Esprit critique - Revue électronique de sociologie
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Vol.04 No.07 - Juillet 2002
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Numéro thématique - Été 2002
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La recherche en travail social
Sous la direction de Hervé Drouard
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Articles
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20 ans de diplôme d'assistants de service social en Franche-Comté: Une approche des trajectoires professionnelles
Par Claire Chantefoin

Résumé:
En juin 2000, le diplôme des Assistants de Service Social fêtait sa vingtième session en Franche-Comté (création du centre de formation en travail social en 1978 à Besançon, premier diplôme en 1981), le moment était donc venu de faire le point et de dresser un bilan des parcours professionnels individuels. Nous proposons ici les résultats d'une étude sur les trajectoires professionnelles des Assistants de Service Social ayant fréquentés l'institut de formation de Franche-Comté depuis sa réouverture en 1978. Une enquête par questionnaire a été réalisée par L'IRTS de Franche-Comté, de Mars à Avril 2000 auprès de tous les diplômés de Franche-Comté. Cette démarche quantitative nous montre l'évolution des profils à l'entrée en formation, les conditions d'exercice de la profession, les évolutions de carrière et, fait le point sur les lieux d'exercice du métier et les différents champs de compétences. Cette étude nous permet de pointer et de décrypter: Des trajectoires particulières et originales; Des réalités professionnelles; Les différentes activités ou missions qui s'offrent aux assistants de service social aujourd'hui; Les secteurs d'activités privilégiés; La mobilité des Assistants de Service Social; Une approche de la continuité entre formation et emploi.


La construction d'itinéraires professionnels: une réalité à découvrir

     En juin 2000, le diplôme des Assistants de Service Social fêtait sa vingtième session en Franche-Comté (création du centre de formation en travail social en 1978 à Besançon, premier diplôme en 1981), le moment était donc venu de faire le point et de dresser un bilan des parcours professionnels individuels.

     Nous proposons ici les premiers résultats d'une étude sur les trajectoires professionnelles des Assistants de Service Social ayant fréquenté l'institut de formation de Franche-Comté depuis sa réouverture en 1978.

     Une enquête par questionnaire a été réalisée par l'IRTS de Franche-Comté[1], de mars à avril 2000 auprès de tous les diplômés de Franche-Comté. Cette démarche quantitative nous montre l'évolution des profils à l'entrée en formation, les conditions d'exercice de la profession, les évolutions de carrière et, fait le point sur les lieux d'exercice du métier et les différents champs de compétences.

Cette étude nous permet de pointer et de décrypter:

  • Des trajectoires particulières et originales
  • Des réalités professionnelles
  • Les différentes activités ou missions qui s'offrent aux assistants de service social aujourd'hui
  • Les secteurs d'activités privilégiés
  • La mobilité des assistants de service social
  • Une approche de la continuité entre formation et emploi.

     C'est donc bien en termes de bilan que nous nous proposons d'aborder l'analyse des résultats, cela devra nous conduire à un travail sur un axe orienté sur les notions de compétences, fonction et qualification et à un bilan de l'emploi en Franche-Comté.

     Une étude qualitative, réalisée par les étudiants dans le cadre d'une étude de milieu est venue compléter cette enquête par questionnaire: elle a apporté sa pierre à l'édifice en complétant l'architecture générale de cette enquête.

     Si le diplôme est toujours le même, depuis 20 ans, la formation a évolué, le paysage professionnel a changé, les mutations économiques en cours ont modifié la structure et l'organisation du travail, de nouveaux emplois émergent, le métier traditionnel "d'assistante sociale" évolue.

     Le marché du travail social offre des fonctions, des postes, des statuts que chacun en fonction de ses ambitions s'approprie en termes de construction d'itinéraire professionnel.

     Nous nous attacherons donc, à des trajectoires professionnelles particulières.

     Si la carrière de chacun se déroule selon un ordre, cet ordre est rarement préétabli, et, inconsciemment ou non les choix s'inscrivent dans un contexte économique et politique qui fait que ces choix sont toujours sous-tendus par le rapport qu'a chaque individu avec le monde du travail. Nous supposerons, ici, que des parcours originaux ont un rapport particulier avec ce monde du travail, et par ailleurs avec la sphère du privé.

     Et, comme le rappelle E.C.Hughes dans son ouvrage Le regard sociologique, "la singularité de la carrière d'un homme et la plupart de ses problèmes personnels, naissent des événements plus ou moins importants qui affectent sa vie...", à chaque événement va être lié un tournant dans sa trajectoire personnelle et professionnelle. Le travail comme "aspect du tout", trouve des réponses à la fois dans l'histoire de chacun mais aussi dans un contexte économique particulier (émergence d'un contexte nouveau au moment de la décentralisation par exemple ou en lien avec un public nouveau plus récemment).

     Les parcours professionnels -rarement organisés de façon consciente-, trajectoires en lignes droites ou sinueuses, "chemins inconscients" qui conduisent à la réalité du présent sont à prendre en compte comme autant de possibles itinéraires à partir d'un même diplôme.

     Une de nos hypothèses est qu'à partir d'un système de qualifications professionnelles et d'identification de compétences, apparaissent des logiques de parcours différentes. Ces logiques répondent à la fois à des besoins politiques et à une adaptation des individus aux transformations du contexte et des conditions dans lesquelles s'exerce le métier d'Assistant de service social par exemple, mais aussi répondent à des contraintes extérieures au champ professionnel.

     Nous avons donc cherché à découvrir comment la formation a pu orienter des parcours professionnels, quelles sont les continuités et/ou les ruptures qui ont permis à chacun de construire un parcours particulier et quelle est la réalité conjoncturelle en rapport avec les changements sociaux.

MÉTHODOLOGIE

Quatre thèmes mis en oeuvre

     Comprendre des parcours c'est avant tout demander aux intéressés de revenir en arrière et de se positionner par rapport à un choix initial.

Nous avons donc élaboré un questionnaire qui devait nous permettre de comprendre:

  • Les différentes étapes de la carrière de chacun et leur coïncidence avec les événements extérieurs au champ professionnel, événements liés à l'histoire de vie de chacun.
  • La réalité des choix
  • Les représentations
  • Les projets
  • Les motivations individuelles.

De fait, les questions ont été pensées à partir de ce que nous voulions montrer et la structure du questionnaire est bâtie à partir de 4 thèmes:

  • La situation actuelle personnelle et professionnelle
  • La situation au moment de la formation (à l'entrée, profession des parents, lieu de résidence, diplôme,...)
  • Les projets en formation continue ou permanente
  • Le parcours professionnel (partie ouverte qui doit nous permettre d'analyser des situations et ce en quoi elles sont conformes ou non avec les projets).

Contacter le plus grand nombre pour une "vraie" photo de famille

     Si le diplôme d'ASS a 20 ans à Besançon, c'est bien dans ce contexte que nous avons cherché à savoir ce qu'étaient devenus les anciens élèves.

     Si les trajectoires professionnelles étaient le point de départ de notre recherche nous avons rapidement tenu à prendre en compte les trajectoires privées et avons donc considéré les ASS depuis leur entrée en formation jusqu'à leur situation actuelle à partir de déterminants sociaux classiques (situation familiale, âge, lieu de résidence, profession des parents, du conjoint...).

     Le devenir des ASS, y compris de ceux qui ont quitté la profession, voire le monde du social, avait semblé intéressant à étudier. Le type de démarche adoptée n'autorise guère ce projet car, d'une part, on peut supposer que les questionnaires traités concernent majoritairement les ASS restées dans ce milieu -les coordonnées de ceux l'ayant quitté étant, davantage susceptibles de faire défaut - d'autre part parce que la motivation à participer à cette enquête pourrait légitimement être plus faible parmi les personnes qui ont changé d'orientation professionnelle.

     385 questionnaires ont été envoyés aux anciens élèves ASS de l'ISS (Institut de service social) et de l'IRTS le 20 mars 2000(385 sur 430 étudiants répertoriés, certains ne figurant plus dans le fichier d'adresse). Nous leur avons donc envoyé ce questionnaire à leur dernière adresse connue pour un retour demandé avant le 27 mars, une relance a été effectuée auprès des non-retours.

     Ce sont 61 questionnaires qui sont revenus avec la mention "n'habite plus à l'adresse indiquée". On estime donc que 324 questionnaires sont arrivés à destination.

     En retour, 221 questionnaires nous sont parvenus, soit un taux de réponse de 68% et donc 51% des anciens élèves.

     Beaucoup de questionnaires ont alors perdu leur anonymat puisque la plupart des ASS nous ont donné leurs coordonnées à la fin du questionnaire mais, dans le traitement, l'anonymat reste entier.

La réalité des chiffres

     Dans la présentation des résultats qui va suivre, les pourcentages sont toujours calculés par rapport à la population concernée, et non par rapport au nombre total de questionnaires étudiés: par exemple, les pourcentages des questions portant sur l'activité professionnelle sont établis sans tenir compte des personnes qui n'exercent pas actuellement d'activité professionnelle.

     La somme des pourcentages n'est pas toujours égale à 100%, en raison de la présence de réponses indéterminées; il n'en est pas fait explicitement mention, sauf quand le taux (de réponses indéterminées) d'indétermination est élevé.

     Nous avons pour la suite de l'étude, établi des comparaisons en fonction de l'ancienneté d'obtention du diplôme, en distinguant trois catégories: les plus anciens diplômés, c'est-à-dire ceux qui ont obtenus leur diplôme d'ASS durant ses cinq premières années d'existence (de 1981 à 1985), la catégorie intermédiaire (de 1986 à 1994) et les plus récents diplômés (de 1995 à 1999). Les effectifs correspondants sont respectivement de 57, 103 et 61 personnes.

Pour une meilleure lisibilité des résultats, nous présentons des pourcentages, en dépit des plus faibles effectifs des deux catégories extrêmes.

Les résultats

     Les retours de questionnaires reflètent le fait que les femmes sont largement majoritaires: un questionnaire sur dix concerne des hommes (8% des élèves seulement sont de sexe masculin). On ne constate pas d'évolution de tendance marquée durant la période; chaque promotion compte de un à quatre (une seule fois) garçons au maximum.

Profil et mode de vie: des positions sociales qui évoluent

1. À l'entrée en formation, l'âge est déjà une variable significative quant à un avenir professionnel différent puisque les étudiants entrent de plus en plus tardivement en formation. Les moins de 20 ans représentent 25% des élèves dans les premières promotions, 15% dans les promotions intermédiaires et 13% dans les plus récentes.

     Si en règle générale, 1/3 des élèves vit avec un conjoint et que, un sur cinq (20%) a des enfants, des écarts apparaissent de façon significative en fonction des promotions: les plus anciennes comptent un plus fort taux de personnes vivant en couple.



2. Le lieu de résidence à l'entrée est plutôt local: 70% sont domiciliés dans le Doubs avant leur entrée à l'école, dont 54% à Besançon ou sa couronne. On discerne toutefois une tendance récente à un élargissement du recrutement: si 78% des élèves des premières promotions vivent dans le Doubs avant leur entrée à l'Institut, 77% dans les promotions intermédiaires, ils ne sont plus que 55% dans les plus récentes.

     35% indiquent résider chez leurs parents.

     Le département de résidence des parents le plus cité est le Doubs puis le Jura et la Haute-Saône.



3. L'Origine sociale est également à prendre en compte et si, les catégories socioprofessionnelles des parents montrent un fort pourcentage d'agriculteurs: 16% des pères, les deux catégories les plus présentes étant toutefois "employé" (19%) et "ouvrier ou ouvrier agricole" (18%), on perçoit très nettement sur les vingt années, une évolution dans le recrutement, en partie liée à l'évolution de la société; les premières promotions comptent un tiers d'enfants d'agriculteurs; les promotions intermédiaires 13%; les plus récentes 9%.

30% des mères sont sans profession; puis 26% sont employées et 14% agricultrices.





Évolution de la population active en France depuis 1982 en %*

 

1982

1990

1995

1998

Agriculteurs exploitants

6,3

4,1

3,2

2,7

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise

7,8

7,3

6,9

6,5

Cadres, professions intellectuelles supérieures

8,1

1O,7

12,1

12,3

Professions intermédiaires

16,9

18,8

19,9

20,0

Employés

26,6

27,6

29,4

29,8

Ouvriers

32,9

30,4

27,2

27,4

Chômeurs n'ayant jamais travaillé

1,5

1,1

1,3

1,4

Population active (hors appelés du contingent)

100

100

100

100


*(source Insee, recensement de la population et enquête emploi de 1995 à 1998).


Une formation initiale plus poussée vers un métier que l'on choisit davantage

1. En ce qui concerne la formation initiale, pratiquement tous les ASS sont titulaires du baccalauréat à l'entrée à l'école: certains possèdent, aussi un diplôme supérieur:

  • 7% ont un BTS ou un DUT
  • 12% un DEUG
  • 9% une licence
  • 3% une maîtrise.

     Dans les plus récentes promotions, on enregistre un plus fort taux d'étudiants possédant licence ou maîtrise. Là aussi on peut présupposer de l'influence des diplômes supérieurs sur le futur parcours professionnel.



2. Sur l'ensemble de l'échantillon près d'un ASS sur cinq (19%) aurait souhaité poursuivre d'autres études; parmi les professions envisagées, sont citées à plus d'une reprise: enseignants(15), psychologue(8), avocat(4), infirmière(2), sage-femme (2), orthophoniste (2), animateur (2), Juge (2).

     Apparemment le choix des études AS est de plus en plus en rapport avec les souhaits des personnes. En effet, dans les premières promotions, plus d'un quart des personnes auraient préféré suivre d'autres études; cette proportion est de un sur cinq pour les promotions intermédiaires et tombe à 9% pour les plus récentes. Il semblerait qu'actuellement on s'oriente vers la profession d'ASS davantage par choix.



Le présent: révélateur d'une certaine stabilité personnelle

1. L'état civil actuel des 221 questionnés ne fait que montrer la logique du temps puisque naturellement la population a vieilli et les ASS qui ont répondu ont entre 21 ans et 54 ans avec une forte proportion de 30/44 ans (62%).

     Au moment de l'enquête, 71% des personnes vivent en couple (alors qu'il y en avait 66% à l'entrée en formation) et les deux tiers ont des enfants (de un à quatre au maximum) contre 20% à l'entrée.

     Les conjoints travaillent dans l'industrie et la production (16%), dans l'enseignement (14%) et dans le paramédical et la santé (8%).

     9% seulement des conjoints travaillent dans le social, aucun n'est lui-même ASS; parmi ceux-ci, on compte cinq éducateurs spécialisés, deux éducateurs et un éducateur sportif, deux animatrices, deux directeurs de structure, une informatrice sociale et un chef de service.

2. En ce qui concerne le lieu de résidence, le département le plus représenté est le Doubs (56%) - dont 40% de résidents de Besançon ou couronne), puis la Haute-Saône (14%), le Jura (11%), le Territoire de Belfort et la Saône-et-Loire (2% chacun), la Côte-d'Or et le Haut-Rhin (1% chacun); 4% des réponses proviennent de personnes domiciliées en région parisienne.

     La comparaison entre le lieu actuel de résidence et le lieu de résidence à l'entrée en formation met en évidence une absence de mobilité géographique pour 60% des personnes; 79% des personnes résidant actuellement à Besançon ou couronne avaient déjà le même lieu de résidence avant leurs études. Ce taux est de 66% pour les personnes des autres communes du Doubs et de 57% pour les habitants de la Haute-Saône. Ceci tant à montrer une certaine stabilité géographique.

Assistant de service social: une fidélité dans ses choix

1. Une certaine assiduité professionnelle

     Au moment de l'enquête, 214 personnes exercent une activité professionnelle; parmi les sept autres, 6 sont en congé de maternité ou parental, ce qui les définit également par rapport à une activité professionnelle et une est la secrétaire de son mari mais sans activité professionnelle officielle.

     Parmi ces personnes, 195 (soit 88% de l'échantillon) exercent actuellement une activité d'ASS; 106 personnes ne précisent pas la nature de leur activité (sachant que le type d'intervention et, le cas échéant, la spécialisation sont déjà indiqués par ailleurs) et se définissent uniquement comme AS.

     Plus de la moitié (58%) des personnes exerçant actuellement la profession d'ASS sont spécialisés; 39% exercent en polyvalence de secteur et 4% en polyvalence de catégorie.

Les ASS en spécialisation semblent légèrement plus âgés que l'ensemble des diplômés interrogés (20% d'entre eux ont 45 ans ou plus, contre 16% pour l'ensemble), mais surtout les hommes sont plus présents: 16% de cette population sont de sexe masculin, contre 10% pour l'ensemble.

     La distinction entre exercer ou non la profession d'ASS semble pouvoir être subjective: deux délégués à la tutelle ont répondu; l'un considère qu'il exerce cette profession, et l'autre non... De même, un responsable d'espace d'action médico-sociale estime exercer la profession d'ASS.

     Toutefois, pour certaines professions (avocate, paysanne, professeur des écoles...), aucun doute n'est permis. On peut donc estimer à environ 4% le nombre de diplômés hors du circuit service social.

     Neuf personnes mentionnent une activité professionnelle secondaire (il s'agit essentiellement de vacations dans le domaine de la formation).

2. Une activité professionnelle qui tend à être en adéquation avec ses représentations

     Pour les personnes qui exercent, ou qui ont déjà exercé cette activité d'ASS, cette dernière se révèle être plutôt conforme (63% des opinions) à la représentation qu'elles pouvaient en avoir lors de leurs études; 21% estiment toutefois que cette profession est différente de ce qu'elles imaginaient, et 15% reconnaissent ne pas en avoir eu de représentation précise à priori.

     Là aussi, on note une évolution: 31% des ASS des premières promotions ont trouvé la profession d'ASS différente de la représentation qu'ils en avaient, contre seulement 19% des promotions intermédiaires et 15% des plus récentes qui, comme nous le rappelons, semble avoir choisi cette profession plus que leurs aînés (rapport avec études envisagées).

     L'adéquation entre la représentation de la profession et la réalité professionnelle est plus forte parmi les personnes qui n'auraient pas souhaité suivre d'autres études: les deux tiers d'entre elles trouvent la profession plutôt conforme à la représentation qu'elles en avaient.

     Les ASS qui travaillent en spécialisation sont un peu moins nombreux à trouver la profession conforme à la représentation qu'ils en avaient (58%); près d'un sur cinq (19%) indique ne pas avoir eu de représentation précise à priori.

     Les personnes (19) qui ne sont pas ou plus ASS, invoquent comme raison une opportunité (2), une évolution (3), le désir de faire autre chose (2). Une personne indique toutefois que sa décision est liée à des "conditions de travail déplorables. Pas de travail de fond possible". Onze d'entre elles (soit plus de la moitié) pensent ne pas exercer cette profession dans l'avenir; quinze estiment que la formation d'ASS leur est utile dans le cadre de leur activité actuelle.

Quatre personnes déclarent n'avoir jamais exercé la profession d'ASS; deux d'entre elles pensent ne pas l'exercer dans l'avenir.

Parcours professionnels et réalité sociale

1.Une expérience professionnelle accomplie

     Avant leurs études à l'ISS ou l'IRTS, 93% des élèves ont déjà connu une expérience professionnelle, et près d'un tiers (32%) ont exercé une activité professionnelle de façon régulière. Un quart a déjà travaillé dans le domaine du social.

     45% des élèves ASS ont dû travailler durant leurs études pour les financer. On remarque un taux de travail moins important chez les diplômés des premières promotions (37% seulement contre 47% et 48% dans les promotions suivantes).

     À l'issue de leurs études, la majorité des ASS ont trouvé très rapidement du travail: tout de suite (c'est-à-dire dans un délai de un à deux mois après l'obtention de leur diplôme) pour 84% des personnes; au total dans les six mois pour 97% d'entre eux.

2. Des situations d'emploi parfois nombreuses mais géographiquement concentrées

     Sur l'ensemble des questionnaires, le décompte du nombre de situations d'emploi décrites nous permet de repérer 19% de personnes qui ont connu une seule situation d'emploi, 47% entre deux et trois, 20% entre 4 et 5 situations et 9% de 6 situation et plus.

     Le type de contrat de travail le plus répandu est le contrat à durée indéterminée (76% des personnes en activité); on remarque toutefois que cette proportion est sensiblement plus faible parmi les jeunes diplômés: 64%.

     On remarque des variations selon l'ancienneté d'obtention du diplôme, pas totalement conformes avec ce que l'on pouvait attendre. En effet, on aurait pu penser que plus le parcours professionnel des ASS était long, plus cela pouvait créer d'occasions de changement. Or, les diplômés des premières promotions n'ont connu majoritairement (71%) qu'une à trois situations d'emploi (un quart n'en indique qu'une seule), alors que les promotions intermédiaires ne sont que 54% dans ce cas.

     Un ASS, parmi les plus récents diplômés, mentionne même douze situations d'emploi depuis l'obtention de son diplôme, correspondant au total à seize contrats à durée déterminée!



     La plupart des personnes (quatre sur cinq) n'indique que des situations d'emploi, à l'exclusion de tout chômage, les dates des différents contrats de travail attestant bien de cette continuité. Cela est particulièrement vrai pour les plus anciens diplômés qui à 86% n'ont connu que de l'emploi au cours de leur parcours professionnel; cette proportion est de 78 à 79% pour les promotions suivantes.

     L'écart est surtout manifeste au moment de l'entrée dans la vie active: dans les premières promotions, aucun ASS n'a connu de délai de chômage avant de commencer sa vie professionnelle; dans les promotions intermédiaires, 4% ont été dans ce cas; dans les plus récentes promotions, 12% ont commencé par une période de chômage avant leur premier emploi.

     Une des hypothèses était que la présence d'enfants contribuait à générer davantage de situations d'emploi (interruptions, reprises...). Nous avons mis en rapport le nombre de situations d'emploi décrites avec le nombre d'enfants (en considérant trois catégories: sans enfant, un ou deux enfants, trois enfants ou plus), en excluant les personnes des cinq dernières promotions pour lesquelles le parcours professionnel ne fait que débuter.

     Parmi les personnes sans enfant, 29% ont connu plus de trois situations d'emploi; pour celles qui ont des enfants, cette proportion est de 39% (avec toutefois une distinction en fonction du nombre d'enfants: 43% des personnes avec un ou deux enfants ont connu plus de trois situations d'emploi, contre seulement 31% de celles ayant eu trois enfants ou plus).

     Plus de la moitié des personnes (55%) travaillent dans le Doubs; le tiers des emplois est même localisé à Besançon ou couronne. 14% travaillent en Haute-Saône, 13% dans le Jura et 4% dans le Territoire de Belfort. Au total, 81% des enquêtes reçues concernent des personnes travaillant en Franche-Comté.

     Il faut toutefois préciser que les questionnaires revenus avec la mention "n'habite plus à l'adresse indiquée" concernent peut-être plus volontiers des gens qui ont quitté la région.

     Le principal type d'employeur est "collectivité territoriale" (45% des personnes); ce qui est conforme aux statistiques nationale des 45% d'embauche par les conseils généraux, viennent ensuite les associations (16%), puis les administrations et les établissements publics (14% chacun), enfin les entreprises privées et les collectivités locales (respectivement 4% et 2%).

3. Une mobilité souhaitée pour une mise en valeur des compétences

     37% Des personnes envisagent un changement de poste de travail à court ou moyen terme: 12% dès que possible et 26% d'ici quelques années. Toutefois, près de la moitié (46%) n'envisagent pas de changer de poste.

     Pour la profession, il n'y a pas de changement envisagé, à priori, pour 55% d'entre eux. On remarque néanmoins un fort taux de non-réponse pour cette question, traduisant une incertitude manifeste (28% des personnes n'ont pas exprimé d'opinion).

     Les professions citées se situent dans le domaine de l'enseignement (3), la formation (4).

     Quinze personnes souhaitent s'orienter vers une spécialisation; l'une d'entre elles indique vouloir "faire une spécialisation car la polyvalence c'est parfois tout faire et rien faire".

L'expérience et les compétences apparaissent à dix reprises (désir de les améliorer, de les faire partager...).

     L'accent est également mis sur l'exercice de responsabilités (10).

     Certains changements sont liés à un désir de mobilité géographique (8), généralement un rapprochement de conjoint, de région d'origine...

     Cinq personnes invoquent un besoin d'évolution personnelle.

     Les conditions de travail sont également citées à deux reprises comme motivation au changement; la rémunération n'apparaît que trois fois.

     Enfin, quelques personnes évoquent simplement "l'envie" ou "le besoin de changement".

     Plus de la moitié des ASS en spécialisation n'envisage pas de changer de poste (54%) ou de profession (58%), soit un taux plus élevé que la moyenne.

4. Une certaine continuité entre formation professionnelle continue et emploi

     Les deux tiers des personnes ont suivi une ou plusieurs formations depuis leur sortie de l'école, essentiellement en formation continue; 3 personnes seulement ont obtenu un DSTS, 4 un DHEPS et 12 un diplôme universitaire.

     Cette proportion élevée (2/3) recouvre des réalités très diverses, certaines formations ne durant que quelques jours et d'autres s'étalant sur plusieurs mois, voire une ou deux années.

Pas de formation réalisée

62

30%

Approche systémique

16

8%

Universitaire

15

7%

Alcoolisme, alcoologie

11

5%

Enfance, adolescence

10

5%

Formateur terrain

8

4%

Santé

8

4%

Famille

7

3%

Journées d'études et colloques divers

7

3%

Méthodologie d'intervention, analyse de la pratique

7

3%

Informatique

6

3%

Argent

5

2%

Conduite de réunion

5

2%

Insertion

5

2%

Jeunes professionnels

5

2%

Maltraitance

5

2%

Marketing, management

5

2%

Violence

5

2%

Abus sexuels

4

2%

Adoption

4

2%

Aspects législatifs

4

2%

DHEPS

4

2%

DSTS

4

2%

Formateur de stage

4

2%

Sida

4

2%

Ecriture professionnelle

3

1%

Emploi

3

1%

Génogramme

3

1%

Placement familial

3

1%

PNL

3

1%

Secret professionnel

3

1%

Troubles psychiques, formation

3

1%

Psychanalytique

   

Agrément des assistantes maternelles

2

1%

Evaluation, expertise sociale

2

1%

Gérontologie

2

1%

Logement

2

1%

Préparation concours

2

1%

Stress

2

1%

Toxicomanie

2

1%

Urgence en travail social

2

1%



     De plus, les taux varient largement en fonction de l'année d'obtention du diplôme: moins de la moitié des jeunes diplômés ont déjà bénéficié d'une formation.

Parmi les formations citées, nous n'avons retenu ci-dessous que celles qui sont mentionnées à plusieurs reprises:

[Pour des raisons de pertinence, dans le tableau suivant contrairement aux autres, les pourcentages sont calculés sur le nombre total d'individus, soit 221, et non uniquement par rapport aux 159 ayant suivi une formation.]

     La liste ci-dessus présente un décompte à minima des domaines de formations suivies (certaines personnes ayant simplement indiqué le nombre de formations suivies sans préciser leur nature), mais ne reflète pas le nombre de formations; certains ASS ont pu en suivre jusqu'à huit sur le même thème.

5. Des projets de formation qui révèlent des besoins

     La moitié des personnes indique avoir un projet de formation à concrétiser dans les trois années à venir. Cette proportion traduit bien le besoin, ou le désir, de se former qu'éprouvent les ASS; toutefois, quinze d'entre elles ne peuvent formuler précisément la nature de la formation envisagée.

     Les formations de type universitaire sont 18 au total, dont sept en psychologie et une en sociologie, et 2 de gérontologie.

     Des formations qui ont été relativement suivies ne sont guère envisagées pour le moment: les thèmes alcoolisme et alcoologie, santé, informatique, jeunes professionnels ne mobilisent qu'une seule personne chacun.



     Le projet de formation est plus présent parmi les ASS des promotions intermédiaires: 54%, contre respectivement 45 et 46% pour ceux des promotions les plus anciennes ou les plus récentes. Ce qui n'exclut pas pour autant un fort taux de besoin de formation pour les plus jeunes promotions.

     On n'observe pas de corrélation entre le nombre de situations décrites et le désir de suivre une formation, que l'étude porte sur l'ensemble des questionnaires ou uniquement sur ceux des promotions anciennes ou intermédiaires (dans ce cas, 63% des personnes ayant un projet de formation décrivent de une à trois situations d'emploi; pourcentage strictement identique pour celles n'ayant pas de projet de formation).

6. Un travail que l'on estime dans l'ensemble satisfaisant

     La grande majorité des personnes (95%) s'estiment satisfaites de leur travail: 70% sont globalement satisfaites et 25% partiellement satisfaites. Trois personnes seulement disent ne pas être satisfaites (dont une qui n'exerce pas la profession d'ASS).

     Les jeunes professionnels éprouvent une satisfaction plus importante vis-à-vis de leur activité puisque 76% sont globalement satisfaits, alors que ce pourcentage n'est que de 63% dans les premières promotions, et de 65% dans les promotions intermédiaires: plus on est ancien dans la profession, moins on est satisfait!

     La satisfaction des ASS vis-à-vis de leur travail n'évolue pas sensiblement en fonction de leur domaine d'intervention, comme on aurait pu le penser à la lecture des commentaires qui montrent que les ASS en polyvalence de secteur ont davantage de griefs à exposer que les autres. Les ASS travaillant en polyvalence de catégorie semblent davantage satisfaits, mais leur faible nombre interdit toutefois de tirer des conclusions générales des avis exprimés.

7. Des compétences en adéquation avec les activités professionnelles individuelles...

     80% des personnes estiment que leur activité est globalement en adéquation avec leurs compétences, et 15% qu'elle l'est partiellement; deux personnes seulement jugent qu'elle ne l'est pas, bien qu'exerçant la profession d'ASS.

     L'indice de satisfaction est légèrement plus élevé parmi les jeunes promotions: 82% estiment que, globalement, leur activité est adéquation avec leurs compétences.

8. Des conditions d'exercice de la profession qui nécessiteraient des améliorations

     La plupart des personnes indiquent les améliorations qu'elles souhaiteraient dans leur activité.

     Un tiers des personnes souhaiterait des possibilités d'évolution dans la carrière, 30% un meilleur niveau de rémunération et, à part égale, une diminution de la charge de travail et un accroissement des possibilités de formation (29% pour chacune); l'amélioration des conditions de travail est la moins citée (25%).

     Les réponses autres ne concernent que 9% des personnes. Les plus citées sont les possibilités de titularisation (5), la réorganisation du service ou des missions (3) et la reconnaissance de la profession (2).

     Une personne sur dix ne mentionne toutefois aucune amélioration souhaitée.

     On constate là encore des écarts en fonction de l'ancienneté d'obtention du diplôme.

     Assez logiquement, le niveau de rémunération est plus mentionné chez les jeunes promus (39%) que chez les plus anciens (22%).

     À l'inverse, les possibilités d'évolution dans la carrière sensibilisent davantage les diplômés des premières promotions, qui en ont peut-être davantage éprouvé le manque (41% d'entre eux citent ce point, contre 28% pour les plus jeunes).

     Si les caractéristiques générales d'emploi des ASS en spécialisation (type de contrat de travail, fréquence, etc.) ne divergent guère de celles de l'ensemble des ASS, une différence sensible s'observe au niveau des améliorations souhaitées: 38% aimeraient une amélioration des possibilités de formation (contre 28% pour l'ensemble des enquêtes). Cela s'explique certainement par la spécificité de leur activité, qui nécessite une formation initiale puis permanente accrue: dans les commentaires, une personne a même précisé que les études d'ASS préparent bien à la fonction de généraliste, mais moins bien à la spécialisation. En regard de ce besoin en formation, on remarque globalement que les ASS en spécialisation n'ont pas davantage que l'ensemble, eu recours à des formations depuis leur diplôme. Chez ces personnes, le projet de formation dans les trois ans à venir n'est pas plus présent que sur l'ensemble des personnes interrogées: 47% ont un projet (contre 50% pour l'ensemble); est-ce par manque de propositions de formations adaptées à leur spécialisation?

CONCLUSION

     Ce travail donne quelques éclairages autant sur les continuités que sur les ruptures mais surtout nous montre une certaine stabilité professionnelle et une mobilité restreinte qui s'équilibre avec une évolution personnelle, sans que nous négligions les facteurs purement économiques qui entrent en jeu.

     Les personnes interrogées sont avant tout des acteurs du social et en cela se servent de leurs compétences pour évoluer à travers le champ.

     Et, si nous devions répondre à la question de savoir: "que sont devenus les Assistants de service social diplômés depuis 20 ans en Franche-Comté?", globalement on perçoit un taux de fuite moindre pour une implication constructive dans le domaine du social.

     Le marché du travail offre des postes et des nouveaux métiers que chacun s'approprie dans une logique de parcours qui évolue en termes de construction d'itinéraire professionnel. Les assistants de service social ont une pratique qui les conduit après une période de recherche d'identité professionnelle vers un poste qui correspond à la mise en valeur de leur expérience professionnelle et de leur capacité d'adaptation.

     Les changements d'activité ou de poste sont loin d'être liés à une lassitude professionnelle ou à un désintérêt mais bien le reflet d'un épanouissement personnel et professionnel. Les changements sont bien souvent à mettre en relation avec un certain dynamisme et une certaine curiosité.

     Et si, l'exercice de la profession semble intéressant, cette profession en évolution, et en perpétuel mouvement, oblige à suivre des formations pour se sentir informé et davantage compétent. Pour beaucoup, il semble indispensable de ne pas rester sur ses acquis pour progresser et aller de l'avant.

Claire Chantefoin

Notes:
1.- En collaboration avec Isabelle Mouret (consultante en analyse de données).

Notice:
Chantefoin, Claire. "20 ans de diplôme d'assistants de service social en Franche-Comté: Une approche des trajectoires professionnelles", Esprit critique, vol.04 no.07, Juillet 2002, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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