Esprit critique - Revue internationale de sociologie et de sciences sociales
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Automne 2003 - Vol.05, No.04
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Dossier thématique
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Article
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Femme camerounaise cherche mari blanc: le Net entre eldorado et outil de reproduction
Par Hugues Draelants et Olive Tatio Sah

Résumé:
L'article décrit les pratiques de drague des "tchatcheuses" camerounaises en vue de trouver via Internet le conjoint idéal, dont le prototype est un homme blanc et riche. Cette étude de cas est précédée d'une brève contextualisation et historicisation de ces pratiques qui s'inscrivent dans le cadre de ce qu'on appelle le mariage par correspondance, sujet très peu documenté dans la littérature sociologique francophone. L'article fait ainsi le point sur une série de résultats de recherches en langue anglaise portant sur ce phénomène dit de "mail-order bride", en soulignant la manière dont les auteurs ont problématisé sociologiquement la question.

Auteurs:

Hugues Draelants est sociologue, diplômé de l'Université de Louvain (UCL) en Belgique. Il travaille comme chercheur au Girsef (UCL) où il poursuit actuellement un doctorat en sociologie.

Olive Tatio Sah est licenciée en philosophie et sciences sociales et maître en sociologie de l'Université de Yaoundé I au Cameroun.


Internet ou la plus grande agence matrimoniale du monde

          De nos jours, de plus en plus de gens cherchent leur "âme soeur" au sein du cyberespace. Le marieur moderne s'impose désormais et fréquemment comme un dispositif technique plutôt qu'un acteur humain. De fait, Internet se profile comme un nouvel intermédiaire à la rencontre et en comparaison avec les services classiquement offerts dans les agences matrimoniales, on peut dire que c'est un intermédiaire facile d'accès[1], souvent moins onéreux, qui propose une offre extrêmement large et une grande variété de services et d'outils.

          Typiquement, le site Internet dédié à la rencontre propose au minimum à ses utilisateurs les outils suivants: d'une part un moteur de recherche permettant d'afficher les profils des personnes qui correspondent aux critères sélectionnés (des plus basiques: sexe, âge, lieu; aux plus recherchésou insolites: films préférés, projets d'avenir, opinions concernant tel ou tel sujet, signe astral...; en passant par des informations générales: niveau d'études, statut marital, nombre d'enfants, fumeur/non fumeur...), et d'autre part la possibilité de consulter les petites annonces laissées par chacun en vue de trouver son alter ego avec souvent en prime des services de conversation asynchrone et synchrone: forum de discussion, salon de chat. Il existe une kyrielle[2] de sites voués exclusivement à la rencontre virtuelle... et plus si affinités comme le dit l'adage. L'intérêt étant bien sûr que la rencontre s'actualise. Les publicités pour ces sites qui promettent aux célibataires bons plans et rendez-vous galants ou sexy témoignent que leurs concepteurs l'ont bien compris. Les membres de ces forums de discussion les utilisent essentiellement dans une logique instrumentale, ils les fréquentent en vue d'une fin bien précise: la rencontre "réelle".

          Cet article entend documenter un but de rencontre par Internet peu connu et qui n'a, à notre connaissance, pas encore fait l'objet de recherches sociologiques francophones. Habituellement, ceux qui cherchent quelqu'un via le Net cherchent une personne habitant la même zone géographique et appartenant à la même culture (Draelants, 2001). En témoigne l'entrée en matière classique dans les salons de bavardage: "asv", acronyme signifiant "âge, sexe, ville?". Outre les préoccupations relatives à l'âge et au sexe du correspondant, le lieu de résidence fait notamment partie des premières questions posées car c'est un critère de choix: il importe que l'autre personne soit accessible pour être intéressante. Ce n'est néanmoins pas toujours le cas. Certaines personnes sont intéressées à trouver un mari ou une femme d'un pays étranger en vue notamment d'émigrer vers ce pays, ce qui suppose que la rencontre se solde par un mariage.

          Dans une première partie de l'article, nous nous attacherons à mettre en perspective ce type d'utilisation de la toile mondiale par rapport au phénomène plus ancien et déjà étudié du mariage par correspondance. Sur base d'une revue succincte de la littérature scientifique, nous présenterons les réflexions sociologiques que ces pratiques ont inspirées aux rares auteurs qui les ont étudiées, soulevant ainsi une série de problématiques qui découlent de ces relations médiatisées. Par la suite, le cas de l'utilisation par des femmes camerounaises de sites de rencontre les mettant en contact avec des hommes occidentaux nous servira pour tenter de mieux comprendre le sens que revêtent ces pratiques pour les femmes qui s'y investissent et les stratégies multiples qu'elles mettent en oeuvre pour parvenir à leurs fins. Compte tenu des observations empiriques, nous serons ainsi en position de pouvoir commenter certaines réflexions ébauchées sur base de l'état de la question à partir du point de vue de ces femmes candidates à l'exil. Cela nous amènera enfin à relativiser certains constats posés précédemment, non pas dans l'idée de trancher définitivement les questions posées mais d'inviter à poursuivre la réflexion et à documenter plus avant les pratiques des individus.

Des origines du mariage par correspondance: le phénomène du mail-order bride

          Ce phénomène que nous analysons n'est pas nouveau et n'a pas attendu l'heure d'Internet, est-il utile de préciser? Il est connu depuis longtemps aux Etats-Unis, sous l'expression très parlante de "mail-order bride". L'expression que l'on peut traduire approximativement par "épouse sur catalogue" en dit long en effet. Passons en revue son sens implicite. La notion de "order" suppose la commande d'un objet ou d'un produit commercial sur base d'un catalogue ("(by) mail" signifie par correspondance) qui, une fois payé, est rapidement et sans effort délivré sur le pas de la porte. Ici l'expression ne s'applique pas à un bien matériel mais à un être humain, il est question d'une jeune épouse "bride", commandée unilatéralement sur catalogue. L'expression "mail-order bride" véhicule donc tacitement une représentation de la femme qui se propose comme une marchandise que l'on peut acheter, voire répudier si l'on invoque la clause "satisfait ou remboursé" caractéristique du téléachat. Cette expression est d'ailleurs connotée extrêmement négativement. On ne s'étonnera donc pas que les défenseurs de ce type d'industrie qui cherchent à valoriser ces pratiques préfèrent parler d'"international single ads" (petites annonces internationales de célibataires)[3].

          On peut véritablement parler d'une industrie de la médiation au mariage dans les pays développés dès les années 1960[4]. Industrie qui, depuis lors, n'a cessé de s'étendre à la fois quantitativement et spatialement à l'intérieur et au-delà des frontières nationales, grâce à l'informatisation et aux progrès des systèmes de communication et d'information d'une part mais également compte tenu de l'évolution des modes de vie dans nos sociétés d'autre part. Les individus des sociétés modernes avancées sont en effet de plus en plus confrontés à la solitude, à l'isolement, aux relations éphémères dans un contexte d'urbanisation croissante et de mobilité accrue (Kojima, 2001).

          Le phénomène du "mail-order bride" est apparu aux Etats-Unis[5] dès les années 1970. Cependant avec Internet, ce type de pratique connaît une croissance rapide. Aux agences classiques de "mail-order bride" composant des dossiers-catalogues avec les noms de femmes, leurs photos et descriptions, agrémentées de quelques indications biographiques sur base desquels les hommes peuvent faire leur choix et payer l'agence pour obtenir les adresses postales des jeunes femmes qui les intéressent, se sont ajoutés leur pendant électronique mais également des clubs "pen-pal", services Internet généralement gratuits par l'intermédiaire desquels les époux potentiels peuvent se contacter par e-mail, sans passer par le biais d'un entremetteur humain. Actuellement, un homme qui désire trouver une épouse étrangère a à sa disposition plus de 350 agences ou sites Internet de ce type (Constable, 2003).

          Del Rosario (cité par Kojima, 2001) définit la candidate au mariage par le système "mail-order bride" comme toute femme qui se sert du système de présentation de soi fourni par des institutions commerciales dans l'objectif premier d'un mariage avec un étranger. Par rapport à ce système de "mail-order bride", la nouveauté introduite par Internet est que l'aspirante au mariage avec un étranger peut désormais recourir non plus aux services d'une agence mais également à un site Internet spécialisé, qui lui permettra semblablement de constituer un dossier personnel en vue de se présenter et de se décrire afin d'accéder au marché matrimonial, en l'occurrence en venant intégrer le versant offre. Pour compléter la définition de del Rosario, nous ajouterons que la candidate au mariage par correspondance est donc celle qui se sert d'un système de présentation de soi fourni soit par un intermédiaire humain soit par un intermédiaire technique, ou en d'autres termes un terminal informatique relié à Internet et donnant accès aux dispositifs des sites web spécifiques.

          Les réseaux informatiques tendent à accroître l'information, la visibilité et l'accessibilité à ces services et, compte tenu de l'anonymat dont chacun jouit en surfant sur le web, cela engendre en définitive une simplification du geste qui consiste à aller vers ces services comme l'exprime bien le témoignage de ce journaliste:

"Recently, I received an unsolicited e-mail message entitled "Meet Russian Ladies!" with the following website linked to my e-mail. I was intrigued. Titillated. Also, as an admirer of things Russian: vodka, caviar, Dr. Zhivago, (though not necessarily Russian women), and a dedicated Net surfer, the choice was clear. I clicked onto the site, somewhat imprudently entering the world of the Mail Order Bride. If I had received this information through the post, however, as paper junk mail, I probably would have just smirked my best post-modern, ironic, I-wonder-how-I-might-have-ended-up-on-that-mailing-list smirk, and thrown it away. But because it was on the Web, I could reply without leaving my chair; without even stopping to wonder what they call Russian cosmonauts since they've taken the commie out of communism." (Mahoney, 1997)

          Bref, on peut parler de la constitution d'un nouveau marché global de l'échange sexuel et marital via Internet (new global market for sex et marital trade via the Internet), (Cunneen et Stubbs, 2000). Comme on va le souligner, les individus ne sont pas situés de manière égale sur ce marché marital, l'homme occidental y est en position clairement dominante de sorte qu'on peut y voir le reflet de la politique économique mondiale et une réfraction des rapports Nord/Sud au plan micro des relations interpersonnelles.

Les marchés de la rencontre matrimoniale

          Si l'on analyse les relations qui se nouent entre ces personnes en vue d'une éventuelle union à partir de la métaphore d'un "marché" de l'épouse, il est possible de caractériser les femmes comme étant en position d'offreuses et les hommes en position de demandeurs. En fait le couple potentiel doit s'entendre dans le sens suivant: des hommes de pays occidentaux sont à la recherche de femmes provenant de pays pauvres, ce n'est quasiment jamais la relation inverse, à savoir des femmes de pays occidentaux cherchant des hommes de pays pauvres; lorsque c'est le cas, il s'agit davantage d'exotisme ou de charité (adoptions, amis de famille). Par ailleurs, ce marché matrimonial s'avère très déséquilibré car il se caractérise par une offre abondante du côté des femmes: il y a beaucoup de candidates au départ. Du côté des hommes, la demande est nettement plus réduite, du moins pour ceux qui recherchent sérieusement des partenaires, car certains se distraient simplement en réalisant des prouesses poétiques éphémères. Par ce fait, les hommes se retrouvent donc en position privilégiée sur ce marché matrimonial compte tenu du vaste choix qui s'offre à eux.

          Notons que ce n'est pas le cas en ce qui concerne les annonces pour des rencontres locales, avec des femmes vivant dans des pays occidentaux. Au contraire, généralement sur les sites courants de rencontres entre individus issus d'une même région, on recense beaucoup plus de candidatures à la rencontre émanant d'hommes que de femmes, celles-ci bénéficiant donc d'une meilleure position sur ce marché de la romance. Autre différence de taille, sur les sites de rencontres entre personnes d'une même région, l'offre et la demande ne se limitent pas à la femme. Il n'est pas possible de scinder hommes et femmes entre offreurs et demandeurs. En effet, chacun est simultanément offreur et demandeur[6] puisque pour accéder aux annonces ou consulter les profils, il faut le plus souvent s'être inscrit et avoir complété son profil. Ainsi, la personne qui désire consulter le fichier comprenant "l'offre de femmes" vient automatiquement grossir le fichier "offre d'hommes", également consultable par quiconque. Cette dissemblance est essentiellement symbolique mais elle nous semble néanmoins très significative de la situation inégalitaire de départ dans laquelle se trouvent les hommes et les femmes sur de nombreux sites de type "mail-order bride".

Quelques tendances qui se dégagent des recherches sur le sujet

          Certains chercheurs d'expression anglaise se sont penchés sur le phénomène du mariage par correspondance (mail-order bride). Nous présentons ici quelques résultats de ces recherches qui nous paraissent intéressants pour notre propos.

          On peut donner une idée de l'importance quantitative du phénomène mariage par correspondance. En 1998, une étude menée par un chercheur américain estime à environ 100'000 à 150'000 le nombre de femmes de diverses origines ethniques qui se mettent en scène annuellement via ces services en vue d'un mariage. La grande majorité de ces femmes provient de deux zones: l'Asie du Sud-Est (essentiellement les Philippines) d'une part et la Russie (et d'autres pays de l'ex-URSS ou de l'Europe de l'Est) d'autre part (Scholes, 1998). L'impact sur les mariages ainsi que sur l'immigration aux Etats-Unis est cependant très ténu compte tenu du taux extrêmement faible de mariages qui aboutissent. On estime ce taux à environ 4% soit approximativement de 4000 à 6000 mariages par an (Scholes, 1998). En regard du nombre de mariages célébrés chaque année aux USA (plus de 2 millions) et du nombre d'immigrés recensés sur une année (plus de 800'000), ces chiffres apparaissent pratiquement négligeables. Si quantitativement le phénomène peut donc sembler insignifiant, nous verrons qu'il n'en va pas de même du point de vue qualitatif au sens où il illustre une série de problématiques contemporaines importantes.

          Qui sont les hommes cherchant une épouse par ce biais? Scholes (1998) cite les résultats d'un sondage datant de 1988 auquel 206 hommes américains avaient répondu (taux de réponse 34%). Il s'agit généralement d'hommes blancs (94%), avec un niveau d'instruction élevé (50% ayant fréquenté durant deux années ou plus l'enseignement supérieur), politiquement et idéologiquement conservateurs et généralement très à l'aise économiquement (salaire supérieur à 20'000 dollars/an pour 64% d'entre eux) et jouissant d'une bonne réussite professionnelle. L'âge médian de ces hommes était de 37 ans, la grande majorité (84%) vivait en zone urbaine. 57% d'entre eux avaient été mariés au moins une fois, la plupart ayant divorcé après une moyenne de 7 ans de mariage. Enfin 35% étaient au minimum père d'un enfant et les trois quarts aspiraient à une paternité future. Certes, ces données sont fort anciennes, néanmoins elles ont le mérite de fournir quelques repères et par ailleurs on peut faire l'hypothèse que le profil n'a sans doute pas fondamentalement évolué depuis lors.

          Quelle est la motivation des hommes cherchant une femme étrangère provenant d'un pays pauvre? Selon Gary Clark auteur de l'ouvrage Your Bride is the Mail![7], véritable manifeste du mouvement "penpal bride" écrit à l'attention du public mâle américain en vue de promouvoir cette pratique, la principale motivation serait la recherche d'une femme traditionnelle:

"Tired of 'liberated' career women so wrapped up in their own agendas they haven't got time for yours? Many men who want a more traditional, supportive wife are finding their perfect mates in foreign countries." (Clark, 1994)

          Les quelques données récoltées par des chercheurs sur la question vont également en ce sens: "Most of the personal reports from American men who have married women through these agencies talk about "traditional values". That is, that American women are not content to be wives and mothers, but seek personal satisfaction through their own careers and interests, while the foreign woman is happy to be the homemaker and asks for nothing more than husband, home, and family." (Scholes, 1997). On constate en effet que la montée du féminisme en Amérique du Nord s'est faite conjointement à l'augmentation des mariages entre des hommes occidentaux et des femmes provenant de pays situés en périphérie des pays riches. Clark, dans son ouvrage-manifeste, s'en prend naturellement au mouvement féministe qu'il désigne comme responsable du fait d'en être arrivé là. Il déclare:

"The feminist movement has caused immense social damage throughout the Western world. It has harmed not only men, who can't find the kind of wives they want, but women as well. The proof of this lies in the wailing lament of so many women that they can't find husbands. It's true, they can't, but most of these same women never stop to realize that the reason why they can't find husbands is because they have chosen for themselves a career path other than that of wife." (Clark, 1994)

          On voit ainsi combien le phénomène du mariage par correspondance soulève la problématique des rapports de genres[8] et de leurs transformations au sein des sociétés occidentales. La pensée féministe pour sa part condamne sévèrement le système de mail-order bride et interprète ce type de mariage comme une réponse trouvée par l'ordre patriarcal face à la résistance des femmes contre la division sociale et sexuelle du travail et comme moyen de reproduire la division traditionnelle des rôles sexuels et des tâches domestiques (Kojima, 2001). Une manière de rétablir et d'affirmer la domination masculine en somme. En ce sens, on considère que ces hommes recherchent essentiellement une partenaire conjugale docile et dépendante d'eux dans le but de maintenir les privilèges traditionnels de leurs aïeux, se délivrant ainsi des tâches de la vie quotidienne traditionnellement réservées à l'épouse: ménage, cuisine, entretien de la maison, éducation des enfants. Les candidates au mariage sont généralement bien conscientes de cette motivation masculine, comme l'illustre la petite annonce postée sur un site web de rencontre reproduite ci-dessous. La manière dont cette jeune femme de 21 ans se présente met en avant cette image traditionnelle de la femme comme épouse au foyer:

Une relation amoureuse sérieuse

"Bonjour a tous.

Je suis une jeune fille marocaine, sérieuse, sincère, sociable et très fidèle. Je pense être une parfaite femme d'intérieur, je suis bonne cuisinière et je crois avoir tout ce qu'il faut pour rendre un homme heureux. Je suis douce, sensible, affectueuse et jolie.

Je cherche l'homme de ma vie, pas pour une nuit, mais vraiment pour toute une vie. Je ne cherche aucune richesse terrestre mais une grande richesse intérieure et une vie honorable. J'ai beaucoup à donner à celui qui prendra la peine de me séduire. Je suis musulmane mais tout comme ma famille, je suis ouverte aux autres cultures que j'ai envie de découvrir. Et pourquoi pas un mélange couscous-choucroute... sourire....

Je t'imagine mûr, entre 30 et 48 ans, ton physique est moins important que la beauté de ton coeur. Tu es tendre, affectueux, romantique, tu as le charme et la délicatesse de l'homme mûr avec un brin d'humour et surtout... tu es fidèle!!! Tu préfères passer une bonne soirée en famille ou en tête-à-tête plutôt que d'astiquer le comptoir d'un bistrot avec tes coudes.... Tu habites de préférence dans l'Est de la France, Suisse, Allemagne ou Luxembourg.

Ce que j'attends de toi, c'est que de temps en temps tu saches me prendre par la main, caresser mes cheveux, me prendre dans tes bras en me serrant contre toi. Que tu prennes soin de moi comme je prendrais soin de toi.

Tu seras mon ami, mon confident, mon guide et bien sûr mon homme... Tu seras aussi, si tu le souhaites, le père de mes enfants. Moi je serais à tes cotés fidèle comme ton ombre, où tu iras, j'irais, tout ce que tu voudras, je te le donnerais...

Au plaisir de te lire.

Ps: Soyez gentil et ne me proposez pas des vacances "gratuites" pour "faire connaissance"..."

          Par ailleurs, dans le cas de ce type de mariages interculturels, on constate qu'à la domination du genre sont également liées et combinées deux autres formes de dominations: celles de la "race" ou de l'origine ethnique et celle de la classe ou de la catégorie sociale d'appartenance. Ce type d'usage d'Internet illustre donc de manière exemplaire combien les privilèges économiques combinés à l'accès à des ressources et des connaissances technologiques renforcent les hiérarchies qui s'originent dans les différences socialement constituées entre les genres et les cultures et dans les relations entre pays riches et pays pauvres (Cunneen et Stubbs, 2000). S'il ne fait aucun doute qu'Internet provoque des changements en profondeur de nos sociétés, il est légitime de douter que ceux-ci se fassent uniquement dans le sens d'une société plus "égalitaire", plus "démocratique" et plus "prospère". Force est de constater qu'Internet représente aussi un outil de régression sociale, de conservatisme et de reproduction des inégalités au sein et à travers le cyberespace. Comme le résume Ridenhour-Levitt (1999):

"Internet becomes a site where race et ethnicity-laden concepts of gender are manufactured, packaged, et commodified to serve the assumed needs of Western male customers. In this process, notions of ideal femininity are mapped onto the bodies of potential mail-order brides, while Western women are categorized as unfit wives et mothers. Similarly, men living in the regions that provide mail-order brides come to represent the negative aspects of masculinity. Finally, Western manhood is glorified et reasserted through the Internet marketing of mail-order brides. In doing so, these race- et ethnicity-specific constructions of gender endorse the political et economic dominance of white Western men in a globalized context, while legitimizing et facilitating the systematic transnational exchange of women's bodies."

          Un autre aspect susceptible de motiver les hommes célibataires recourrant au "mail-order bride" n'est pas à négliger: c'est le fait que ces hommes se donnent accès à un type de femmes jeunes et jolies qu'ils n'auraient que peu de chances d'intéresser dans leur pays. Même si les témoignages masculins ne font pas mention de cet aspect - compte tenu de son caractère non dicible ouvertement - les hommes reconnaissent partir en quête de la femme de leurs rêves, physiquement s'entend. Scholes (1997) suggère également la pertinence de cette motivation:

"I would like to suggest, however, other attractions to the "mail-order bride". For one, these girls tend to be younger (by an average of 15 years) than the man and slimmer and better-looking than most of the American women the man might have access to. Further, it should not be overlooked that there are few, if any, occasions where a man might browse several hundred American women - all of whom anxiously awaiting his attentions - from whom to select one or more candidates for his wife; and yet, that is exactly what is offered by the agencies."

          Certaines statistiques tendent à donner du crédit à cette hypothèse. Scholes relate que sur une trentaine de couples formés par le biais du "mail-order bride" des chercheurs ont constatés que seulement deux couples étaient proches en âge (de 4 à 6 ans de différence); parmi les 28 autres couples, les différences d'âge fluctuaient entre 20 et 50 ans.

          Quelles sont les motivations des femmes à rechercher un mari étranger? La littérature de recherche est peu loquace à ce propos. On ne sait pas grand-chose sinon que ces femmes cherchent généralement une vie meilleure en termes de facteurs socio-économiques; ce n'est en effet pas par hasard qu'elles viennent d'endroits où les emplois et les opportunités éducatives pour les femmes sont réduites et les salaires très bas. Néanmoins, les femmes elles-mêmes répondent qu'elles sont attirées par les hommes américains (ils ressemblent à des stars de cinéma), ils sont vus comme faisant de "bons maris": fidèles et gentils avec leur épouse alors que les hommes natifs sont perçus comme cruels et volages (Scholes, 1997). Compte tenu de l'absence de données sur le sujet, un des intérêts de l'article est justement d'analyser le phénomène du point de vue des femmes camerounaises qui participent à ce marché mondial de l'épouse, chose à laquelle nous allons nous attacher à partir d'ici. Une analyse spécifique sur les hommes occidentaux serait bien entendu également extrêmement intéressante, cependant ils s'expriment nettement plus largement sur le web (cf. site web de Clark).

Les camerounaises, une référence en matière de webrencontre

          Parlant de web et d'après Marsaud (2000), sur le site "French Romance", "le Maroc est le plus représenté avec 105 annonces. Il y en a 11 pour le Cameroun, 4 pour la Tunisie, 2 pour l'Éthiopie, 1 pour l'Île Maurice et le Togo". Par ailleurs, il existe des séries d'information sur les principaux pays africains et les différentes entités de genre qui participent à la recherche de conjoints virtuels via Internet[9]. Une analyse de ces informations présente les Camerounaises et les Ivoiriennes en têtes de liste. Les femmes sont plus investies dans ce phénomène. Une habituée camerounaise commente à cet effet: "ce sont plus les femmes qui cherchent les maris sur Internet ici. D'ailleurs, les femmes blanches ne sont pas intéressées par les noirs", quoique les raisons de cette supposée répulsion entre blanches et noirs, dans ce contexte, soient très peu définies et convaincantes. Notons que plusieurs réactions de la population masculine sur la médiation d'Internet dénoncent avec ironie ce procédé froussard d'aborder la femme avec qui l'on envisage de passer sa vie et de fonder un foyer.

          Il est néanmoins officiel que la fréquence des femmes camerounaises dans les sites de rencontre est supérieure à celle des hommes qui se cantonnent dans les sites érotiques et pornographiques. En bref, le Cameroun est constitué en repère sur le Net en matière de rencontres virtuelles.

L'accès au médium et les contacts

          En territoire camerounais, on assiste, depuis la fin du deuxième millénaire, précisément depuis 1999, à l'expansion de la quête du "partenaire idéal" par ordinateur interposé. Au regard de l'ampleur du phénomène, on peut se permettre d'affirmer que cette pratique marque de manière triomphale l'entrée d'Internet dans la sphère africaine francophone, précisément dans les systèmes matrimoniaux qui sont de plus en plus affectés par les mouvements socio-historiques et les innovations sociales (Segalen, 1981: 318), et dont plusieurs auteurs dénoncent les procédéssuperficiels dans la conquête de l'amour (Brisson, 2002). Beaucoup de camerounaises rêvent d'unions "normales" et réelles par le biais des sites de rencontres; c'est ainsi que les cybercafés se créent, grandissent et s'étendent dans les régions du pays, foisonnement encouragé par l'engouement de la population féminine.

          En effet, la quête de conjoint par Internet est une activité organisée et très structurée. Tout commence généralement par les rumeurs et les informations de bouches à oreilles sur les bienfaits matériels des partenaires de celles qui ont réussi à avoir un correspondant sérieux, et s'oriente dans ces centres commerciaux pour les populations qui en sont intéressées, puisque très peu de personnes ont un accès privé à Internet, pour des raisons économiques[10]. Elles s'en vont donc, sur recommandation des proches[11] ou en tâtonnant, rencontrer les moniteurs qui gagnent leur réputation et leur pain quotidien au nombre de relations mixtes réussies qu'ils peuvent générer et conduire à la concrétisation.

          Une étude du profil social de ces candidates à l'amour, puisqu'il s'agit essentiellement de femmes,fournit les données suivantes: leur âge varie entre 16 et 50 ans - quoique la règle établie (netiquette) dans les sites de tchatche fixe l'âge minimum à 18 ans, il est possible de tricher! -, mais la tranche d'âge fréquente est celle de 25-34 ans. Ce sont en majorité des individus sans emploi fixe ou contraignant (élèves, étudiantes, prostituées, commerçantes, secrétaires, serveuses...), ou qui s'estiment insatisfaits de leurs salaires, et dont le revenu mensuel est essentiellement bas, inférieur à 50'000F CFA (presque équivalent à 77E). S'il est vrai qu'on retrouve plus d'illettrés et de personnes qui n'ont pas atteint le second cycle de l'enseignement secondaire que d'étudiants et d'intellectuels, le niveau d'étude demeure très inconstant. Aussi, le niveau de connaissance en informatiqueou en navigation sur Internet est généralement bas, c'est pourquoi des guides appelés moniteurs sont de plus en plus recrutés en politique de marketing dans les cybercafés; l'un d'entre eux remarque dans une étude menée par Tatio Sah (2003: 65):

"Elles ne sont même pas intéressées par l'outil informatique en soi et ne veulent même pas faire des efforts; ce qu'elles veulent, c'est pouvoir envoyer et recevoir des courriers ou très clairement comme elles le disent:"avoir le blanc!". Dans les débuts, elles disent ce qu'elles veulent et nous faisons le reste. C'est au fur et à mesure qu'elles apprennent à se servir d'un clavier, rien sur Internet et tout pour le mariage!"

          Il s'agit là d'un des motifs pour lesquels ces femmes sollicitent des cyberpartenaires, s'inscrivent généralement dans des groupes de tchatche, communément appelés clubs et se font suivre par ces moniteurs comme des patientes par un médecin, frais de "consultation" et de "traitement" assurés, hormis les tarifs de surf qui garantissent l'utilisation de la machine et des sites[12].

          La procédure de rencontre sur Internet commence par la publication des annonces et la visite de la liste des abonnés au site. Partant de cette exploration donc, elles font un choix de potentiels conjoints à qui elles envoient des messages d'attaque ou d'entrée en contact, ceci en fonction d'idéaux précis (cf. prototype plus loin). Ces messages peuvent générer des réponses ou non, il faut être patient et espérer: c'est une question de tactique et de chance. Au début de la recherche, trois tendances se dégagent généralement: il y en a qui font mouche après quelques essais et engagent des correspondances au bout de trois jours au maximum; certaines peuvent patienter plusieurs semaines et obtenir gain de cause, tandis que d'autres n'aboutissent jamais à grand chose au point de se décourager et d'abandonner la pratique. En clair, la quête de conjoint par le Net est un phénomène assurément sélectif, conditionné par le pouvoir de persuasion et de négociation des individus.

          Pour celles qui ont la chance d'avoir des répondants, la relation virtuelle commence. Les deux parties font donc connaissance dans les sites de rencontre et supportent pendant ce temps toutes les censures et le chaperon des chanops[13] et de la netiquette. Au fur et à mesure qu'ils se plaisent mutuellement, ils décident de sortir du cadre du site pour se créer un espace plus intime. Généralement, ils se passent leurs adresses (e-mail, code postal, numéro de téléphone, etc.) d'une manière ou d'une autre et commencent à s'écrire ou à s'appeler en dehors du Net. A ce moment, ils se permettent tout, s'envoient des nouvelles, des photos parfois de poses nues, des notes affectives ou érotiques, des cartes de voeux, des cadeaux de toute nature (bien matériel et argent). Ce niveau de la relation encadre encore une certaine instabilité et une précarité, car l'un des partenaires peut désister et arrêter la communication à tout moment. En outre, on remarque qu'il existe des personnes qui décident, malgré leur déclaration d'amour, de demeurer dans un cadre virtuel et de ne jamais se rencontrer physiquement. À ce choix, ils adaptent un mode de vie compensatoire; ils s'envoient mutuellement tout ce qu'ils peuvent se promettre[14]. Mais ce genre de pratique n'est pas très apprécié par la plupart des tchatcheuses camerounaises qui préfèrent de loin les contacts qui peuvent aboutir à des rencontres physiques et à des célébrations de mariage. C'est pourquoi ces solliciteuses développent un arsenal de stratégies (qui seront exposées plus loin) pour appâter les correspondants et faire survivre la communication jusqu'à l'atteinte de leurs objectifs.

          Certains parviennent à entraîner leurs partenaires hors du cadre virtuel et à établir des contacts physiques sur un terrain géographique précis, qui est généralement le Cameroun, car d'après les dragueurs camerounais, il est plus facile pour un blanc d'y arriver que pour un noir d'émigrer vers l'Occident. Pour ceux-ci, il se présente plusieurs possibilités: la rencontre physique peut être sans difficulté et les concernés décident de se marier, de vivre une relation amoureuse libre ou en concubinage, mais la plus grande option est le mariage, et ensuite la femme rejoindra son conjoint dans son pays si celui-ci ne l'emmène pas immédiatement après (ce qui est très rare). La rencontre peut également être brouillée; soit les partenaires ne s'entendent pas dès le contact physique, soit le nouvel arrivant dans le pays inconnu est détourné par des dames ou des prostituées qui attendent leurs clients dans les aéroports[15].

          Enfin, les cas de cyberrencontres qui se soldent par des rencontres physiques sont rares, et cette rareté s'intensifie lorsqu'il s'agit de mariages réels et "normaux" tels qu'ils peuvent être vécus dans nos sociétés.

Les principales motivations

          Lorsqu'on consulte les messages de ces quêteuses de partenaires par Internet, il apparaît à priori qu'il s'agit d'une quête d'affection et de sécurité. Cette tendance est confirmée dans leurs discours sur la façon d'aimer de leurs confrères camerounais: ils ne savent aimer, aimer comme câliner, flatter, distraire, faire rêver à la Roméo et Juliette; elles rêvent d'histoire romantique à la Pretty Woman ou à la Cendrillon. Au lieu de cela, leurs partenaires leurs servent des supercheries, des duperies et des bastonnades. Les dragueuses camerounaises ne sont pas satisfaites de la façon d'aimer ou de vivre la relation conjugale de ces hommes camerounais en raison de comportements rapportés d'irresponsabilité, de tromperies, d'adultères. Elles sont déçues et se retournent vers l'Autre, l'homme blanc, qui, selon les images véhiculées par les médias, sait s'y prendre avec la femme.

          D'autres motivations des individus et donc quelques-uns des objectifs qui sont visés se perçoivent dans la reconstitution du profil de compagnons sollicités. D'après nos travaux (Tatio Sah, 2003), le prototype d'hommes recherchés indexe généralement des individus blancs et riches, le premier critère (blanc) confirmant automatiquement, dans leur imaginaire, la richesse ou une position sociale respectable[16], indépendamment de l'âge, du physique, du statut socioprofessionnel et du niveau intellectuel. Ces choix traduisent quelque peu les positions sociales des individus (hommes et femmes) dans les pratiques du "mail-order bride". Ce sont généralement, des occidentaux, originaires - de préférence - de ces pays classifiés comme suit: la France, la Suisse, la Belgique, les Etats-Unis d'Amérique, la Hollande, l'Allemagne, le Canada, l'Afrique du Sud. Ces pays ne sont pas choisis au hasard, il a été établi que ce sont des zones que les postulantes trouvent faciles d'accès pour elles et où elles aspirent émigrer à la recherche d'une vie meilleure, d'un eldorado matériel qui n'existe pas chez elles.

          La culture en cours dans le milieu social des dragueurs camerounais leur inocule ainsi l'idée selon laquelle la véritable civilisation est celle qui émane de l'extérieur, de l'Occident dont elle continue à subir l'emprise servile après plus d'un demi siècle d'indépendance proclamée. Le système d'éducation, la jurisprudence, les libertés individuelles, les normes sociales, les médias sont des courroies fidèles au modelage des visions paradisiaques que les populations entretiennent par rapport à la vie en Europe ou avec les européens. Le blanc recherché incarne donc cette civilisation qui définit le véritable amour, la liberté d'exprimer sa libido quelle qu'elle soit, la vrai vie, le symbole de la réussite et de la richesse. Cet ensemble de représentations est alimenté et consolidé par la situation socioéconomique pratiquement invivable de leur quotidien.

          Les Camerounais sont en effet, depuis quelques années, confrontés à des difficultés socio-économiques, qui ont anéanti les espoirs des individus à compter sur les allocations étatiques, alors que les salaires des fonctionnaires suffisent tout juste - si c'est le cas - à subvenir à leurs besoins immédiats. Les privatisations des entreprises, la diminution des effectifs dans le secteur public, la baisse des salaires, la compression massive des employés dans les entreprises privées, la perte de l'assurance emploi pour les jeunes diplômés, les politiques d'ajustement structurel par les institutions de Bretton Woods, la propension du système capitaliste par la mondialisation,... ont entraîné, au sein des populations, le développement de différentes stratégies pour sortir de la misère - dont l'auto-traite.

Les individus en action: tactiques persuasives, offensives et défensives

          Pour une femme africaine, "obtenir son blanc,c'est la jungle". Dès lors, les camerounaises au cours de leur recherche de partenaire(s) par Internet développent diverses tactiques(que nous allons détailler ci-dessous): maximisation du profit, désirabilité sociale, coups bas et injures, secours du mystique... Dans tous les cas, leurs initiatives sont perçues:

"comme un type spécifique d'entreprise dont la fonction serait de mobiliser ressources matérielles (argent, travail, armes...) et biens symboliques (dévouement, loyauté, solidarité...) pour atteindre des objectifs et éventuellement "gagner des parts de marché" sur les [femmes] concurrentes" (Etienne et al., 1995: 10).

          Le cyberenvironnement est un milieu d'interaction permanente où la loi du plus offrant est la meilleure. Il s'agit en effet de convaincre l'autre, le demandeur blanc, de la bonne qualité de l'objet en prospection, c'est-à-dire de ses qualités, de sa bonne moralité et de la satisfaction sur tous les plans qu'il peut procurer, une sorte de marketing de soi en somme. Couramment, la maximisation des chances en misant sur plusieurs correspondants à qui les quêteuses envoient des messages d'attaque est utilisée, avec à l'appui, des pseudonymes ou nicknames flatteurs, attrayants et frappants, des euphémismes en raison de la contenance qu'elles veulent se donner ou des préconçus qu'elles ont des correspondants.

"Pour commencer, on fait la pré-tchatche, la pré-recherche de l'interlocuteur idéal. Ça se fait comme à la pêche: le pêcheur jette à l'eau un grand filet ou plusieurs filets s'il veut avoir beaucoup de poissons parmi lesquels il aura à faire le tri des bons poissons."

          Comme il a été remarqué, les deux parties ne se connaissent pas avant de se rencontrer sur Internet; elles doivent, de ce fait, dépasser l'atmosphère de méfiance et de retenue qui accompagne généralement tout contact avec des choses nouvelles. La seule arme jusqu'ici incontournable pour la communication dans les rencontres sur le Net est le langage textuel, quelles que soient les façons de le manipuler. Pour les camerounaises particulièrement, elles étudient, intriguent et suscitent de l'intérêt chez l'interlocuteur, par la segmentation, c'est-à-dire l'identification des faiblesses et des sensibilités de la cible. Les tchatcheuses camerounaises savent que les blancs trouvent leurs femmes orgueilleuses, difficiles, intransigeantes quand il s'agit de la procréation et toujours prêtes à réclamer l'égalité et leurs droits, et les biens leurs reviennent généralement en majorité en cas de séparation ou de divorce. De même, elles affirment que l'homme aime naturellement les femmes soumises, douces, dociles et qui savent leur accorder l'autorité qui leur est dû.

"Ils disent que leurs femmes aiment trop parler de leurs droits... quand ils divorcent la justice les fait dépenser, pension alimentaire par ci, je ne veux pas d'enfant par là, elles sont difficiles... les blancs aiment les femmes douces, dociles et qui savent faire l'amour. Ils aiment les filles noires pour ça..."

          Conscientes de ce fait, les tchatcheuses camerounaises gèrent les conversations et flattent autant qu'elles le peuvent, mentent sur leur identité et sur leur niveau de vie, falsifient certaines données personnelles comme l'âge quand cela s'avère nécessaire. En bref,

"en fonction du développement des interactions entre personnes, il peut se produire une transformation de la façon d'être envers les autres ou envers la situation ou le problème qu'on traite ensemble." (Maisonneuve, 1973:78).

          En dehors du terrain virtuel et précisément au sein des groupes de tchatche, il faut savoir faire face aux intrigues[17] et aux coups bas du milieu. Les tchatcheurs mouchardent les uns après les autres de jalousie ou d'envie, se disputent pour des cas d'enlèvement ou de détournement de partenaire, et en arrivent parfois à des bagarres. Précisément, les cas de violences physiques sont récurrents entre les femmes qui partent chercher leurs partenaires à l'aéroport et les prostituées qui les détournent, souvent avec intervention des forces de l'ordre.

"Quand mon blanc allait venir, j'ai eu des problèmes. Il correspondait aussi avec une fille ici au cyber, mais il ne savait pas qu'on était dans le même milieu. Chacune de nous savait que son blanc arrive; ce n'est qu'à la veille de son arrivée que nous avons su qu'on avait le même correspondant. La fille et moi, on s'est disputée; on a décidé d'aller à l'aéroport ensemble et c'est lui qui devait décider avec qui il devait rester. Là-bas, il s'est embrouillé; tu sais, ils sont faibles de caractère. Il n'arrivait pas à choisir; la fille et moi, on a commencé à le tirailler et la police est venue. Je me suis découragée et je l'ai laissé partir avec la fille; mais il m'a remboursée tout l'argent que j'avais dépensé pour l'attendre."

          En outre, les moniteurs de cybercafés qui aident ces femmes peuvent avoir, parmi elles, des favorites, si bien que lorsqu'un interlocuteur se montre intéressant, il change de personnage et le guide vers l'une d'entre ces dernières, le moniteur jouant alors un véritable rôle d'entremetteur. Dans d'autres cas, des filles peuvent s'apercevoir qu'elles ont le même correspondant et commencent à se détester ou à vouloir se supplanter les unes les autres, au point d'en arriver à des calomnies et à des pratiques de sorcellerie.

          Certains rites mystiques comme l'Évu[18] chez les Bëti ou le Moussong chez les Bassa, ethnies camerounaises, peuvent permettre de charmer, d'envoûter, de tuer, bref de commander le destin de celui sur qui la pratique est centrée. Certes, ces pratiques ne sont pas empiriquement démontrables et relèvent de la parapsychologie et des sciences occultes plutôt que de la science, cependant le recours aux gris-gris, aux incantations, aux pratiques spirituelles et magico-religieuses s'avère très fréquent dans la recherche des maris par Internet au Cameroun. Les gens y croient fermement, d'où des blindages[19] de part et d'autres pour éviter d'être empoisonné par un concurrent. Certaines personnes croient également envoûter leur blanc en imprimant leurs photos pour ce même type d'incantations, la preuve d'après elle, ça marche!

"Cest très fréquent ici! L'autre jour même, quand on nettoyait le cyber, on a vu une boule de terre attachée dans une feuille avec deux bûchettes d'allumettes dedans: la fille avait attaché ça sur sa chaise..." (Moniteur d'un cybercafé).

          Bref, si le blanc est en position dominante sur ce marché matrimonial et peut agir de manière stratégique par exemple en multipliant les contacts afin d'augmenter sa probabilité de trouver une fille à son goût, les femmes camerounaises peuvent se montrer aussi stratégiques que les hommes blancs. Dans cette relation sociale particulière, la loi du plus fort semble prévaloir et être la meilleure, car n'importe qui ne conquiert pas le mari sur Internet. S'il faut par exemple qu'une personne qui ne sait pas lire et encore moins se servir d'un ordinateur concurrence une autre qui possède ces atouts de communication et donc de pouvoir, il n'est pas étonnant qu'elle ait recours aux forces métaphysiques pour battre son adversaire et obtenir des faveurs.

          Cette analyse des individus en action nous permet donc de relativiser fortement la situation de domination; on peut aussi, au moins dans une certaine mesure, voir le blanc comme le brave pigeon qui tombe dans les rets de ces véritables chasseuses d'hommes blancs, car comme on le voit dans les tactiques mises en oeuvre, les tchatcheuses ont plus d'un tour dans leur sac. En fait,si le processus matrimonial par Internet persiste, c'est, dans une certaine mesure, parce que les Africains et leurs partenaires y trouvent leurs intérêts. En fait, chacune des deux parties possède une marge de prise de décision que l'autre ne peut contrôler; ils vivent une relation de commensalisme, l'un ne pouvant véritablement profiter que si l'autre en fait autant ou apporte sa contribution (Tatio Sah, 2003).

Proxénétisme et prostitution en vue

          Il ne peut être nié que les rencontres par Internet constituent une issue de rencontre comme au cinéma ou dans les bals, mais il demeure peu ordinaire en ce sens que l'absence de rencontre physique au début de la relation crée une atmosphère favorable à la duperie et à la falsification. Un constat fondamental peut être avancé: les relations matrimoniales qui s'originent dans les cyberrencontres sont généralement faussées à l'avance. Très peu d'entres elles sont forgées sur des sentiments solides, ceux qui soutiennent habituellement les relations amoureuses. Qu'il s'agisse des camerounaises ou de leurs partenaires, ce sont des investisseurs. Chacun utilise l'autre pour satisfaire ses ambitions, une forme de tremplin. L'Occident, pour les tchatcheuses, représente l'endroit idéal pour être heureux et gagner sa vie sans souffrir, qu'il s'agisse des étudiantes ou des personnes en quête d'emploi. Une jeune camerounaise le confirme dans ce fragment d'interview:

"Même si c'est fort là-bas n'importe comment, tu ne peux pas manquer ce que tu vas faire pour gagner un peu d'argent. "

          C'est avec cet esprit que plusieurs d'entre elles se lancent à l'aventure et épousent des inconnus avec qui elles émigrent. Une fois la frontière du pays passée, elles sont à la merci de leurs maris qui deviennent parfois leur proxénète. Certaines réussissent à s'enfuir et à se réfugier chez des parents ou amis jusqu'à la légalisation de leur séjour, respectant ainsi la règle d'or toujours enseignée dans les groupes de tchatche lors de l'initiation à la rencontre:

"Tout le monde sait ça ici: quand tu veux partir, il faut toujours avoir quelqu'un là-bas que tu connais et qui peut t'accueillir, [puisque] si ça tourne mal, parce qu'on ne sait jamais, tu peux t'enfuir et aller te cacher là-bas en attendant d'être réglo."

          Celles qui ne le peuvent pas, subissent en espérant pouvoir regagner leur liberté. Notons qu'il en existe qui sont consentantes dès le départ et préfèrent se prostituer à l'extérieur pour gagner des sommes d'argent estimées importantes, puisque dans certains cas, le salaire d'une prostituée dépasse largement celui d'un cadre à la Fonction publique camerounaise.

Les aspirations profondes des uns et des autres

          Outre la médiation des parents et amis, du courrier postal, des agences matrimoniales, le développement des systèmes technologiques de communication constitue dorénavant un support important entre les individus qui veulent entretenir des relations en vue de se marier ou de vivre ensemble. Internet constitue donc un nouveau moyen de communication entre les conjoints potentiels. Cette technologie qui permet la communication de l'intimité grâce à l'anonymat et qui en plus se joue des frontières permet aujourd'hui le développement d'un marché global de l'échange sexuel et marital d'une ampleur sans précédent.

          La recherche d'un conjoint potentiel par Internet telle que nous l'avons analysée, c'est-à-dire lorsqu'elle met en scène des hommes occidentaux et des femmes camerounaises (ou plus généralement des femmes qui proviennent de pays du Tiers Monde ou de pays pauvres de l'Est) traduit en général, à travers les profils des correspondants dans les sites de rencontre virtuelle, les aspirations profondes des concernés, ce qu'ils auraient voulu vivre dans leur cadre de vie physique. Il s'agit en clair d'une confrontation, dans cet espace abstrait, de l'être et du vouloir être.

          Dans tous les cas, pour l'homme comme pour la femme, ce type de mariage n'est pas une mince affaire. Cela représente un lourd investissement social: la relation prend du temps et coûte très cher (pour les hommes comme pour les femmes); pour les candidates féminines c'est en plus la loi de la jungle, les prétendantes sont nombreuses, la compétition est donc rude. En outre, le taux de réussite est très faible. Comme un phare dans la nuit, ce genre de mariage balise néanmoins l'imaginaire respectif de ces hommes et de ces femmes et indique l'issue favorable rêvée par chacun. Porte ouverte sur l'Occident qui symbolise la chance d'une vie meilleure pour les unes, bouffée d'exotisme et possibilité de récupérer individuellement des privilèges ancestraux qui dans leur société ne leurs sont plus acquis automatiquement pour les autres, l'interprétation du mariage par correspondance est tout sauf univoque. Dans ce dernier cas, du point de vue occidental, Internet représente un formidable outil de conservatisme social permettant à certains hommes de nier les droits collectifs des femmes, en remettant en question leur mouvement d'émancipation. Dans le premier cas, du point de vue de la femme africaine, Internet instrumente les individus dans leur quête de mobilité sociale qui reste néanmoins soumise et indexée au mode de vie que véhicule la culture occidentale.

Pour poursuivre...

          Dans cet article, nous nous sommes attachés modestement à présenter d'une part les premières interprétations encore fragmentaires de ce phénomène d'ampleur croissante sous l'impulsion d'Internet et à fournir d'autre part une description de l'usage fait par les dragueuses camerounaises des sites de rencontre sur le Net, tout en tentant de comprendre leurs motivations. Pour prolonger cette perspective, diverses pistes de recherches s'ouvrent: tout d'abord, il serait intéressant de mener des analyses qualitatives permettant de mieux cerner le point de vue des hommes occidentaux qui participent à ce marché matrimonial (quelles sont les trajectoires de vie qui amènent ces hommes à ce mode de rencontre, quelles sont leurs représentations de la femme, dans quelle(s) société(s) cherchent-ils une épouse et pourquoi, quel usage font-ils d'Internet...); le moment de la rencontre réelle pourrait également être investigué plus avant ainsi que le quotidien de la vie commune; comment se passe l'intégration de la femme dans la société d'accueil, la famille, le cercle d'amis du conjoint et comment évolue alors le rapport à Internet... De nombreuses autres réflexions pourraient être menées: rapports de genre et reproduction de la domination masculine; mariages mixtes ou interculturels; émigration; rôle d'Internet dans la rencontre entre les cultures (brassage/métissage ou propagation d'une culture hégémonique, celle de l'Occident?); impact d'innovations technologiques sur les institutions sociales traditionnelles comme le mariage, etc.

          Certains hommes occidentaux manifestent un intérêt pour le mariage par correspondance, marqué par un esprit anti-féministe et une vision rétrograde de la femme (cf. Clark, 1994). Dès lors il serait peut-être pertinent d'analyser ce phénomène comme un révélateur des tensions créées par le mouvement d'émancipation des femmes, qui jusqu'à présent comme l'indique Françoise Héritier (Journet, 2003) a surtout eu tendance à pousser les femmes à investir des terrains traditionnellement masculins plutôt qu'à rapprocher les rôles des deux sexes ou à valoriser socialement les tâchesféminines traditionnelles.

          A l'heure actuelle, les recherches sur le mariage par correspondance de type "classique" et surtout par voie électronique sont encore très peu nombreuses. Le phénomène mériterait d'être davantage étudié par les sociologues et autres spécialistes des sciences sociales car il est susceptible de leur fournir un terreau empirique pour poursuivre la réflexion de manière féconde sur une multitude de problématiques contemporaines, comme on a pu l'entrevoir à travers les quelques études passées en revue et notre propre étude de cas.

Hugues Draelants et Olive Tatio Sah

Notes:
1.- A condition bien évidemment de posséder un ordinateur et une connexion Internet ou d'y avoir accès à l'école ou via quelqu'un ou encore d'avoir la possibilité de fréquenter un cybercafé.
2.- Pour s'en convaincre, il suffit de taper dans n'importe quel moteur de recherche le terme "site de rencontre" pour obtenir plus de 10'000 résultats présentant une multitude de sites consacrés aux rencontres via Internet, des plus innocentes et amicales aux plus obscènes et perverses, chacun y trouvera chaussure à son pied.
3.- Notons que certaines presses et journaux publient également quelquefois des annonces matrimoniales. Pour donner un exemple européen,on peut citer la revue Le Chasseur Français (plus spécialement dédiée aux hommes). Ce mensuel est notamment très prisé par les camerounaises candidates au mariage par correspondance, du moins il l'a été jusqu'à l'arrivée d'Internet.
4.- Bien entendu les mariages arrangés datent de la nuit des temps. Dans des sociétés très diverses, on trouve des entremetteurs ou des marieurs qui ont servi d'intermédiaires à travers des pratiques plus ou moins formelles ou informelles.
5.- Il existe à notre connaissance très peu d'études en langue française sur le mariage par correspondance. Une exception toutefois mérite d'être relevée: la recherche menée de 1981 à 1983 par la sociologue Martyne Perrot sur "les mariées de l'Ile Maurice" témoigne de la célébration de nombreux mariages franco-mauriciens durant les années 1970 dans des régions françaises agricoles (Lozère, Bretagne, Finistère) durement touchées par le célibat dans les campagnes. Les agriculteurs, ne trouvant pas d'épouses dans la région, décidèrent d'importer des Mauriciennes, nombreuses à être candidates à cette émigration originale. Au début des années 1970, le phénomène "correspondance" séduit, selon Perrot, une Mauricienne sur deux et symbolise leur désir d'évasion: avoir un correspondant représentait pour ces filles "la garantie d'un ailleurs qui compensait l'exiguïté de l'île, l'étroitesse des réseaux de connaissances (...), la possibilité de se soustraire à la tutelle du regard des siens" (Perrot, 1983: 104).
6.- A condition de ne considérer que le cas des individus hétérosexuels, on peut dire que chaque femme est conjointement "offreuse de femme" et "demandeuse d'homme", tandis que chaque homme se pose en tant que "demandeur de femme" et également "offreur d'homme".
7.- Une version promotionnelle et abrégée de l'ouvrage (comprenant la couverture, la table des matières, l'introduction et le chapitre 1 très explicitement intitulé "The Problem: American Women") est disponible sur Internet, voir le site de Gary Clark: http://www.wtw.org/mob/promo.pdf.
8.- Le genre est une catégorie d'analyse qui permet de décrire le masculin et le féminin comme constructions sociales; il s'agit de rejeter tout déterminisme biologique pour souligner le caractère social des différences de sexe (Dictionnaire de Sociologie, Le Robert - Seuil, 1999).
9.- Cf. le site http://www.affection.org. Les informations que nous fournissons datent d'une consultation de ce site le 04 juin 2003. Le site affection.org est le plus prisé des sites de rencontres sur Internet à Yaoundé. Selon les statistiques du site, recensant le nombre d'abonnés en fonction du genre et de leur répartition mondiale, il y aurait 9'918 femmes camerounaises parmi l'ensemble des femmes abonnées dans le monde à ce site (40'090), soit une proportion de près de 25%; cette proportion grimpe à 40% si l'on considère le nombre de Camerounaises par rapport à l'ensemble des femmes africaines abonnées (24'523).
10.- Se munir d'un ordinateur et se connecter à un Provider (fournisseur d'accès Internet) n'est pas à la portée du camerounais moyen. Bien que depuis 2002, il soit possible de se connecter à Internet dans presque toutes les dix provinces du Cameroun, la majorité des dragueurs sont originaires et résidents des provinces du Centre (35%) et du Littoral (30%). Notons que certaines moeurs sociales, plus que d'autres, peuvent ou non faciliter la pratique de la drague par Internet. Ainsi, la propension à certaines pratiques sexuelles libertines chez les Bëti du centre serait un élément explicatif de la présence considérable de personnes provenant des zones Bëti ou Ewondo. A contrario, on comprendrait la faible participation des femmes des provinces du Nord, de l'Extrême-nord et de l'Adamaoua comme un corollaire de leur milieu socioculturel fermé restreignant leurs libertés et initiatives. Cette proportion plus importante d'utilisateurs de sites et d'espaces de rencontre dans certaines régions s'avère sans doute également liée à la situation stratégique de Yaoundé et Douala, zones métropolitaines où le contact avec les étrangers par les transactions (migrations, commerce, etc.) et les infrastructures en place (aéroports, agences de transits, réseaux sophistiqués de communication, etc.) est rapide et régulier, et où l'urbanisation et l'acculturation émancipent les mentalités des individus.
11.- Dans son étude pionnière sur le mariage par correspondance, Perrot (1983) souligne l'importance du "réseau des cousines", les échanges de bons tuyaux suivent notamment les filières familiales.
12.- Pour donner une idée, les moniteurs se font par exemple payer 500F CFA par lettre et à raison de 30 à 40 lettres par mois, les tchatcheuses assidues peuvent donc consacrer de 15'000 à 20'000F CFA par mois, soit un budget conséquent compte tenu de leur revenu mensuel qui tourne généralement autour de 50'000F CFA. Trouver un mari sur le Net suppose en effet des dépenses financièresimportantes. A cela, il faut ajouter, le coût des connections Internet: avec un minimum journalier de deux heures de surf et un minimum de 400F CFA l'heure dans un cybercafé, sans compter les frais de déplacements (taxis) et autres dépenses inclues dans la correspondance comme la prise de photos, les frais de scanner et éventuellement l'envoi de cadeaux, le total des frais peut osciller au premier mois de la relation entre 40'000 et près de 100'000F CFA (Tatio Sah, 2003).
13.- "Channel operators", soit les modérateurs des conversations, qui font respecter la netiquette.
14.- Dans ce cas de figure, il a généralement été constaté qu'il s'agit de cybersexe ou de comportements érotiques que certaines camerounaises acceptent de vivre contre des récompenses monétaires que leurs envoient leurs partenaires.
15.- Cet exemple est fréquent dans les cas où il y a eu mésentente sur les heures de rencontre à l'aéroport et généralement quand le voyageur est arrivé plus tôt que prévu.
16.- L'imagerie de prestige du mariage avec un blanc est d'autant plus solide que les enfants métissés issus d'une telle union sont privilégiés dans la société. Certaines nous ont confié qu'ils/elles préfèrent un blanc pauvre à un noir "situé" pour avoir une descendance métissée réputée pour la beauté physique.
17.- Les intrigues ne concernent pas uniquement les pratiquants de la recherche de cyberconjoints, elles viennent également des populations qui réprouvent en majorité les cyberunions.
18.- Cette pratique à été étudiée par l'anthropologue Philippe Laburthe-Tolra (1981)
19.- Cérémonies traditionnelles de contre-poison.

Références bibliographiques:

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Brisson, L. (2002), "La conquête du bonheur passe par Internet", in Le Quotidien, consulté sur Internet: http://www.cyberpresse.ca/quotidien/

Clark, G. (1994), "Your Bride is in the Mail!" How to find the woman you really want by corresponding with ladies in foreign countries, Las Vegas: Words That Work Publications.

Constable, N. (à paraître, septembre 2003), Romance on a Global Stage. Pen Pals, Virtual Ethnography, and "Mail Order" Marriages, California: The University of California Press.

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Etienne, J. et al. (1995), Dictionnaire de sociologie: les notions, les mécanismes et les auteurs, Paris: Hatier.

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Laburthe-Tolra, P. (1981), Les seigneurs de la forêt, Paris: Publication de la Sorbonne.

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Tatio Sah, O. (2003), Le mariage virtuel via Internet. A la recherche des déterminants socioculturels d'une relation médiatisée par les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), Mémoire de maîtrise en Sociologie, Yaoundé: Université de Yaoundé I.


Notice:
Draelants, Hugues et Tatio Sah, Olive. "Femme camerounaise cherche mari blanc: le Net entre eldorado et outil de reproduction", Esprit critique, Automne 2003, Vol.05, No.04, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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