble de la profession et reposent sur un ensemble extensif de relations interpersonnelles (amicales, associatives, politiques, etc.) qui pourvoient des informations sur le "prix juste", produisent des normes, des règles informelles concernant les pratiques d'honoraires typiques. Selon Karpik [1989, p. 197], ces "réseaux définissent une forme d'échange économique qui ne peut fonctionner que par la relation sociale", par le jugement. L'autre canal repéré par DiMaggio et Louch consiste pour un consommateur à choisir les vendeurs avec qui ils possèdent des liens non économiques préalables à la transaction, méthode dénommée "recherche encastrée dans le réseau" (within network embeddedness)[16].

          Si le travail des deux auteurs met bien en lumière le rôle des réseaux de relations interpersonnelles lorsque les biens (voitures d'occasion / voitures neuves) posent des problèmes de définition du rapport prix / qualité, il éclaire surtout le fait que ces réseaux sont utilisés de manière ascensionnelle avec l'accroissement de l'incertitude. Tandis que celle-ci est faible dans le cas de véhicules neufs du fait de la garantie des constructeurs, elle devient bien plus forte lorsqu'une automobile est vendue par un particulier. En effet, 26,6% des consommateurs américains passent par des relations amicales pour acheter des voitures neuves, 32,8% pour un achat à un professionnel et 52,4% pour l'achat de voitures d'occasion à un particulier (DiMaggio et Louch, [1998, p. 622]).

          Ainsi, puisque les prix ne peuvent jouer leur rôle régulateur que pour autant qu'aient été préalablement déterminées les qualités des biens soumis à l'échange, les réseaux de relations sociales peuvent être considérés comme des institutions visant à réduire l'incertitude associée à l'échange marchand.

Conclusion

          Notre travail suggère qu'une intégration des cadres relationnels dans l'explication des échanges marchands tend à offrir une image des acteurs qui est à mille lieux de se conformer à l'idiot social raillé par Amartya Sen [1987]. Ce comportement type où autrui ne serait qu'une donnée exogène laisse place à "la connexion indissoluble de l'acteur avec son cadre social" (Beckert, [2000, p. 3]), à son encastrement au sein de systèmes concrets et continus de relations sociales. Loin d'être atomisés, les acteurs entretiennent des relations personnelles, tissent des liens d'amitié, et de fidélités suffisamment récurrents entre eux pour voir émerger une structure relationnelle ou viennent s'encastrer les échanges économiques. Cette mise en évidence permet donc de rompre avec l'image de l'homo-oeconomicus puisque les relations personnelles interviennent dans le fonctionnement des échanges économiques, dans le processus de construction de la sphère marchande [Plociniczak, 2003] ou, pour le dire différemment, puisque la participation au marché ne détruit pas les relations sociales.

          Si la sphère de l'économie, pour autant qu'elle se soit plus ou moins autonomisée, est partie prenante du système social, consubstantielle, alors en aucun cas l'encastrement des relations marchandes au sein des relations sociales ne doit être considéré comme un vestige du passé. Plus fondamentalement, si la société ne débute pas avec la personnalisation des relations [Simmel, 1950] et la réalité économique des échanges marchands avec le primat du lien entre les choses [Marx, 1867, Livre 1; Simmel, 1900] au détriment des liens entre les personnes, alors force est de reconnaître qu'ainsi formulé "le social" se trouve bien présent, là où tout économiste néoclassique ne peut (veut?) se l'imaginer: au sein des relations marchandes [Plociniczak, 2003a, 2003b], les réseaux de relations sociales pénétrant de manière irrégulière, et à des degrés divers, les différents secteurs de la vie économique (Granovetter, [1985, p. 491]).

          Dans cette perspective donc, ce que Granovetter veut spécifier sous l'appellation d'encastrement, est que l'organisation des marchés (Guesnerie, 1996) est fondamentalement affectée par les réseaux de relations sociales rarement pris en considération dans les arguments économiques[17]. Certes, le concept d'encastrement granovetterien peut aisément être complètement vide. Il est ainsi facile de n'en faire qu'une tautologie, un concept qui explique tout (Granovetter, [1995, p. 20]). Néanmoins, ce concept constitue un outil théorique à haute qualité heuristique permettant de penser les faits et les institutions économiques. Il n'est qu'un point de départ, une sorte de suggestion pour un programme de recherche, une recherche qui a affaire avec la complexité des interactions entre les agents économiques (Kirman, [1999a, 1999b]). Malgré cela, avec ses dimensions relationnelles, structurales, et temporelles, la thèse de l'encastrement social des relations marchandes offre l'avantage de définir précisément les éléments empiriques par lesquels ces relations sont rattachées à l'ensemble social.

          Pour finir, signalons qu'en tant qu'économiste, nous avons délibérément puisé dans la littérature sociologique pour construire les arguments de notre travail. En essayant de mettre les travaux sociologiques dans le champ des travaux économiques, nous nous sommes efforcés de montrer comment il est possible et souhaitable de traiter sociologiquement des faits économiques et plus spécifiquement du fait économique par excellence: le marché. Comme le note Akerlof[1984, p. 36]: "les frontières qui séparent la sociologie et l'économie sont loin d'être claires; [or] si des modèles économiques permettent d'expliquer des phénomènes sociologiques, alors de même le processus inverse peut se produire et des modèles sociologiques peuvent décrire des phénomènes économiques".

          En inscrivant notre travail dans la perspective de la Nouvelle sociologie économique, nous sommes convaincus que nombres d'économistes gagneraient à collaborer avec les sociologues, pour comprendre la réalité non telle qu'elle devrait être mais qu'elle est effectivement. Ce n'est en effet pas en prétendant isoler les faits économiques de l'ensemble des faits sociaux que l'économiste sera le mieux à même de les étudier... Il nous faut alors se donner la peine, lorsque nous étudions les marchés, d'examiner les formes concrètes prises par les relations qui mettent en contact les agents économiques.

Sébastien Plociniczak

Notes:
1.- Couramment traduit par "encastrement", l'embeddedness trouve d'autres synonymes, citons par exemple enchâssement, enchevêtrement, enclavement, insertion, immersion, etc. Un dialogue avec Mark Granovetter nous a permis de découvrir néanmoins que la traduction la plus appropriée du terme est "en lité". Nous nous en tenons cependant à la traduction d'encastrement car celle-ci est la plus répandue dans la littérature. C'est notamment celle-ci qui est utilisée par Isabelle This-Saint Jean dans l'ouvrage Le Marché autrement. Les réseaux dans l'économie (2000), traduisant en français certains des textes fondateurs de Granovetter.
2.- Fred Block ([2001, p. 24 note X]) suggère que ce serait de ses lectures sur l'industrie minière anglaise que Polanyi aurait tiré la métaphore de l'encastrement.
3.- Et ce, afin d'étudier et de comprendre les institutions concrètement comme des objets multi-déterminés pouvant contenir simultanément des processus sociaux variés (Polanyi, [1977, p. XlVii-XIviii]).
4.- La réciprocité, la redistribution, l'administration domestique.
5.- La position d'encastrement fort signifie que l'analyse économique contemporaine ne peut comprendre le comportement pré-capitalistique du fait de la submersion complète des motifs économiques au sein de motifs non économiques (Granovetter, [1992, p. 27-28]).
6.- Si l'on analyse en détail les structures sociales des sociétés étudiées par Polanyi, on s'aperçoit qu'il "existe (...) des sociétés préindustrielles dans lesquelles les individus sont aussi obsédés par les gains monétaires que dans les sociétés plus capitalistes (...). A l'inverse, l'étude des sociétés capitalistes montre que l'action économique n'y est pas 'désencastrée', comme le pensait Polanyi. Plutôt, les actions économiques sont encastrées de différentes manières" (Swedberg et Granovetter [1992, p. 10]).
7.- Albert Hirschman illustre parfaitement cette idée d'atomisation sociale: "Un grand nombre d'acheteurs et de vendeurs preneurs de prix anonymes disposent d'une information parfaite (...) fonctionnent sans aucun contact humain ou social prolongé entre les parties qui échangent. Sous la concurrence parfaite il n'y a aucune place pour le marchandage, la négociation, la contestation ou l'ajustement mutuel et les divers opérateurs qui contractent ensemble n'ont pas besoin d'entretenir de relations récurrentes ou continues entre eux, qui finalement les mèneraient à bien se connaître les uns les autres" (Hirschman, [1986, p. 123]). Cette idée est ancienne et trouve, de manière éclairante, ses prémisses dans un passage de La Richesse des Nations où Adam Smith [1991, p. 205-206] dénonce les liens interpersonnels qui unissent les intervenants sur le marché car il y voit un frein à la concurrence pure et parfaite.
8.- Alors que dans le premier cas, les acteurs poursuivent un objectif unique, la maximisation de leur intérêt personnel, dans le second, les schémas comportementaux sont si fortement intériorisés, que les acteurs négligent de fait toute influence directe des relations sociales réellement existantesentre les acteurs.
9.- Comme le fait remarquer Philippe Steiner [2002, p. 33], la posture choisie, si elle apparaît incontestablement séduisante est "une situation difficile [à tenir] puisqu'il n'est pas aisée de tenir une voie moyenne entre des positions tranchées, sans tomber dans un éclectisme d'assez mauvais aloi. (Néanmoins) il échappe à ce risque en rapportant l'encastrement des actions économiques aux réseaux de relations de l'acteur".
10.- Le réseaux correspond à un "ensemble régulier de contacts ou de relations sociales continues (qu'entretiennent tous les) individus ou groupes d'individus" (Swedberg et Granovetter, [1994, p. 121]).
11.- Si Adam Smith lui-même dénonçait l'influence des relations sociales sur le niveau des prix du marché c'est qu'il reconnaissaitsans doute que la conception qu'il proposait des marchés concurrentiels était incompatible avec un monde dans lequel les acteurs économiques se connaissent suffisamment entre eux pour s'entendre.
12.- Ces agents ont habituellement une histoire particulière dans une relation, "ils ont affaire l'un à l'autre dans des voies qui sont conditionnées par l'histoire spécifique de leur interaction. Une structure d'espérances mutuelles émerge, qui définit ce que sont les espérances dans cette relation particulière" (Granovetter, [1990, p. 101]).
13.- Ainsi même "si nous n'avons pas été en contact avec un individu depuis de nombreuses années, lorsque nous le retrouvons, notre relation ne repart pas à zéro, mais d'un certain nombre de connaissances et de sentiments communs, hérités du passé" (Granovetter, [1990b, p. 99]).
14.- Selon DiMaggio et Louch [1998, p. 623]: "les relations interpersonnelles jouent un rôle crucial dans beaucoup de décisions de consommations - non seulement dans le processus de recherche, mais aussi dans le choix des partenaires d'affaires".
15.- Un acheteur potentiel peut, par exemple, demander à ses amis et connaissances s'ils ont déjà acheté un bien ou service auprès de tel ou tel vendeur susceptible de répondre à sa demande. Les relations sociales activées lors de ce processus de recherche encastrée permettent d'accroître la quantité d'information disponible que le client prend en compte au sujet du produit ou du service qu'il souhaite acheter, révèle l'identité des partenaires potentiels et ce faisant, les performances antérieures de chacun.
16.- La mobilisation de telles relations sociales durables peut tendre à réduire les possibles agissements opportunistes du vendeur qui peut être peu enclin à compromettre la relation qui l'unit à l'acheteur. La relation peut être directe dans le cas où le vendeur est un vieil ami qui valorise l'amitié, ou indirecte, lorsque le vendeur est le parent d'un conjoint, pour qui la vente d'une voiture, surévaluée ou défectueuse pourrait faire encourir des représailles familiales.
17.- Il est néanmoins possible de se reporter à Montgomery [1992]; Kirman [1999a, 1999b, 2001]; Rauch et Casella [2001].

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Notice:
Plociniczak, Sébastien. "L'échange marchand réenchanté: du marché autorégulé aux marchés encastrés", Esprit critique, Automne 2003, Vol.05, No.04, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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