Esprit critique - Revue électronique de sociologie
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Vol.03 No.12 - Décembre 2001
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La phénoménologie
Par Pascal Cojean

      Ce terme fut tout d'abord employé par les philosophes comme Kant (Les premiers principes métaphysiques de la science de la nature 1786) et surtout Hegel, pour qui il s'agit d'une certitude sensible s'élevant au savoir absolu, que le terme atteint sa plénitude philosophique. Bien que Hegel l'ait appliqué, il ne fait pas partie des sources des phénoménologues sociologiques depuis environ un siècle après Husserl devient ce que l'on appelle "phénoménologie". Aussi bien en philosophie qu'en anthropologie, il s'agit de l'étude des sciences mais aussi une philosophie des essences dans l'existence et ne pense pas qu'on puisse comprendre l'homme et le monde autrement qu'à partir de leur "facticité". Il s'agit de décrire et non d'expliquer. Donc dans son sens Husserlien, il s'agit d'un projet de connaissance, par réduction descriptive, des structures universelles par lesquelles les phénomènes sont donnés à la conscience.

      Une des idées de la phénoménologie qui a le plus influencé la sociologie est que le sens est le milieu irréductible d'existence et des actions des êtres humains. L'introduction de la phénoménologie en sociologie se fit au travers d'une oeuvre, celle d'Alfred Schütz, qui reprenait à son compte le projet de la sociologie compréhensive en se proposant seulement de donner des éclaircissements fondamentaux. Dans l'ouvrage de 1932, il reprend l'analyse de concept weberien d'actions, de motif, de type en les reliant aux actes et aux consciences qui les sous-tendent. Son propre projet consistait à développer une phénoménologie constitutive de l'attitude naturelle et du monde de la vie dans lequel il voyait la source de l'intersubjectivité, conçu ainsi le projet de la phénoménologie pouvait s'identifier à une science sociale descriptive. Pour corroborer son projet, il s'appuie sur une sociologie du sens commun qui se présente ainsi en trois composantes essentielles qui sont donc l'attitude naturelle (il s'agit de la description du monde social tel qu'il est rencontré par ceux qui y vivent), le stock de connaissance (communes) à notre disposition (il vient de la société, il est socialement distribué, ce stock est fondé sur le langage quotidien, il ne s'agit pas d'un magasin ordonné d'information et de typification il est dépendant du contexte d'usage et les typifications maximes et définitions ont "un horizon ouvert" et sont potentiellement équivoques) et enfin le "raisonnement sociologique pratique" qui se définit ainsi par le fait de décrire les méthodes par lesquelles les gens produisent la facticité de ce monde à savoir comment ils traitent les "faits sociaux comme des choses", comment ce monde se posent devant eux comme consistant, contraignant, indépendant, etc... Les pratiques interviennent également dans le prélèvement méthodique des éléments du stock de connaissance en fonction des nécessités d'une situation donnée, il s'agit d'une "structure ouverte" qui nécessite à chaque instant des décisions "raisonnées" concernant leur emploi. De cet héritage, il en reste pour Garfinkel, le continuateur le plus influent, une science sociale descriptive, donna une direction plus empirique et pragmatique centré sur l'analyse des méthodes par lesquelles les membres de la société parviennent à entretenir des actions sociales organisées.

      La phénoménologie sociologique n'est pas, faut-il le rappeler, dans son acte originaire un irrationalisme ou un esthétisme qui se satisfait d'une approche impressionniste des choses, elle est née d'une réaction contre tous les positivismes qui débouchent sur le relativisme. Aussi cherche-t-elle son essence dans le phénomène, mais il est vrai qu'en sociologie la révolution phénoménologique est d'abord une volonté de revenir à l'importance de la vie quotidienne telle qu'elle se donne dans son jaillissement et son effervescence et qu'elle n'est pas chez tous l'ambition d'une nouvelle rationalité.

Pascal Cojean

Notice:
Cojean, Pascal. "La phénoménologie", Esprit critique, vol.03 no.12, Décembre 2001, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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